En France, près d'un million de personnes souffrent de TCA, les troubles des conduites alimentaires. Anorexie, boulimie, hyperphagie boulimique, l'hôpital de Rochefort accueille de plus en plus de jeunes filles concernées. Pour la journée mondiale de lutte contre ces maladies, un temps d'échange et des courts-métrages de sensibilisation, réalisés avec les patientes, ont été proposés aux parents.
Un court-métrage pour sortir de la maladie. A 13 ans, Enora témoigne aujourd'hui, alors qu'elle a failli mourir d'anorexie. Lucide, elle raconte sa descente aux enfers : "Avant, ça ne se voyait pas, je contrôlais beaucoup mon poids et pour moi c'était quelque chose de très important mon apparence, et après ça a un peu déraillé et j'ai perdu beaucoup de poids", raconte-t-elle. "Quand on veut manger quelques chose, il y a une voix qui va nous dire 'non mais toi tu ne peux pas manger ça, tu es trop ci, tu es trop ça'. En plus de ça, on a de la dysmorphophobie, donc quand on se regarde dans le miroir, on ne se voit pas comme les autres, on se voit plus grosse."
VIDEO. Court-métrage "L'anorexie, parlons-en", de Nicolas Dattilesi et Enora Seguin
Après un premier séjour en hopital psychiatrique qui s'est très mal passé, Enora a été admise dans une unité spécialisée à Rochefort. Aujourd'hui, elle en est sortie, mais elle sait que le chemin est encore long pour être pleinement guérie : "Ca a pris un peu de temps, et j'ai eu beaucoup de mal à prendre du poids, mais quand je me suis accrochée, et que j'avais un appui, je me suis dit il faut qu'on se batte pour nous", explique-t-elle. "C'est pas parce qu'on est plus hospitalisé qu'on s'en sort, et l'anorexie ça prend beaucoup de temps, même si ça se voit plus physiquement, c'est encore dans la tête et ça revient." Elle se sent désormais prête à se battre pour elle-même.
Face à la maladie les parents aussi sont démunis. Ceux d'Enora, Willy et Sarah, étaient présents à la rencontre organisée par l'hôpital de Rochefort. Pour son père, même si le séjour de sa fille a été "un crève-cœur", c'était un mal nécessaire : "En tant que parent, on a tendance à miser sur la bonne volonté de l'enfant, sauf qu'en fait l'enfant est complètement dépassé par la maladie, il est mangé par la maladie."
On peut comparer ça à une addiction, un peu comme l'alcool, si vous dites juste à quelqu'un "arrête de boire", il va dire "oui oui", mais il ne va pas forcément y arriver. L'anorexie, c'est par rapport à l'alimentation mais on ne peut pas compter sur la simple bonne volonté de l'enfant. C'est pour ça qu'un cadre hospitalier, ça permet justement de verrouiller les choses pour pouvoir avancer parce qu'à la maison elle va avancer de deux pas et reculer de quatre pas alors qu'à l'hôpital, on l'oblige à avancer d'un pas après l'autre, progressivement.
Willy SeguinPapa d'Enora
Une maladie trop peu diagnostiquée, qui nécessite des soins
Le service pédiatrique de l'hôpital de Rochefort propose un accompagnement pluridisciplinaire. En plus des soins psychiatriques nécessaire au traitement de ces maladies psychiques, une vaste équipe prend en charge les patientes. Une diététicienne, des éducateurs, des psychologues, des psychiatres et des pédiatres participent au protocole de soins, qui commencent par nommer et accepter la pathologie : "Longtemps on a dit qu'il fallait secouer les adolescents pour qu'ils mangent plus, mais ce n'est pas comme ça que ça se passe", alerte Anne Liska, cheffe de service à l'hôpital de Rochefort. "C'est un envahissement psychique, et les jeunes filles - parce que c'est neuf filles pour un garçon, sont très envahies, elles ont des idées obsédantes qui les empêchent de manger."
Selon elle, la sortie de l'anorexie est un "marathon", il faut compter trois ans sans rechute pour se considérer guéri, alors que les rechutes sont très fréquentes.
D'après la Fédération française anorexie boulimie, les TCA touchent près d'un million de personnes en France, et moins de la moitié d'entre elles sont diagnostiquées et bénéficient d'un accès aux soins.
L'organisme alerte sur des signes qui peuvent indiquer un TCA : "Chez les adolescentes, une perte de poids de 10% ou plus, des variations brutales de poids et de comportement, une aménorrhée, une préoccupation excessive autour de l’image du corps, de l’alimentation et de la diététique, ainsi qu’une mauvaise estime de soi, doivent être considérés comme des signes d’appel d’un comportement anorexique ou boulimique. D’autres signes comme les vomissements, le suivi « à la lettre » de régimes avec une perte de poids significative, une activité physique intense, témoignent d’un trouble alimentaire qui s’installe..."
Pour obtenir de l'aide, le numéro 09 69 325 900 est joignable de 16h à 18h, les lundis, mardis, jeudis et vendredis.