Depuis un an, l'association du Phare du Bout du Monde célèbre les 20 ans de cette aventure hors du commun en invitant des volontaires à passer 24h dans cette abri marin sur pilotis. C'est Anne, 48 ans, qui symboliquement a passé la 200e nuit en pleine mer face à la plage des Minimes.
C'est d'un pas hésitant mais sans cacher une certaine excitation mêlée d'appréhension que Anne est arrivée samedi dernier au pied du Phare. Profitant de la marée basse, elle venait prendre le relais de Fabrice qui regrettait que "ça ce soit passé si vite". Pas une surprise pour André "Yul" Bronner, le chef d'orchestre de cette aventure. Tous les gardiens qui se sont succédés depuis un an ont tous eu ce sentiment du temps qui s'échappe, là, seul, en pleine mer. Notre pharmacienne, elle, ne sait pas encore à quoi s'attendre, mais elle s'était tout de suite portée volontaire quand elle a appris qu'en adhérant à l'association, on pouvait faire cette expérience unique de solitude, là, à deux pas du port de plaisance.
Cette solitude, c'est aussi ce que Yul était venu chercher un beau matin de décembre 1994 quand il débarquait pour la première fois, seul, sur l'île des États à la recherche du Phare du Bout du Monde, celui qui avait inspiré le livre de Jules Verne. La suite, on la connait ; la construction de la réplique du El Faro del Fin del Mundo par une bande potes rochelais, le voyage pour l'installer là-bas en Patagonie et, il y a vingt ans, la construction du deuxième phare en face de la plage des Minimes. 20 ans déjà et, comme toujours, Yul ne pouvait pas fêter ça tout seul dans son coin.J'ai appris que c'était mon tour, il y a à peine deux jours ! J'ai un peu de stress, j'avais le trac ce matin comme quand j'allais passer les exams ! J'espère pouvoir bien réfléchir, bien me poser et surtout ralentir, vraiment ralentir.
Le temps de faire le "tour du propriétaire", le lit de camp, le réchaud, la lampe solaire, Anne s'est donc retrouvée avec elle-même à écouter la mer qui montait inexorablement et qui bientôt allait la couper du monde. "C'est une super expérience. Je n'ai RIEN fait ! j'y allais vraiment pour faire une pause et ça a bien marché". La pharmacienne avait emmené un peu de lecture, mais elle a surtout contemplé le paysage, se réveillant pour admirer le lever de soleil. "On se sent super en sécurité dans un phare, vous vous dites que ça ne peut pas tomber, ça ne peut pas s'envoler. Mais je n'ai pas eu peur même si c'était grande marée et qu'il y avait un peu de vent, surtout la première nuit. Ça fait un peu le bruit dune machine à laver".L'idée, c'est de partager ça avec les gens, qu'ils laissent aller leur imagination pour quasiment vivre la même histoire que moi, qu'ils s'approprient ce phare. Souvent, dans les témoignages qu'ils nous laissent, ils parlent d'ailleurs tous de "mon phare". C'est émouvant.
"La première nuit", car le dimanche matin, quand Yul est venu la chercher pour la ramener à terre, il lui annonce que le prochain gardien s'est désisté et qu'elle peut rester 24 h de plus si elle le souhaite ! Qu'à cela ne tienne, ça sera donc une journée de plus au bout du monde.
Anne a laissé un poème dans le phare. D'autres ont fait des sculptures, des chansons, des dessins. Autant de témoignages précieusement collectés par Yul qui prévoit une grande soirée de cloture de l'opération pendant le Festival International du Film d'Aventure à La Rochelle en novembre prochain. D'ici là, une cinquantaine de nouveaux gardiens se seront succédés. Malheureusement, il est trop tard pour espérer passer une nuit seul en mer ; il y a encore plus de 80 personnes sur la liste d'attente du Phare du Bout du Monde.Je n'avais pas de portable, donc j'ai utilisé le téléphone d'urgence pour prévenir mon mari et mes enfants. C'est vraiment une belle parenthèse et ça vous enrichit en même temps, ce n'est que pour vous, c'est un peu égoïste mais quand on s'occupe des autres tout le temps - et qu'on est content de le faire - là c'est que pour vous.
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