L'Université et les associations caritatives de La Rochelle doivent faire face à un afflux d'étudiants en situation de précarité. La crise sanitaire n'a fait qu'accentuer la situation des plus fragiles.
"Comment ça se cuisine les navets jaunes ?" Dans l'amphithéâtre de la Maison de l'étudiant, tous les mercredis, ils sont plus de 150 à patiemment faire la queue pour remplir leur sac de produits frais. Cela fait deux ans maintenant que l'association rochelaise "Remplir les ventres pas les poubelles" récupère des invendus sur les marchés, dans les boulangeries et en grande surface pour distribuer leurs "Freegan Boxes" sur le campus. Une action désormais relayée par les bénévoles de l'AFEV (association pour la vie étudiante pour la ville). Des étudiants qui donnent un peu de temps pour aider ceux qui en ont le plus besoin. L'occasion bien sûr de les sensibiliser sur le problème du gaspillage alimentaire, mais surtout d'améliorer leur quotidien en terme d'alimentation. Se loger et se nourrir, ce n'est pas une sinécure pour nombre d'entre eux.
Beaucoup ne mangent généralement que des pâtes donc ça leur fait du bien d'avoir un peu de légumes pour la fin de semaine. C'est particulièrement difficile pour les étudiants étrangers pour qui c'est déjà compliqué de se payer des études ici. On les incite à s'engager et donner de leur temps. Il y a trop d'a priori sur la jeunesse. Ils sont pleins de ressources
"Mon budget alimentaire par mois, c'est cent euros"
"Personnellement, je me sens mieux quand je n'ai pas à demander de l'argent à mes parents", explique Vincent, étudiant en master de Génie Civil, "ça les soulage et ça me soulage moralement". Rungu, lui, est en master 2 de Langues étrangères appliquées et n'est visiblement pas un "gros mangeur" ; "mon budget alimentaire par mois, c'est 100 euros, donc là je fais des économies". En moyenne, les étudiants rencontrés ce jour-là consacrent 50 euros par semaine pour se nourrir. Cette distribution hebdomadaire est ouverte à tous et pas seulement aux boursiers comme Inès, étudiante en géographie.
Je touche 100 euros de bourse par mois. Il y a eu pas mal d'actions mises en place depuis le confinement, notamment via le CROUS. Moi, je fais souvent les fins de marché, mais là, ils le font pour moi, alors ça me fait gagner du temps.
Car évidemment la crise du coronavirus n'a rien arrangé, bien au contraire. Au plus fort de la crise, la Fondation La Rochelle Université a d'abord dû faire face à une demande d'équipement informatique pour les plus précaires. Cent ordinateurs ont été distribués à ceux qui, contraints de poursuivre leur formation en ligne, n'avaient plus la possibilité d'accéder aux salles équipées de la fac. La Communauté d'agglomération et la Région ont débloqué un fonds exceptionnel de 340 000 euros. Mais, l'automne arrivant, c'est d'un soutien plus basique dont ont besoin les étudiants en difficulté.
La situation sociale à la rentrée est extrêmement critique pour les étudiants. Beaucoup n'ont pas eu de stages et les indemnités qui vont avec, beaucoup n'ont pas eu de jobs d'été qui leur permettent de faire des économies pour l'année universitaire et certains parents aussi ont du mal. Il y a un besoin particulier pour ces étudiants.
Nathalie Lizot ne peut que confirmer cette triste situation. Depuis deux ans, elle s'occupe du centre Campus des Restos du Coeur dans le quartier de Bongraine à La Rochelle. Tous les samedis matin, ils sont près de 300 étudiants à venir chercher de quoi manger. La crise de la COVID-19 ne permet plus de les accueillir à l'intérieur et de leur offrir un café en attendant leur tour. L'hiver arrive. En 2016, au début de l'initiative, à peine une cinquantaine de bénéficiaires venait à la distribution. Trois à quatre fois plus sont au rendez-vous cette année et les stocks de l'association ne suffisent plus.
Beaucoup de parents de ces étudiants se retrouvent au chômage partiel ou ont perdu leur emploi. Ils ne peuvent plus subvenir aux études de leurs enfants. certains pensent même à arrêter leurs études. J'en connais qui, s'ils n'ont pas cours, ne se lèvent pas le matin pour ne pas avoir à manger. C'est ça la réalité.
En France, 20 % des étudiants vivent en dessous du seuil de pauvreté.