Hors François Hollande, jamais un président en exercice de la Vᵉ République ne s’était déplacé à Tulle pour honorer la mémoire des 99 pendus, et 149 déportés, du 9 juin 1944. Emmanuel Macron l’a fait ce lundi matin, une reconnaissance attendue, dans un contexte particulier : celui de la victoire de l’extrême droite aux élections européennes, et dans l’attente des futures législatives, qui troublent beaucoup les familles des martyrs.
Comme toujours, il y avait beaucoup de monde, sur le Haut-Lieu de Cueille, pour honorer la mémoire des 99 pendus, et 149 déportés de Tulle ; victimes de la barbarie nazie, le 9 juin 1944.
Mais pour une fois ou presque, il y avait une personne en plus, à la présence plus que marquante : le président de la République.
Des familles de martyrs honorées et se sentant moins oubliées
Après François Hollande, Emmanuel Macron n’est que le second président en exercice de la Vᵉ République, à venir assister à ces commémorations. D’autant plus symbolique qu’il s’agissait là des 80 ans. Sa présence a soulagé les Corréziens, au premier rang desquels les familles des martyrs, qui ont longtemps eu l’impression d’être dans "l’ombre d’Oradour".
C’est un jour vraiment exceptionnel. Les familles des martyrs ont eu longtemps l’impression d’être un peu oubliées. Le souvenir des martyrs était un peu effacé par la médiatisation d’Oradour. Et aujourd’hui, que le président de la République se déplace, c’est un honneur pour nous.
Danielle DelordPetite sœur d’un pendu de Tulle
C’est un hommage, un honneur qu’il fait à nos otages, à nos victimes. Et pour moi, qu’il vienne le même jour qu’à Oradour, ça met Tulle et Oradour-sur-Glane sur le même pied d’égalité. Enfin ! Si je puis dire !
Roland GonieauPrésident du comité des martyrs de Tulle
Une présence que le prédécesseur d’Emmanuel Macron, François Hollande, sur place également comme souvent, a saluée. Il a noté cette connexion, enfin reconnue, entre les villes martyrs : "Qu’il vienne avant d’aller à Oradour crée justement cette cohérence, parce que s’il y a eu ces drames tout au long de ces journées, c’est qu’ils ont commencé avant Tulle, se sont produits à Tulle à un niveau tout à fait insupportable et se sont poursuivis à Oradour et encore bien plus loin".
Des commémorations alors que l'extrême droite a gagné les élections européennes, et vise les prochaines législatives
Cette présence d’Emmanuel Macron était d’autant plus marquante qu’elle se déroulait au lendemain des élections européennes, qui ont vu l’extrême droite l’emporter en France (et arriver en tête à Tulle avec près de 26,69% des voix), et l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale. Ici, en ce jour si important, mais dans ce contexte si particulier, la situation inquiète.
Après les commémorations, Emmanuel Macron est allé à la rencontre des familles des victimes, et certains des membres en ont profité pour lui parler de l’évènement. Comme ce petit-fils de pendu, qui a tenu à féliciter le président pour les mots qu’il avait employés dimanche soir, pour éviter de voir recommencer ce qu’il s’est passé il y a 80 ans.
De voir la poussée de l’extrême droite, je suis personnellement très triste, très perturbée par cela. Et je ne suis certainement pas la seule ici aujourd’hui, surtout après ce qu’on a pu connaître, dans notre région, dans cette ville.
Jeanine PicardFille d’un déporté mort en déportation
C’est important que le président soit là, et qu’il y ait des responsables (comprendre officiels) allemands qui soient là. C’est ça le plus important. Que les connexions se fassent, pour que rien ne se renouvelle.
Gilles ChavantMembre du Comité des martyrs de Tulle
C’est une reconnaissance bien évidemment au caractère national, mais peut-être qu’on se sent moins seul. Peut-être un rappel également pour quelques esprits oublieux, ou un peu légers, ou superficiels… Des esprits pour qui la violence est normale.
Alain CattéMembre du Comité des martyrs de Tulle