Phénomène naturel amplifié par le réchauffement climatique, l’érosion touche un cinquième du littoral français. Une récente ordonnance visant à protéger ces espaces menacés vient de paraître. Basé sur le volontariat, le dispositif ne séduit pas toutes les communes concernées.
Le long de la plage de La Palmyre, le trait de côte a remonté de 80 mètres ces dernières années. Réchauffement climatique, hausse du niveau des océans, l'érosion grignote.
Pour Jean-Pierre Caron, premier adjoint au maire des Mathes-La Palmyre, le dispositif prévu par l'Etat dans l'ordonnance du 6 avril 2022 relative à l'aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte devrait surtout permettre d'obtenir des moyens financiers supplémentaires pour lutter contre ce phénomène.
Sa commune a donc fait le choix de s'inscrire sur la liste des 126 communes "dont l’action en matière d’urbanisme et la politique d’aménagement devront tenir compte du risque d’érosion côtière"
Les communes devaient se porter volontaire pour en faire partie. En Charente-Maritime, 10 ont intégré cette liste, sur les 19 que le Préfet avait identifiées.
Etablir une cartographie
Ce décret oblige les communes concernées à établir une cartographie de l'évolution du trait de côte à 30 et 100 ans :
-Dans les zones exposées d'ici 30 ans, les nouvelles constructions seront interdites, à l'exception des services publics et de nouvelles activités économiques nécessitant la "proximité immédiate" de la mer par exemple.
-Les zones exposées d'ici 100 ans resteront constructibles. Toutefois, les constructions devront être détruites quand la menace de l'érosion avancera.
Dérogation à la loi Littoral
Aux Mathes, un quartier est notamment menacé de disparition d’ici 50 ans. Avec cette ordonnance, les nouvelles constructions et extensions devront être démontées au bout de 30 ans. L'objectif est de protéger les habitations bien sûr, mais pourrait faire diminuer le prix de l'immobilier dans la zone.
Le régime mis en place établira une grille de la valeur de l'immobilier dans ces zones. Il sera estimé au niveau de référence des biens situés hors risque. Et au moment de quitter les lieux, c’est à cette valeur que les communes exerceront leur droit de préemption sur les bâtiments démolis.
Et le décret assouplit la loi littoral, pour faciliter la relocalisation des habitations en zones à risque sur d'autres secteurs de la côte aujourd'hui inconstructibles.
Un dispositif encore flou ?
Sur les 71 communes du littoral charentais, seules 10 d'entre elles ont à ce jour intégré ce dispositif.
Beaucoup, comme Royan, pourtant identifiée prioritaire par l’Etat, l'estime pour l’instant trop flou.
Pour Julien Duressay, conseiller municipal de Royan en charge des plages, la demande d'adhésion faite aux communes est précipitée : "La loi climat et résilience a été votée en août 2021. Très vite les préfectures ont souhaité que les communes identifiées comme prioritaires délibèrent être ou non dans la liste. Ca s'est fait de notre point de vue de manière un peu précipitée, sans qu'on sache vraiment pourquoi on était dans la liste fixée par l'Etat"
"La question du financement n'est pas des moindres, puisque la loi climat et résilience fixe un cadre mais l'ensemble du dispositif va être fixé ensuite par ordonnance donc c'était pas évident pour les élus de délibérer sans avoir connaissance de l'ensemble du sujet et notamment de la question du financement."
Un dispositif qui fait doublon ?
Selon Julien Duressay, sa commune comme de nombreuses autres sont déjà engagées dans la lutte contre l'érosion et travaillent à s'adapter au recul du trait de côte. "L'agglomération travaillant déjà sur ce sujet, ça nous a semblé une superposition d'actions, on souhaitait déjà avoir le rendu du diagnostic de stratégie de la bande côtière de l'agglomération."
Le dispositif, et son financement, devrait se préciser au cours de l’été.
Les communes menacées par l’érosion pourront le rejoindre à tout moment.