Les juges ont retoqué un arrêté interministériel qui ne reconnaissait pas l'état de catastrophe naturelle concernant la sécheresse de 2016. Cette décision ouvre la voie à une indemnisation des habitants qui s'estiment sinistrés.
Des fissures dans les murs, autour de sa véranda mais aussi à l'intérieur, des plafonds qui se décollent... La maison de Ghislaine Giraudon, propriétaire à Angoulême depuis 15 ans, a des allures de coquille craquelée, fendillée, et ce depuis bientôt quatre ans. Des travaux s'imposent, mais la charentaise ne s'y résoud pas : pas question de payer l'addition, elle compte sur une prise en charge via son assurance. Depuis la sécheresse de 2016, Ghislaine se bat pour obtenir le statut de sinistrée. Ce vendredi, ce qui était devenu un lointain horizon est devenu une probabilité tangible.
Il y a quatre ans, un été extrêmement sec s'abat sur les sols de la Charente et les fragilise, jusqu'à faire flancher plusieurs bâtiments, selon le récit qu'en font les habitants concernés. À l'époque, une mission sénatoriale est créée pour évaluer la situation et répondre à cette question : peut-on parler de catastrophe naturelle, comme cela s'est vu dans d'autres régions ? La réponse viendra d'un arrêté interministériel : non, les sécheresses de cette année-là sont habituelles, elles ne relèvent pas d'un évènement climatique anormal, pas d'obligation d'indemniser les foyers touchés.
Entre temps, 170 charentais issues de 21 communes rejoignent l'association des sinistrés de la sécheresse des propriétés bâties (ASSPB 16) et continuent de se battre pour faire reconnaître le sinistre. Relevés de températures, données météo, le dossier grossit pendant trois ans. Ce vendredi, les habitants de quinze de ces villes aux destins similaires ont fait un pas vers le succès : une décision du tribunal administratif de Poitiers vient d'annuler l'arrêté interministériel qui leur barrait la route. Cela signifie que les ministères devront réétudier la demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle de ces communes et ce d'ici trois mois.
Mais il s'agit là d'une victoire sur la forme : si le tribunal administratif de Poitiers a retoqué cette décision, c'est parce qu'il a estimé qu'à l'époque la commission chargée de l'examen de ces situations manquait de régularité, selon les informations de nos confrères de Sud-Ouest. Selon l'avocat Me Jean-Merlet Bonnan, il y siégait plusieurs assureurs, qui se sont retrouvés juges et parties dans ce dossier.
Les quinze communes concernées par cette annulation sont Roumazières-Loubert, Saint-Yrieix, Benest, Turgon, Dirac, Angoulême, Fléac, L'Isle-d'Espagnac, Chassors, Magnac-sur-Touvre, Linars, Touvre, Roullet Saint Estèphe, Charras et Saint-Laurent-de-Cognac. À l'inverse, six communes n'ont pas obtenu gain de cause et sont écartées de cette décision : Soyaux, Ruelle, Champniers, Puymoyen, Cognac et La Couronne.