Dimanche, à 13h27, ils seront 79 bateaux à prendre le départ au Havre de la transatlantique. Une dizaine de Charentais Maritimes sont prêts à en découdre pour une édition inédite de la Route du Café.
Pour le commun des terriens, traverser l'Atlantique à la voile relève encore de l'exploit. Mais désormais, les amateurs de course au large le savent bien, une "transat" s'apparente plus à un 100 mètres, avec quand même quelques haies liquides, qu'un marathon. Pas une formalité donc car la Manche et le Golfe de Gascogne au mois de novembre ne sont pas des destinations prisées par le plaisancier du dimanche, mais pas non plus un défi surhumain comme le Vendée Globe ou le Trophée Jules Verne autour du monde. Reste que la compétition s'annonce passionante pour cette 15ème édition de la Jacques Vabre.
Il va y avoir du sport
Par le passé, le grand public s'y perdait un peu entre ces trimarans géants qui arrivaient aux Antilles en moins d'une semaine, loin devant les autres, suivis par les 60 pieds du Vendée, les Multi 50 et les Class 40. Cette année, l'organisation a donc décidé de dessiner trois parcours différents en espérant une arrivée plus ou moins groupée à Fort-de-France. En catégorie Ultim, François Gabart et son tout nouveau bolide SVR-Lazartigue devra donc descendre jusqu'à Rio de Janeiro avant de remonter aux Antilles. 3000 miles nautiques de plus que les Imoca et les Ocean 50 qui, eux, couperont le fromage devant l’archipel brésilien de Fernando de Noronha. Les Class 40, par contre, ne seront contraints qu'à virer une bouée au Cap Vert avant de faire route directe. Il va y avoir du sport.
Côté Imoca, les Rochelais ne pouvaient cet été que se réjouir de voir pas moins de trois bateaux dans le bassin des Chalutiers, en face de l'aquarium. Depuis le dernier Vendée Globe, ils avaient sans problème adopté Clément Giraud qui nous avait régalé pendant le tour du monde. Le Varois sera sans surprise sur la ligne de départ dimanche avec son compère Eric Nigon qui lui avait prêté son 60 pieds pour l'aventure. Une histoire de solidarité de marins qui avait ému tout le petit monde de la course au large.
Sponsorisé par La Compagnie du Lit, Clément aura sûrement dans son sillage un autre skipper financé par un professionnel de la literie. Sur Ebac, le Rétais Antoine Cornic participera à sa première course avec le Rochelais Jean-Charles Luro, alias Lulu. Un bateau sans foil et qui ne peut donc prétendre à se bagarrer avec les dernières générations, mais qui espère bien valider son projet de Vendée Globe.
Et puisqu'on parle Vendée, évidemment, on gardera un oeil sur le dernier vainqueur de "l'Everest des mers". Yannick Bestaven va courir sa dernière course à bord de Maître Coq accompagné de son ami de trente ans (voire plus) Jean-Marie Dauris. Comme d'habitude, Yannick cultive l'humilité et le bon sens marin. "On n’a pas le bateau le plus rapide en terme de vitesse pure et la Jacques Vabre va être plus un sprint qu’une course d’endurance comme le Vendée Globe, donc on y va pour naviguer le mieux possible, se faire plaisir et continuer à apprendre pour le nouveau bateau qui est en construction. Chaque minute passée à bord va nous permettre de progresser. C’est la première pierre pour le Vendée Globe 2024 qu’on est en train de poser".
Bien placer le curseur
Avec ces nouveaux parcours différenciés, il ne serait par contre pas surprenant de voir un autre Rochelais couper la ligne d'arrivée en tête. Sur son Ocean Fifty Leyton (ex Multi 50), Aymeric Chappelier s'annonce avec son co-skipper Sam Goodchild comme un favori de la course. Ses trimarans à foil vont vite, très vite. Si Neptune se montre indulgent pour l'ensemble de la flotte, les organisateurs pensent qu'il ne faudra pas plus que 12 ou 15 jours pour voir les premières étraves pointer au Rocher du Diamant.
"C’est vrai qu’on apprend à modérer nos ardeurs sur ces bateaux-là parce que pour gagner, faut déjà pas se mettre à l’envers", explique Aymeric Chappelier, "par contre, on a la chance d’avoir des voiliers qui évoluent très vite. Avec 15 ou 18 nœuds de vent, on peut avancer à quasiment 30 nœuds, donc on peut éviter les phénomènes météo dangereux. Après, c’est là où on place le curseur en terme de bénéfice-risque".
On gardera un oeil aussi sur le talentueux Xavier Macaire. Le Saintais fait une petite infidélité au circuit Figaro et embarque avec Erwan Le Roux, une belle paire de vainqueur. Enfin, comme toujours, le gros de l'armada est constitué par la Class 40. Ils seront 45 sur la ligne de départ. On notera la première participation de la Rochelaise Amélie Grassi qui, avec Marie Riou, constituera un des trop rares binômes féminins de la course. On surveillera également la dream team formé par les anciens ministes Ian Lipinski et Julien Pulvé.
Ces deux-là nous avait offert un mano a mano d'anthologie sur la Mini Transat en 2015. Les voir tous les deux sur le même bateau ne doit pas faire plaisir à tous le monde. "La concurrence va être clairement rude", modère Julien le Rochelais, "comme toutes courses où on participe avec Ian, on est là pour essayer de gagner. On ne s’en cache pas. Mais on ne se met pas la pression. Ce qui est important, c’est vraiment de prendre du plaisir en mer et on ose espérer que le reste devrait suivre. Mais on est là pour ramener la coupe évidemment !"
Bref, va y avoir une sacrée bagarre sur la grande bleue. Dimanche, le départ est à suivre en direct sur les antennes de France 3 Normandie.