Comment faire revenir les jeunes dans les métiers de l’industrie ? Gros pourvoyeurs d’emplois malgré la crise, ils n’attirent plus. Le pôle formation de l’UIMM forme chaque année 3500 stagiaires sur ses 5 sites du Limousin. Pour attirer les candidats, l’organisme doit redoubler d’inventivité. Vieillots, crados, épuisants, l’image qui colle aux métiers de l’industrie est tenace. Ils ont pourtant beaucoup évolué ces dernières années.
C'est une grosse armoire blanche. Derrière la porte vitrée, une pièce métallique est travaillée par un outil et aspergée d'un mélange d'huile et d'eau. L'opérateur a en main une tablette tactile avec laquelle il fait la programmation. Un peu plus loin, il reste encore des machines conventionnelles qui nécessitent de se salir les mains. Elles sont progressivement retirées de la circulation. L’usine noire et poussiéreuse, c’est donc terminé ! C’est bien la nouvelle image que les métiers de l’industrie veulent renvoyer. Malgré cela, ils peinent toujours autant à recruter, surtout chez les jeunes. Le patron de cette entreprise fait pourtant des efforts.
"Aujourd'hui on s'aperçoit que le bien-être au travail, c'est pas aussi important que le métier mais ça le devient. Via le projet usine du futur, nous avons entamé une démarche de modernisation. La digitalisation en particulier apporte la modernisation de l'outil de travail qui évitera peut-être l'ennui et qui captera les gens" espère Patrice Caminade, président de MPRO.
L'entreprise fabrique les outils qui permettent notamment la production en série des bouchons de parfum Yves Saint Laurent. On élabore ici les pièces des machines qui permettent de fabriquer tous les objets de la vie courante. La moyenne d'âge augmente. Pour attirer, il faut déployer un pont d'or : intéressement, efforts sur le temps de travail, évolution possible.
Les jeunes dans l’industrie sont-ils malgré tout une espèce en voie de disparition ? En cherchant bien on en trouve quand même quelques-uns.
Aymeric Laval est alternant du pôle de formation de l'UIMM. Son grand père était de la partie. Pas passionné par les études, il est venu frapper à la porte de l'usine pour un stage de 3e. L'expérience lui a plu.
"J'aime bien les métiers manuels. Dès que je peux faire quelque chose de mes dix doigts, je suis très content. Rester derrière un bureau, c'est pas mon truc, je dois bouger".
Les entreprises peinent à recruter, les pôles d’enseignement, aussi.
Direction Tulle. Dans un immense espace de la zone industrielle, des salles de cours, des espaces de travail et des machines automatisées. On croise même quelques robots.
Le pôle formation de l’Union des métiers de l’industrie forme 300 apprentis chaque année. Soudure, maintenance, usinage : les formations sont variées, les débouchés assurés. Mais trouver des candidats est parfois difficile.
"Une fois que les jeunes découvrent nos vrais métiers, ils veulent le faire. En fait, ils avaient une tellement mauvaise image qu'ils n'avaient pas envie de venir. Mais une fois qu'ils franchissent la porte et qu'ils découvrent, nos pratiques, nos moyens technologiques et nos méthodes pédagogiques, ils sont très ravis et ils restent et même le font savoir" confie Cédric Teyssier, formateur en usinage .
Comment séduire les jeunes ?
Encore faut-il arriver à vaincre les préjugés, trop souvent encore, inculqués pendant la scolarité.
"Les voies professionnelles en apprentissage, c'est considéré comme une voie de garage. Donc on nous incite pas à se tourner vers quelque chose d'autre que le lycée général, c'était la direction à suivre selon nos professeurs. Alors qu'en fait on a une meilleure possibilité de trouver du travail après avoir eu des diplômes ici" explique Ewen Vandeweghe, apprenti.
Ces dernières années, le pôle formation essaie de se renouveler. Les méthodes pédagogiques ont évolué. Les enseignement sont transversaux et plus concrets. Les apprentis travaillent sur des projets qu'ils doivent mener à leur terme, comme en entreprise.
L'opération séduction est également mené via un vecteur de communication très efficace : les olympiades des métiers.
"C'est une compétition internationale qui permet de mettre en lumière les métiers industriels et notamment celui de la maintenance sur lequel les entreprises ont énormément de difficultés de recrutement. Nos équipes sont très impliquées dans ces compétitions." explique Delphine Gaillard, directrice générale du pôle formation UIMM Limousin. Cette année deux apprentis ont fait de bons résultats lors des finales régionales. Le pôle en profite pour communiquer sur les réseaux sociaux.
Enfin, l’offensive se concentre aussi vers les jeunes comme ce jour là sur un forum à Brive.
Casque de réalité virtuelle et poste de soudure en réalité augmentée. Dans la halle Georges Brassens, le pôle formation vise des collégiens, pour casser les préjugés, dès le plus jeune âge. Ces nouveaux outils plus ludiques et pour autant bien représentatifs du futur de ces métiers séduisent un peu plus. Dans un groupe de jeunes collégiennes plusieurs ont apprécié.
"Les métiers de l'industrie, ou de l'artisanat ce n'est pas réservé qu'à des élèves en échec scolaire" Gianluca Lanza, assistant pédagogique au collège Jean Monet a l'air convaincu mais reconnait que les mentalités dans l'éducation national doivent encore évoluer sur cette question.
Le pôle formation compte sur ce changement d'image et investit. Il ouvrira, en 2024, deux centres à Brive axés sur les nouvelles technologies. Une vitrine pour les métiers industriels. En Limousin 2200 postes sont encore à pourvoir dans ce secteur.