Charente : une usine de masque française à l'arrêt, faute de commandes publiques

Le groupe Next avait investi 10 millions d'euros dans la production de masques anti-Covid. Sa ligne de production est arrêtée, faute de commandes de la part des pouvoirs publics.

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À l'usine Next de Nersac (Charente), la production de masques est à l'arrêt depuis une semaine en l'absence de commandes publiques. Il y a deux ans, l'entreprise, spécialisée dans le conditionnement d'aliments, avait mis 10 millions d'euros sur la table pour monter, en un temps record, une chaîne de production 100% française.

"Le chef de l'Etat nous a répété à neuf reprises : 'Nous sommes en guerre.' On se mobilise et, derrière, cela fait pschitt", dénonce le PDG, Antoine Pontaillier.

Le syndicat français des fabricants de masques F2M multiplie les alertes aux autorités alors que le secteur fait face à de nombreuses défaillances d'entreprises. Dernier exemple en date : mi-octobre, le tribunal de commerce de Saint-Brieuc a placé en liquidation judiciaire la Coop des masques, qui employait 13 salariés à Grâces dans les Côtes-d'Armor.

Des critères trop restrictifs

Une circulaire, publiée fin 2021, incite pourtant les hôpitaux français à commander leurs masques et gants de protection en France ou en Europe. Mais, alors même que le pays est parvenu en quelques mois à produire suffisamment de matériels de protection pour couvrir les besoins des établissements de santé, les entreprises hexagonales patinent.

Le PDG de l'usine charentaise, Antoine Pontaillier, cible par exemple le cas du dernier appel d'offre lancé par Santé Publique France, qui reconstitue les stocks stratégiques.

"En précisant masque FFP2 'type bec de canard', Santé publique France exclut notre modèle qui est beaucoup plus qualitatif", regrette le chef d'entreprise.

Les règles européennes n'ont pas évolué malgré la crise sanitaire.

Nicolas Prentout, directeur-adjoint du CHU d'Angoulême.

A 4 km du site de production, le centre hospitalier d’Angoulême est le seul en Nouvelle Aquitaine à se fournir en partie auprès de l’usine charentaise. Mais l'établissement compte aussi dans ses stocks des masques chinois achetés lors d’un précédent appel d’offre, réalisé à l’échelle régionale avec plusieurs hôpitaux.

"Les critères ne peuvent porter que sur le prix, les critères de développement durable, mais les règles européennes n'ont pas évolué malgré la crise sanitaire : on ne peut pas privilégier d'office les entreprises françaises", explique Nicolas Prentout, directeur-adjoint du CH d'Angoulême. 

Alain Rousset appelle à "éviter une nouvelle pénurie"

Les masques fabriqués en France restent deux à trois fois plus chers que ceux qui sont importés : entre 4 et 10 centimes l’unité contre 2 à 4 centimes pour les masques chinois. "Mais 75 % de leur valeur reste en France, contre seulement 15 % pour un masque venu d’Asie", affirme le syndicat des fabricants français de masques F2M.

S'appuyant sur l'exemple de la société Next, le président de la région Nouvelle Aquitaine a interpellé le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, dans une lettre datée de la fin octobre. "Il devient urgent de trouver des pistes concrètes pour permettre à cette filière nationale de perdurer, de trouver un débouché sur notre sol, et éviter une nouvelle pénurie de masques lors d’une prochaine grande crise sanitaire", estime Alain Rousset.

Un nouvel appel d’offres pour les hôpitaux néo-aquitains est en cours d’élaboration. De nouveaux critères d’attribution seront pris en compte, comme l’empreinte carbone ou la sécurité des approvisionnements : ils devraient permettre d’ouvrir plus facilement ce marché aux fabricants français.

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