Témoignage. "J'ai ressenti des douleurs extrêmement violentes", Marie-Noëlle, médecin urgentiste atteinte du Covid-19

Marie-Noëlle Aubert a été atteinte du Covid-19 en mars. Nous avons recueilli le témoignage de ce médecin urgentiste qui évoque les affres de la maladie dont elle peine à se remettre.

Les premiers symptômes sont apparus le 17 mars, le lendemain du confinement, Marie-Noëlle Aubert a alors le sentiment d'avoir été contaminée par le Covid-19. 

J'ai l'ai très vite senti, je me suis dis ça y est, je pense que je suis contaminée, j'avais juste un syndrome grippal avec 37,8° de fièvre, des courbatures, je n'avais pas de garde aux urgences avant trois semaines, je ne me suis pas inquiétée mais j'ai été testée positive le dimanche.
- Marie-Noëlle Aubert, médecin urgentiste.

Cette Rochelaise, médecin urgentiste dans plusieurs hôpitaux de la région, s'interroge toujours sur l'origine de sa contamination. Au cours des trois semaines qui ont précédé l'apparition des premiers symptômes, Marie Noëlle et son mari vont de déplacer dans plusieurs régions où le virus est déjà en circulation. Le couple est allé en Savoie mais aussi en région parisienne et en Normandie où Marie-Noëlle effectue un remplacement dans un hôpital. Leur périple les amène aussi à croiser un membre de la famille qui sera aussi atteint du coronavirus la semaine qui suit leur rencontre.

Trois mois après avoir contracté le virus, Marie-Noëlle garde un souvenir douloureux de cette maladie dont elle se remet difficilement. 

Le dimanche, j'ai eu des douleurs extrêmement violentes dans le dos, comme je n'en avais jamais ressenties, je me réveillais la nuit, j'en pleurais, c'était atroce, très douloureux ça a duré trois jours mais là je n'avais plus de fièvre, et puis je me suis rendue compte que je n'avais plus d'odorat. J'étais très fatiguée, j'ai fait deux heures de sieste tous les jours pendant deux semaines.

Marie-Noëlle va alors rester chez elle, avec son mari qui a déclaré le Covid-19 trois jours après elle.

"On a tenu un siège à la maison, on a appellé nos voisins pour qu'ils aillent nous acheter du pain, on avait des provisions et on a attendu que ça passe. On comptait les jours car on savait qu'il y avait un risque d'aggravation entre le 8e et le 10e jour, mon mari n'était pas tranquille, il avait plus de fièvre que moi, de la toux, des brûlures respiratoires.

Moi aussi j'ai eu des brûlures pulmonaires, c'était très curieux, j'étais très essoufflée et je le suis encore un peu, les symptômes sont intermittents, dans la journée, on se sent bien et le soir on a un grand coup de barre, quand j'ai repris mes gardes, j'allais bien dans la journée et le soir j'accusais le coup.

Le médecin urgentiste considère que sa récupération est très lente. 

J'ai récupéré le goût et l'odorat très progressivement, j'ai gagné 5 à 10% chaque semaine et là je suis à 90% de la récupération du goût. Trois mois après, mon mari commence tout juste à récupérer, on a senti que c'était long à revenir.

Depuis Marie-Noëlle a repris ses remplacements dans les services d'urgences des hôpitaux de la région avec moins d'appréhension que si elle n'avait pas été contaminée.

 "Je pense être immunisée, je continue de respecter les mesures barrières parce que je peux toujours transporter les virus avec mes mains, on n'a pas suffisamment de recul pour dire quelle est la qualité de l'immunité, combien de temps elle dure, est-ce qu'il y a des possibilités de surinfection, est-ce qu'il y a des mutations et des risques de nouvelles infections, des risques de l'attraper d'une année sur l'autre comme la grippe, tout ça, on ne sait pas" 

Le travail est devenu très difficile

Des situations d'épidémie, Marie-Noëlle en avait vécu d'autres lors des nombreuses missions humanitaires qu'elle a effectué avec Médecins du Monde en Afrique, en Asie ou en Iran. Elle a alors exercé la médecine en pleine épidémie de choléra ou d'ébola. Lors des attentats de 2015, elle est aux avant-postes, elle travaille alors au Samu de Paris.

Marie-Noëlle a repris le chemin des urgences pour exercer sa profession mais elle ne cache pas son appréhension malgré une solide expérience de médecine de crise. Les protocoles imposés par le Covid-19 ont compliqué la tâche des soignants.

"Aux urgences maintenant quand on voit arriver quelqu'un avec des tableaux bizarres, on se dit, est-ce que c'est pas un Covid ?" avertit la praticienne qui détaille les contraintes de l'épidémie.

Une charge de travail doublée

"On est face à des tableaux cliniques qui sont tellement variés que tout peut être covid et on est obligé de prélever nos patients mais on n'a pas toujours des résultats rapides pour les tests, ça va de 4 heures à 48 heures. Ça oblige, tant que l'on n'a pas de diagnostic, à mettre les patients suspects dans les services dédiés, ça donne beaucoup de travail aux soignants parcequ'il faut s'habiller comme si on rentrait dans une chambre stérile. Il faut des surchaussures, des gants, une blouse, la surblouse, il ne faut rien toucher qui n'a été désinfecté préalablement.

C'est très compliqué, même au Smur, si on intervient pour un arrêt respiratoire (qui doit forcément être suspecté Covid) les mesures sont extrêmement contraignantes. Ça double la charge de travail, c'est vraiment très compliqué, même si c'est un sur dix, il ne faut pas qu'on laisse passer un cas, et la faibilité des test PCR n'est pas de 100%".

Je suis très déroutée par cette pathologie

Marie-Noëlle évoque aussi les difficultés d'appréhender en tant que médecin, un nouveau virus dont la science n'a pas encore élucidé tous les mystères.

"On n'a pas de description clinique standard, il y a des manifestations cutanées, respiratoires, musculaires, cardiaques, neurologiques, c'est très particulier moi je suis très déroutée par cette pathologie qui tue peu, mais il y a des personnes sans antécédents, en bon état de santé générale, qui décèdent et on ne comprend pas pourquoi"constate la praticienne hospitalière.

C'est inquiétant, c'est stressant, on essaye de faire au mieux notre travail mais j'attends des publications qui soient fiables. En attendant, il faut être très prudent dans tout ce qu'on annonce, moi je parle toujours au conditionnel car on ne sait pas grand chose même si on en sait un plus tous les jours.
- Marie-Noëlle Aubert, médecin urgentiste

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