Comme chaque année à la mi-janvier, des bénévoles comptent les oiseaux d'eau. Ils participent sous l'égide de la LPO à un programme mondial destiné à mieux connaitre ces populations et surtout à les protéger. Un rendez-vous incontournable pour tous les ornithologues amateurs dont certains se retrouvent dans la réserve naturelle de Lilleau des Niges sur l'île de Ré.
Bonnet vissé sur le crâne et l'œil collé à sa longue vue, Jean-Christophe Lemesle clique de sa main gantée sur le petit compteur. Depuis le début de la matinée, le conservateur de la réserve naturelle de Lilleau des Niges, au nord de l’île de Ré, participe au comptage des oiseaux.
Comme chaque année à la mi-janvier, il est l’un des premiers à prendre part à ce grand inventaire. Un rendez-vous mondial qui, depuis 1967, permet de dresser un état des lieux des populations d’oiseaux d’eau. Ces espèces dépendent des zones humides pour vivre et c’est pour cette raison qu’elles y sont dénombrées dans ces espaces protégés.
L’exercice réclame de la rigueur, de la précision et un peu de méthode aussi.
"Quand on a un groupe d’oiseaux important, on ne va pas cliquer à chaque individu", explique l’ornithologue.
On peut avoir des groupes de deux mille ou trois mille oiseaux, ce serait beaucoup trop long, alors on fait des regroupements par dix et on va cliquer par groupe de dix ou plus.
Jean-Christophe Lemesle, Conservateur de la réserve naturelle de Lilleau des Niges
Jean Christophe Lemesle n’est pas seul à s’atteler à la tâche.
150.000 personnes mobilisées à travers le monde
Chaque année, une centaine d’ornithologues amateurs viennent lui prêter main forte, ici dans ce sanctuaire qui a vu le jour il y a une trentaine d’années. Au niveau mondial, ce sont quelque 150.000 personnes qui sont mobilisées durant un jour ou deux sur une période d’une semaine. Et le jeu en vaut la chandelle.
Cela nous donne des indications, des tendances qui permettent d’apprécier les populations d’oiseaux et nous invite à réagir en conséquence.
Laurent Couzi, Responsable du service connaissance à la LPO
Jusqu’ici, le travail a porté ses fruits. Depuis les années 80, la population globale des oiseaux d’eau augmente en France. On en dénombre plus de deux millions et demi aujourd’hui.
"Ce que l’on constate, c’est que les actions de prévention des milieux naturels et des espèces sont payantes" se félicite le patron de la LPO, Allain Bougrain-Dubourg. Ça c’est encourageant pour l’avenir, mais malheureusement, ce n’est pas applicable à toutes les espèces, certaines d’entre elles sont particulièrement fragiles »
C’est le cas pour les canards plongeurs, les fuligules notamment, les courlis cendrés ou encore les barges à queue noire, dont l’espèce pouvait être chassée il y a encore peu et qui commence à décliner. Si la chasse et la pollution ont eu un impact indéniable sur les population d’oiseaux d’eau, la création d’espaces protégés a permis d’enrayer fortement le phénomène. On compte aujourd’hui 50.000 zones humides réparties dans 180 pays à travers le monde.
Le réchauffement climatique, une menace aussi pour les oiseaux d'eau
Le souci, c’est qu’aujourd’hui un autre danger menace : le réchauffement climatique et la montée des eaux qu’il va générer. "D’ici à 2050, cela va amener les oiseaux à changer de milieu", s’inquiète Allain Bougrain-Dubourg.
«La LPO a fait des propositions pour établir de nouvelles réserves pour le futur, mais malheureusement, très franchement, nous ne sommes pas entendus.»
Alain Bougrain-Dubourg Président de la Ligue pour la Protection des Oiseaux
"Donc, nous ne savons pas comment les oiseaux seront accueillis et pourront être préservés dans l’avenir", poursuit-il.
La balle est désormais dans le camp des pouvoirs publics : État, Conservatoire du littoral mais aussi toutes les volontés locales qui permettront d’acquérir de nouveaux terrains. "Le problème aujourd’hui, c’est que tous les espaces sont aménagés", déplore Allain Bougrain-Dubourg, "pourtant, il y a trente ans cette réserve de Lilleau des Niges sur l’île de Ré faisait peur à tout le monde. Aujourd’hui c’est devenu la tour Eiffel du nord de l’île de Ré."
Le cliquetis des compteurs ne devrait pas s’arrêter de sitôt. Les oiseaux d’eau, comme une bonne partie de leurs congénères, ne sont pas encore près d’être sauvés.