Musée d'Angoulême : faut-il restituer toutes les œuvres d'art africain ?

La France s'apprête à rendre au Bénin des œuvres volées lors de la conquête de ce pays d'Afrique à la fin du XIXème siècle. Parmi les 80.000 pièces venues d'Afrique sub-saharienne et exposées en France, figurent l'immense collection d'art d'Afrique et d'Océanie du musée d'Angoulême.

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 La France va restituer au Bénin 26 œuvres d’arts conservées au musée du quai Branly à Paris. Elles avaient été volées en 1892 par le général Alfred Dodds au cours du pillage du palais d’Abomey lors de la conquête par la France du Dahomey (l’ancien Bénin), entre 1892 et 1894. Cette restitution sera une première pour les musées français. Elle est le fruit de la demande du Président Béninois, Patrice Talon et d’une loi votée en 2020, en France, permettant la restitution d’œuvres d’un pays à un autre pays selon le principe de l’inaliénabilité (lire l'encadré) des collections nationales.

Le musée d'Angoulême abrite près de 5.000 oeuvres d'art africain

En France, on estime que les musées nationaux détiennent 80.000 oeuvres d'art d'Afrique sub-saharienne. C'est le cas du musée d'Angoulême qui a reçu en 1934  3.243 objets d'arts africains et océaniens légués par un medecin charentais, originaire de La Rochefoucault, le docteur Jules Lhomme.  Ils sont exposés en compagnie d'autres acquisitions plus récentes.. Le médecin, amateur d'art, avait amassé une vaste collection dont on ne connait pas vraiment l'origine. Jules Lhomme ne voyageait pas, mais il avait l'habitude de visiter les quais de Bordeaux et les boutiques d'objets coloniaux.

Pour Émilie Salaberry-Duhoux, la responsable des musées de la ville d'Angoulême, la provenance des objets est connue, en revanche par vraiment leur mode d'acquisition :

 

Ce sont a priori des achats. Je dis a priori parce que c'est notre gros point d'interrogation .On n'a pas d'archives qui indiquent les modalités d'acquisition des objets par Jules Lhomme. La seule archive c'est un petit cahier d'écolier sur lequel il a listé les objets dont il faisait l'acquisition avec la dénomination, le pays de provenance, ce genre d'informations.

Émilie Salaberry-Duhoux, directrice des musées d'Angoulême

Les pièces qui sont exposées, plus les 2.000 qui sont dans les stocks, ne sont pas forcément des objets importants ou emblématiques. Beaucoup sont des éléments de la vie quotidienne comme de la céramique, des meubles ou des parures.

Ce ne sont donc pas ceux que les pays d'Afrique réclament en premier aux musées français. Dans les 26 objets qui vont être rendus au Bénin figurent par exemple des statues totems de l'ancien royaume d'Abomey ou le trône du roi Béhanzin, des éléments fondamentaux de l'histoire et de la culture du Bénin.

La restitution se fait lentement

La porte de la restitution a été ouverte par le président de la République lors d'un voyage à Ouagadougou au Burkina Faso en  2017. Emmanuel Macron avait alors estimé qu'il était indispensable que la jeunesse d'Afrique ait accès à son histoire :

C’est pour nous un travail qui consiste à permettre aux sociétés civiles, à la jeunesse africaine d’avoir dans ses musées une part de sa propre Histoire.

Emmanuel Macron à Ouagadougou en 2017

Mais la restitution ne va pas assez vite pour beaucoup de spécialistes africains. La France conserve des objets estimant parfois que les pays d'Afrique, légitimes propriétaires, ne disposent pas d'infrastructures capables de présenter les oeuvres en toute sécurité. Un argument que beaucoup récusent en Afrique, estimant que la France se comporte comme un cambrioleur qui refuserait de rendre au propriétaire le bien qu'il lui a volé. Théo Atrokpo, un spécialiste du patrimoine béninois l'explique à nos confrères du Monde : "J'ai pris ta voiture, mais je ne te la rendrai pas parce que tu n'as pas de garage. Ce qui a été volé doit être rendu."

Alors verra-t-on un jour tous les objets d'arts africains quitter les musées français? Pour Émilie Salaberry, pour ce qui concerne les oeuvres volés par la violence et la guerre, le retour dans leur pays d'origine est une évidence. En revanche elle considère que la présence d'oeuvres d'art africain est nécessaire dans les musées français 

Je pense qu'à un moment donné, il y aura une prise de conscience de l'importance d'avoir des collections dans notre pays pour les jeunes issus de l''immigration et aussi pour l'ouverture sur les cultures africaines.

Émilie Salaberry-Duhoux

Les spécialistes des musées africains viennent d'ailleurs régulièrement en France depuis quelques années, au musée Branly et dans les musées de province pour dresser un inventaire des oeuvres détenues dans notre pays. 

 

La prochaine opération de restitution d'oeuvres d'art concernera la Côte-d'Ivoire.

La France n'est pas le seul pays à avoir accumulé des biens coloniaux, le Royaume-Uni ou la Belgique, pour ne citer qu'eux, en comptent également par milliers.

Le reportage de Jérôme Deboeuf, Christophe Guinot et Jennifer Russeil :

 

Le principe de l'inaliénabilité des oeuvres d'art en France figure dans l’article 3111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques  : « Les biens des personnes publiques qui relèvent du domaine public, sont inaliénables et imprescriptibles. »

L’article 451-5 du Code du patrimoine de la loi du 4 janvier 2002, précise de son côté que « Les biens constituant les collections des musées de France appartenant à une personne publique font partie de leur domaine public et sont, à ce titre, inaliénables. »

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