Dans un livre plein de nostalgie, Maryz Bessaguet, Rochelaise d'adoption, remet en lumière des photos de stars du Septième Art dans un La Rochelle d'après-guerre en noir et blanc. Des clichés pris sur le vif pendant les tournages de films avec Piccoli, Delon ou Romy Schneider. Emouvant.
Les cheveux balayés par le vent des pertuis charentais, le sourire resplendissant, Annie Girardot semble ravie de sa petite ballade en mer. Le Vigan, matelot sur l'Aquillon, a posé sans vergogne sa grosse patte de marin-pêcheur sur son épaule, comme si l'actrice était une vieille copine. Nous sommes en 1961 et, avec Lino Ventura, l'actrice tourne "Le Bateau d'Emile" de Denys de la Patellière. Cette photo pleine d'insouciance, comme une bonne partie des clichés du livre "La Rochelle... fait son cinéma", est signée Jean Gaillard. Photographe au journal Sud-Ouest pendant plus de trente ans, le Rochelais a laissé en héritage près de 26 000 négatifs à la médiathèque Michel Crépeau. C'est dans ce fonds inépuisable que Maryz Bessaguet a plongé pour nous faire revivre cette belle époque.
"Je suis tombée sur les photos de Jean Gaillard au « Bateau d’Emile » le restaurant de La Pallice", explique-t-elle, "des photos de Gabin, Ventura, Belmondo à un match de boxe. Je me suis rendu compte que tous ces gens étaient passés par là et, surtout, je ne connaissais pas Jean Gaillard. C’est le Doisneau rochelais. S’il avait vécu à Paris, il aurait été un grand photographe reconnu. Ce qui est extraordinaire chez cet homme, c’est le rapport humaniste qu’il a avec la photographie. Il n’est pas photographe à la base, c’est instinctif chez lui".
En 2019, elle propose donc à la municipalité de La Rochelle une exposition en plein air avec une quinzaine de clichés signés Gaillard. Cela s'appellera "Atmosphère... Atmosphère...". Des tirages sont affichés en centre-ville sur les lieux où ont été prises les photos. Place des petits-bancs, on pouvait, par exemple, revoir Michel Simon dans une séance improvisée d'autographes, Montand et Signoret sur le vieux port ou Johnny Hallyday en 1961 qui donne le départ du "tour de La Rochelle en trottinette". C'est cette exposition qui a donné à la maison d'édition Deux-Sévrienne "La Geste" l'idée de ce livre. Ils étaient déjà à l'initiative d'une collection d'ouvrages consacrés au fonds Gaillard et à ce La Rochelle d'après-guerre.
Mariz Bessaguet fait donc appel à la légendaire érudition de Vincent Martin, le "Monsieur Cinéma" de La Rochelle. "Le sang à la tête" de Gilles Grangier avec Jean Gabin en 56, "Les choses de la vie" de Sautet avec l'éternelle Romy Schneider, mais aussi "les aventuriers de l'arche perdue" qui emmena Spielberg dans la base sous-marine de La Pallice ; force est de constater que l'histoire d'amour entre la cité huguenotte et le Septième art ne date pas d'hier.
"Je pense que Simenon a beaucoup œuvré à une certaine époque et il a emmené un certain nombre de réalisateurs ici pour des adaptations de ces polars" croit savoir Maryz Bessaguet, "mais, surtout, c’est une ville qui est attrayante avec une lumière et une ambiance particulière. Ce que j’aime dans ces photos, c’est qu’elle raconte, comme dans un making-off, toute l’ambiance du tournage du film. On y découvre des scènes qui ne sont évidemment pas dans le montage final. Ce qui m’intéressait, c’était de montrer l’envers du décor de films que tout le monde connait".
On découvre ainsi Piccoli, Demy et Agnès Varda en train de papoter assis sur un trottoir de Rochefort, une toute jeune fille de 16 ans sur le port de commerce, une certaine Isabelle Adjani ou encore Alain Delon sur l'île d'Aix qui, entre deux scènes des "Aventuriers" de Robert Enrico, est plongé dans la lecture du "Tour de Gaule d'Astérix". En plus des clichés et des textes explicatifs, le livre donne la parole à des témoins de l'époque et ramène à la surface des anecdotes sur les tournages.
"J’ai rencontré, par exemple, Roro de Fouras, un ancien ostréiculteur qui conduisait la vedette qui emmenait Lino Ventura et Alain Delon pour « Les Aventuriers » à Fort Boyard et à l’île d’Aix. Ils avaient passé plus d’un mois et demi avec eux. Il en garde des souvenirs impérissables",
Après plusieurs jours passés ensemble, Ventura me regarde et me dit : tu veux faire de la lutte ? Comme j'étais jeune à l'époque et musclé, je lui dis : ok ! je vais te mettre KO... Premier corps à corps, le voilà par terre ; mais au second tour, je n'ai pas eu le temps de dire ouf, qu'en deux secondes j'étais au sol, terrassé...
Dans le cadre du 49ème Festival International de Cinéma de La Rochelle, Maryz Bessaguet dédicacera son livre à La Coursive le 4 juillet prochain.