Après deux mois de confinement, les librairies ont enfin rouvert leurs portes. Pour autant, de nombreux nuages planent encore sur certaines de ces officines indépendantes. Clients fidèles et collectivité lancent la contre-offensive.
C’est une mesure qui, à n’en pas douter, va mettre du baume au coeur des libraires d’Angoulême. Après deux mois de disette commerciale, la communauté d’agglomération du Grand Angoulême vient d’annoncer qu’elle allait soutenir très concrètement les librairies de son territoire. Elle achètera ainsi très prochainement pour 10.000 euros de livres dans chacune des trois officines de la ville. Des ouvrages qui viendront compléter l’offre de la médiathèque municipale.
Ce coup de pouce particulièrement appréciable pour les professionnels du secteur est aussi un signal fort adressé au public et à tous les lecteurs. Un message on ne peut plus clair : soutenez vos librairies indépendantes.
Résister aux sirènes des poids lourds de la vente par internet
Une mesure qui coulait de source pour cette jeune Angoumoisine. Le visage à demi caché derrière son masque, elle glisse sous le panneau de plexiglas de la caisse, les quatre livres qu’elle a soigneusement choisi dans la boutique.
J’attendais que ça rouvre pour venir. J’avais à coeur de pouvoir faire travailler notre librairie, j’ai été patiente.
- Une jeune cliente de librairie angoumoisine
Difficile toutefois pour certains lecteurs compulsifs de ne pas céder aux sirènes des poids lourds de la vente par internet. Heureusement, en dépit du confinement, une partie d’entre eux est restée fidèle à sa libraire et ce n’est par hasard. Un père de famille masqué, lui aussi, avec son jeune fils dans les bras explique son choix.
Les prix sont les mêmes et puis il y a une proximité qui est sympa. Ça permet de faire vivre le quartier et c’est un peu moins anonyme que les magasins en ligne.
- Un client de la librairie coopérative l’Autre Librairie
700.000 euros de perte de chiffre d’affaire en deux mois
Ce témoignage de soutien va droit au coeur du libraire et lui permet d’envisager l’avenir plus sereinement.
Là, on est content, les gens reviennent et ils sont très heureux de nous retrouver. Ils passent des commandes assez conséquentes aussi. On espère juste que cette période de confinement n’était qu’un mauvais passage.
- Bruno Cochard, directeur et gestionnaire de la librairie coopérative l’Autre Librairie
Dans une autre librairie du centre d’Angoulême, plus grande celle-là, les clients font patiemment la queue, les bras chargés, avant de pouvoir régler leurs achats. Ce qui en aurait agacé plus d’un il y a encore deux mois est vécu aujourd’hui avec détachement et même avec un certain plaisir pour quelques uns d'entre eux. En tous cas, le propriétaire des lieux, lui, est ravi de retrouver ses clients. Il est soulagé également, car durant le confinement il a perdu pas moins de 700.000 euros de chiffre d’affaire.
Le calendrier offre de bonnes occasions de pousser les portes des librairies
Le monde de la librairie est particulier. Je pense que nous faisons partie des magasins qui faisons le moins de marge. Résultat, c’est très tendu au niveau de la trésorerie. On est donc très contents de revoir les gens. Dès le 11 mai on a eu beaucoup de marques de sympathies, une vague énorme de nos clients habituels.
La question est maintenant de savoir si cet élan sera suffisant pour surmonter les difficultés de ces professionnels. Fêtes des mères, fêtes des pères, le calendrier offre pour le moment quelques bonnes occasions de pousser les portes de nos librairies préférées.
Mais comme le souligne l’un de ces responsables : "il faut que les gens retrouvent le goût de venir en centre ville, pour nous". Le message est passé.
Reportage de Jérôme Deboeuf, Christophe Guinot et Thierry Cormerais :