Emmanuel Macron l'a affirmé lundi 13 avril 2020, à partir du 11 mai, l'usage des masques devra être généralisé. Un défi d'envergure. Plusieurs entreprises en Limousin ont mis leur appareil productif au service de la cause mais elles sont en surchauffe.
"On travaille 15 heures par jour. On termine vers 21h ou 22h. Nous avons été obligés de transférer le standard vers notre magasin de Sarlat sinon, nous ne pouvions plus travailler, nous passions la journée à répondre au téléphone. "
Ambiance survoltée dans l'entreprise Marynap de Guéret. Estelle Cavert et sa mère ne s'attendaient pas à un tel raz de marée.
Encore 750 masques commandés par la maire de Saint-Laurent aujourd'hui. Entreprises, collectivités, particuliers, Marynap, connue pour avoir fait les costumes de la série Versailles de Canal +, vend à tout le monde.
Pour ce faire elle s'est vite lancée dans la production en série. A deux ou trois couturières, elles arrivent à sortir 200 à 300 masques par jours. Mais il faudrait rapidement monter en puissance pour affronter l'afflux de commandes.
Il faudrait faire rentrer du monde, mais nous n'avons pas non plus 25 machines à coudre. On peut espérer monter à 300/350 masques par jour. On réfléchit à louer des machines. Mais avec ces cadences infernales, nous n'avons même plus le temps de nous poser pour réfléchir
L'approvisionnement se fait à flux tendu. Les fournisseurs essaient de suivre la cadence
A priori, seules deux structures se sont lancées dans la confection de masque en Creuse : Marynap et une autre entreprise du sud du département. Difficile d'obtenir des informations complètes. La plupart des sociétés qui se sont lancées dans l'aventure souhaitent de rester discrètes. La peur des cambriolages.En Haute-Vienne les deux entreprises produisant des masques nous ont demandé de garder leur nom sous silence. Dans leurs ateliers, on change d'échelle. La première a une capacité de production de 1 300 masques par jour, la seconde entre 800 et 1 000. De quoi attirer les convoitises.
En Corrèze, a priori une seule entreprise s'est fait connaître. Elle pourrait fabriquer environ 600 masques par jour. Le président du département Pascal Coste qui l'évoquait la semaine dernière lors d'une (audio)conférence de presse n'a pas voulu préciser son nom.
A une autre échelle, ces ateliers sont soumis aux mêmes contraintes que la petite creusoise. L'approvisionnement est complexe. Il ne s'agit pas ici de chaîne de fabrication comme pour les masques chinois en papier que l'on peut produire de manière automatisé à plusieurs millions d'exemplaires. En France tout est fait par les petites mains des couturiers et couturières. Avec des modes de fabrication dorénavant encadrés par l'Etat.
Les masques produits en Limousins ne sont pas aptes à servir pour le personnel soignant dans les hôpitaux. Ils pourraient en revanche convenir lors du dé-confinement de la population. Ils sont à peu près tous conçus de la même façon.
"Nous produisons des masques anti-projection de type 1 ou 2 dans les normes AFNOR en attente de la validation de la délégation générale de l'armement. Ils sont constitués de deux couches de tissu en coton une à l'extérieur et l'autre en contact avec la peau. Entre il y a deux autres couches de tissus filtrant tissés ou non tissés. Ils ne laissent pas passer de particules au-dessus de 3 microns".
Pour le patron de cette entreprise, dont nous ne dévoilerons pas le nom, la conception des 1 300 masques par jour mobilise une équipe de 12 salariés. La production a débuté il y a 10 jours.
Une production qui devrait augmenter dans les jours qui viennent avec l'emploi de 3 à 4 salariés en plus pour atteindre les 2000 pièces par jour. Des masques essentiellement achetés par des collectivités. La marge est assez faible. Ce n'est pas ça qui permet à cette entreprise de vivre. Mais comme le confirme Estelle Cavert de Marynap "c'est un bon moyen de faire quand même un peu de trésorerie, même si nous ne sommes pas rentables".Maintenant il faut arrêter de tergiverser sur les normes, un masque en tissu lavable c'est mieux que rien. Voyez l'exemple de Hong Kong. Là-bas les gens portent des masques et il y a beaucoup moins de contamination
Ce n'est pas le cas de l'autre entreprise de Haute-Vienne, convertie à la production de masques dès le début du confinement et pour qui cela a permis de "faire tourner la boutique".
"Grâce aux masques nous avons pu payer notre personnel et nos charges et nous leur verserons une prime car ils ne se sont jamais arrêtés" affirme le patron.
Pourtant dans ces ateliers de confection, les costumes vont bientôt reprendre la place des masques.
L'entrepreneur espère donc que d'autres prendront le relais.Avec la perspective du dé-confinement, les commandes repartent. Les marques pour lesquelles nous travaillons vendent à l'international et il va falloir que nous honorions nos engagements
Tous les Français équipés le 11 mai ?
Que pensent-ils de l'idée du président d'équiper tous les Français le 11 mai ?
"Ça va être très compliqué. Il faudrait que tout le monde ait en fait deux masques lavables à 60° comme nous les produisons puisqu'ils ont une autonomie de 4 heures. On peut les laver le soir, les sécher avec un fer à repasser à 120° le lendemain. Mais nous sommes encore loin du compte" confie le premier entrepreneur.
Même sentiment pour le second.
"Ce que nous produisons avec les 110 entreprises de confection françaises qui se sont lancé dans l'aventure, c'est une goutte d'eau dans l'océan. Il va falloir que les masques produits en Chine promis par le président arrivent en masse, mais c'est un peu l'arlésienne pour le moment. Je ne comprends toujours pas pourquoi des commandes massives n'ont pas été faites avant. Payer des masques aussi nombreux soient-ils, c'est quand même moins cher que de financer du chômage partiel."
Ils ne sont pas contredits par Estelle Cavert de Marynap pour qui "l'équipement de tous me parait difficile à moins que tout le monde se mette à la couture".