D'un point de vue météorologique, l'été 2021 est plutôt morose. Si l'activité touristique de l'Île de Ré n'en pâtit pas vraiment, la récolte de sel, elle, en subit les conséquences.
Sur l’Île de Ré, l’été rime avec tourisme, mais pas seulement. La saison estivale est également celle de la récolte de sel dans les marais salants. Cette année, la saison est particulière, et le rendement n’est pas à la hauteur des espérances. Si l’espoir renaît avec l’arrivée des beaux jours en cette fin de mois d’août, 2021 "restera une petite saison" pour les sauniers rétais.
La météo ajoute son grain de sel
En cause : la météo particulièrement difficile cet été sur la Charente-Maritime comme partout en France. "Cette année, il ne fait pas chaud, il y a des nuages, il n’y a pas de vent… C’est vraiment un été compliqué", constate Michelle Jean-Bart, saunière membre de la Coopérative les sauniers de l’Île de Ré. Et c’est précisément ce qu’il manque pour faire du sel : de la chaleur et une légère brise pour que l’eau des aires saunantes, les bassins de récolte, puisse s’évaporer et que le sel ressorte. D’autant plus que les nuages et la pluie se sont invités dans le ciel cet été. Mais la situation apparaît similaire partout, à Guérande, en Loire-Atlantique, ou sur l'Île d'Olonne, en Vendée, le constat est le même.
Sur l’Île de Ré, Nicolas Bécaud, président de la coopérative fait les comptes : "On a produit à peu près 1.000 tonnes de sel à la mi-août. L’an dernier, on a fait une saison moyenne et on a récolté 2.300 tonnes. Une très faible saison peut représenter 600 tonnes récoltées quand les plus grosses atteignent les 4.000." D’ordinaire, c’est la couleur rosée des bassins qui annonce que le sel est bon et prêt à être récolté. Elle se fait très rare cette année. Les coubes, petits tas de sel disposés le long des aires saunantes, atteignent une vingtaine de kilos en trois jours quand habituellement, on en récolte une quarantaine en deux jours.
Malgré tout, la soixantaine de producteurs de sel de la Coopérative les sauniers de l’Île de Ré essayent de positiver. La récolte en gros sel sauve les meubles car la fleur de sel, beaucoup plus rare, est aux abonnés absents. "On a fait de la fleur en juillet sans trop de soucis sur une dizaine de jours, mais depuis pas un gramme de fleur de sel à la surface de l’eau parce que les conditions ne sont pas réunies pour ça, explique Michelle Jean-Bart. Personnellement, j’ai fait 400 kg de fleur de sel cet été, on ne peut pas dire que c’est rien parce que c’est assez rare et irrégulier mais c’est en dessous de ce qu’on espérait."
Une saison sauvée par l'arrivée tardive des beaux jours ?
La saison de récolte met à l’épreuves le savoir-faire des sauniers. "C’est une saison formatrice car elle est exigeante. Il ne faut pas rater le créneau. On apprend à observer pour prévoir car les outils de prévisions météorologiques ne fonctionnent pas du tout cette année. Il faut sans cesse jouer avec les dosages", raconte la productrice de sel, Michelle Jean-Bart. Parfois ce n’est pas du tout le cas. Elle se souvient de la saison de ses débuts : "J’ai appris à faire du sel en 2003, c’était une excellente année pour nous. Mon maître de stage me disait : "Cette année, le premier venu pourrait faire du sel". Les années caniculaires, il suffit de mettre de l’eau et de récolter, rien d’autre."
Depuis quelques jours, le soleil a fait son retour sur la côte charentaise. De quoi redonner espoir pour sauver la saison ? Michelle Jean-Bart n’y croit pas trop :"On pourrait imaginer avoir une belle arrière-saison, ça s’est déjà vu. Mais à partir de mi-août, les jours raccourcissent vraiment et il y a de la rosée le matin qui adoucit l’eau des bassins." De son côté, le président de la coopérative, Nicolas Bécaud "espère, si les 15 prochains jours sont favorables, pouvoir arriver à 1.500 tonnes sur la saison." Il ne se voile pas la face pour autant et sait que "les chiffres moyens ne vont pas être atteints", à moins d’avoir "vraiment une arrière-saison extraordinaire".
Si la saison est compliquée, il n’y a toutefois pas d’inquiétudes à avoir pour les amateurs de sel et les employés de la coopérative. "Heureusement pour les clients, nous avons l’équivalent de 3 ans de stock d’avance", assure Nicolas Bécaud. En attendant un meilleur été, la Coopérative des sauniers de l’Île de Ré piochera sans doute dans les 6.000 tonnes de de gros sel et les 400 tonnes de fleur de sel qu’elle a de côté.
CARTE. Proche des marants salants, la Coopérative des sauniers de l'Île de Ré, à Ars-en-Ré.