Pour sa première bande dessinée, "La Couleur des choses" (çà et là), le Suisse Martin Panchaud décroche la plus prestigieuse récompense, le Fauve d'or. C'est la deuxième fois en deux ans qu'un auteur de cette maison indépendante de Genève décroche le Prix de la meilleure BD de l'année.
Serge Ewenczyk, le patron des éditions çà et là, est un éditeur heureux. Il récolte cette année au festival international de la bande dessinée (FIBD) d'Angoulême un deuxième Fauve d'or consécutif pour l'un de ses auteurs. Après Écoute jolie Marcia du Brésilien Marcello Quintanilha en 2022, La Couleur des choses de Martin Panchaud est, à son tour, lauréat du Fauve d'or. Si cette bande dessinée est depuis le début l'un de ses coups de cœur, rien ne le prédestinait à la publier.
"J'avais d'abord dit 'non' à Martin, car je ne publiais pas d'auteurs francophones. Je ne publiais que des traductions", explique Serge Ewenczyk. Il encourage alors le jeune auteur à poursuivre ses recherches et à placer son projet chez un autre éditeur.
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À l'époque, le projet de Martin Panchaud est régulièrement décliné. Puis, en Suisse germanophone, un éditeur le remarque. C'était en 2020. "David Basler des Editions Moderne a eu un coup de cœur et l'a publiée, mais traduite en allemand", se souvient Martin Panchaud. L'éditeur suisse-allemad imagine un premier tirage, modeste, à 500 exemplaires. Il devra le retirer à trois reprises.
Dans le même temps, l'auteur n'a de cesse de poursuivre ses recherches et de trouver un éditeur francophone. Il revoit Serge Ewenczyk qui, finalement, décide de faire une entorse à sa ligne éditoriale. "Je savais que j'aimais le projet depuis le début. J'ai cédé à mon principe de ne publier que des traductions et Martin est devenu mon premier auteur francophone et il va y en avoir d'autres."
"Singulier et attachant"
Tous les deux savourent le succès du livre. La presse en France a salué l'originalité du projet, de sa narration, de son graphisme. Dans une chronique BD, France Culture parle, par exemple, d'"une BD surprenante, pas facile à décrire" mais un ouvrage "singulier et attachant".
"En tant qu'éditeur indépendant, je ne fonctionne qu'au coup de cœur", reprend Serge Ewenczyk. "Ça se traduit par des publications diverses, du documentaire, de la BD du réel... mais pas que ça. Dès que je tombe sur quelque chose de différent, je fais une exception. C'est le cas pour La Couleur des choses. J'ai été subjugué par le travail de Martin."
Dix ans de travail
Le livre vient de loin. Dix années de travail et, dès le début, le Prix encouragement en 2012 de la ville de Genève. "J'avais présenté les 40 premières pages du projet", se souvient Martin Panchaud. "Ça a beaucoup évolué depuis. J'ai tout repris, disséqué, pour le rendre cohérent."
À 40 ans, l'auteur genevois a enfin rendez-vous avec le succès. Après une scolarité "difficile", en raison de sa dyslexie, la découverte de la bande dessinée l'ouvre sur un monde nouveau, "un langage visuel que je pouvais appréhender".
"J'ai tout découvert d'un coup", se souvient-il. "Vers 18-20 ans, j'ai commencé à lire. De Moebius à Tanigushi au Jimmy Corrigan de Chris Ware. Tout ça m'a nourri et m'a ouvert sur un langage visuel que je ne connaissais pas bien."
La future bande dessinée se nourrit également de son parcours universitaire dans la BD et le graphisme. Mais finalement, c'est le monde du travail "qui n'a pas voulu de moi" qui lui rend le plus beau des cadeaux : le temps de bâtir son projet.
"J'ai longtemps gardé mon job d'étudiant de veilleur de nuit dans un hôtel." Les vacations de nuit lui laissent le temps de la réflexion et voient le projet mûrir.
Depuis la publication de son ouvrage, Martin Panchaud profite et accompagne le succès de La Couleur des choses. Avant le festival de la BD d'Angoulême, son éditeur, çà et là, comptabilisait 18.000 exemplaires vendus. Une nouvelle impression à 20.000 exemplaires est en cours.