La soixantaine passée, le rochefortais Léon Bodet continue d'accumuler les titres dans sa discipline de coeur, le culturisme.
Si l'ado mal dans sa peau qu'était Léon Bodet avait su, qu'un jour, il deviendrait culturiste, il ne l'aurait probablement jamais cru. Plus de quarante ans plus tard, le voilà qui accumule les titres : sept nationaux, trois européens et même un univers. Une passion, un véritable mode de vie surtout, qui s'est instillée sans qu'il s'en rende forcément compte. Tout a commencé d'un constat, en 1981 : "Je ne faisais pas de sport et j'étais en surpoid. Il fallait que je me bouge", sourit-il.
Il a alors 25 ans. Le vendéen d'origine s'inscrit à une salle de sport "tout près de chez lui", à Rochefort, près de la Rochelle. "J'ai fait des cours collectifs, puis petit à petit j'ai travaillé avec des poids et des haltères", se souvient-il. "J'aimais regarder les autres garçons travailler leur corps". Deux ans plus tard, le voilà lui-aussi mordu, il ne fera dès lors que de la musculation.
Un sport de patience
Son entraineur décide de l'inscrire à sa première compétition de culturisme, à La Rochelle. La discipline était alors "très bien vue à l'époque", note Léon. Au ciné, les corps de Silvester Stalone (Rocky) et Arnold Schwarzenegger (Terminator) saillent sur les grands écrans. Le jeune commercial de 27 ans débarque devant une foule de 800 personnes et fait face à 15 compétiteurs. "C'était pas évident !" s'exclame-t-il. Pourtant, il rafle la troisième place. C'est là qu'il se dit : "J’ai peut-être quelque chose à faire dans le culturisme".
Mais le culturisme est un sport d'endurance, et sa carrière n'a pas immédiatement décolée. D'autant que dans cette discipline peu médiatisée, il n'y a pas de sponsors pour propulser les athlètes. Léon enchaîne les troisièmes places dans différentes compétitions locales. "Je n'ai pas forcément une génétique faite pour le culturisme", explique-t-il. Alors il "travaille, travaille, travaille", essaie de gagner en volume musculaire mais comprend vite "que ce n’est pas le plus important". Lui, son truc, c'est l'équilibre musculaire. "Pas la peine d’avoir des grosses épaules si on a des trombones à la place des jambes !", lance-t-il, goguenard. Il ajoute d'ailleurs : "Je pense que c’est ça – entre autre – qui m’a fait gagné."
Beauté et équilibre : c'est ainsi que Léon Bodet qualifie le culturisme. "Emmener son propre potentiel musculaire au maximum avec de l’esthétisme". Mais pour y arriver, il faut savoir faire preuve de rigueur : s'entrainer jusqu'à six fois par semaine et suivre un régime alimentaire très strict (qu'on se rassure, Léon s'autorise parfois des écarts quand il est en famille ; pour le reste, c'est quatre collations par jour avec la combinaison magique de protéines, glucides et lipides).
Un culturiste, ça vieillit comme le vin
Autre point crucial pour devenir culturiste : la "maturité musculaire". Il faut énormément de temps pour travailler les muscles. Selon Léon, pour devenir culturiste confirmé, il faut attendre 10 ou 15 ans. Plus on vieillit, plus on devient meilleur : c'est pour ça qu'un culturiste de 64 ans, finalement, ce n'est pas si choquant. "Mon préparateur me disait qu'il fallait se méfier des culturistes de 40 ou 50 ans car ils ont 20 ans de carrière derrière eux !", raconte-t-il. Il y a un an, lors d'une compétition régionale, il s'est même vu devancé par le plus vieux des compétiteurs, âgé de 75 ans.
C'est d'ailleurs vingt ans après ses débuts que Léon Bodet voit sa carrière se muscler. En 2001, il fait la connaissance d'un nouvel entraîneur, et rien qu'un an plus tard, il obtient son premier titre de champion de France. L'un de ses souvenirs les plus forts : "c'était un grand moment, l'émotion était si forte... je ne l'oublierais jamais". Il rentre dans l'équipe de France de culturisme puis arrête la compétition en 2011, "épuisé moralement". Mais la passion subsiste toujours, et il revient en 2015. Aujourd'hui, il continue les compétitions et voudrait obtenir une validation des acquis d'expérience en tant qu'entraîneur privé, en prévision de sa retraite de culturiste. "Pour vivre sa passion jusqu'à ses derniers jours."
Même si l'âge importe peu lorsqu'on est culturiste, Léon Bodet a "toujours été très soucieux de l’image qu'il renvoyait sur scène". Aussi, quand il ne pourra "plus la tenir", "il arrêtera".
Des préjugés tenaces
Car, qu'on se le dise, le culturisme reste une discipline où le culte de l’image pèse sur chacun des athlètes. Une recherche de la beauté drapée de stéréotypes depuis des années. "Tous dans les muscles, rien dans la tête : c'est ce que l'on dit de nous", regrette Léon Bodet. "Pourtant, il faut savoir se remettre en question, et pour avoir cotoyé pendant plus de 10 ans des culturistes en équipe de France, je peux confirmer qu'ils ne sont pas tous égocentriques".
Léon l'assure : "le culturisme mériterait d’être plus (et mieux). Il transmet beaucoup de valeurs, comme le respect de soi et des autres, l'abnégation et le goût de l'effort".
A peine revenu d'une compétition en Italie dimanche 8 novembre, Léon Bodet a déjà la tête tournée vers les championat du monde 2021. Toutefois, il tient à rappeler que les titres ne font pas tout pour lui : "l'important, c'est le chemin parcouru. Le culturisme a changé m'a vie, il m'a énormément rassuré. Toutes ces préparations sont tellement dures que je n'aurais pas pu faire certaines choses de ma vie sans ce sport". Alors, si l'ado mal dans sa peau qu'était Léon Bodet avait su, qu'un jour, il deviendrait culturiste, il aurait probablement été très heureux.
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