Pendant près d'un an, un homme s'est fait passer pour un médecin urgentiste à l'hôpital de Tulle. Il n'avait pourtant aucun diplôme. Il comparaissait pour faux, usage de faux et exercice illégal de la médecine.

T-shirt noir et forte stature, Rafik Anbri répond avec un aplomb désarmant aux questions de la juge. Ce qui donne lieu à des échanges assez savoureux.

-"Vous n'aviez aucun diplôme, aucun droit d'exercer la médecine".

-"J'ai fait des études en Argentine"

-"Oui, mais vous n'avez rien validé. Et si je vous disais que je ne suis pas magistrate ?"

Le prévenu n'est est pas à son coup d'essai. Pendant l'audience, il est présenté comme un professionnel du faux. Faux maître nageur sauveteur, faux entraîneur national de natation et faux médecin urgentiste.

En état de récidive légale, il est incarcéré depuis octobre 2021.

Quatre hôpitaux ont eu à subir les agissements de ce caméléon

Vitré en Bretagne, Decazeville dans l'Aveyron et Brive pour des durées relativement courtes. C'est à Tulle qu'il a sévi le plus longtemps, près d'un an. 

Il n'était heureusement pas haut placé dans la hiérarchie des urgences. Il ne travaillait pas en autonomie et s'était spécialisé dans la "bobologie". Sa capacité de nuisance a donc été plus réduite que s'il avait manifesté l'envie soudaine d'opérer à cœur ouvert.

Il était soumis à un médecin senior qui contrôlait ses actes. La pratique aidant, il a fait illusion. Mais nous sommes tout de même très perplexes devant les risques qu'il aurait pu faire courir à la patientèle.

Maître Dominique Val, avocate de l'hôpital de Tulle. 

Comment a-t-il fait pour échapper aux filtres de l'embauche et aux contrôles ?

L'enquête le décrit comme affable, courtois, disponible mais léger professionnellement. 

Rafik Anbri ne se révèle pas seulement menteur pendant ce procès, mais également comme faussaire accompli. Armé de son ordinateur et du traitement de texte, il a produit nombre de fausses pièces d'identité d'une qualité suffisante pour nourrir l'illusion.

Des talents qui lui ont permis de se glisser dans les failles du recrutement de l'hôpital. Pour ce type de médecin, il n'y a en effet pas d’inscription préalable au conseil de l’ordre puisqu'ils sont soumis à l'autorité d'autres médecins. 

Il suffit de déposer un CV en ligne pour pouvoir être recontacté et même recruté sans forcément d'entretien téléphonique ni même d'entretien en présence physique, ce qui est totalement aberrant !

Maître Sofien Dridi, avocat de la défense.

 

Le défenseur a d'ailleurs essayer de recentrer les débats autour de cette carence manifeste du système de recrutement pour dédouaner son client. 

Impressionnante liste de victimes

La liste des victimes, ou de leurs représentants légaux est impressionnante. On y trouve pèle-mêle les quatre hôpitaux précédemment cités mais aussi les mairies de Gennevilliers, de Sèvres ou de Colombes en banlieue parisienne mais aussi la CPAM de l'Yonne, le conseil de l'ordre national des médecins, les thermes d'Aulus-les-bains dans les Pyrénées. 

La propre famille du prévenu a visiblement elle aussi été bernée sur ses activités professionnelles. 

Pour moi, c'est un véritable menteur pathologique. Il y a une certaine frustration de ce personnage à avoir raté tout ce qu'il a entrepris. Il n'a eu aucun diplôme. Il a échoué de manière constante et il s'est dit : "si je n'ai pas de diplômes, tant pis, je vais les créer moi-même."

Maître Louise Arnal, avocate de l'Ordre des Médecins.

Une avocate qui n'hésite pas à faire le parallèle avec l'affaire Jean-Claude Romand, cet homme qui s'était fait passer pour un médecin de l'OMS pendant des dizaines d'années. Sur le point d'être découvert, il avait finit par assassiner une partie de sa famille. La dangerosité n'est pas ici du même niveau, mais l'exercice illégal de la médecine porte tout de même une énorme part de risque. 

Inculpé de faux, usage de faux et exercice illégal de la médecine en état de récidive légale, Rafik Anbri écope de 4 ans de prison dont un avec sursis. 5 ans dont un ferme avaient été requis par le procureur.

Une peine plutôt sévère même s'il risquait jusqu'à 10 ans. Une sévérité vraisemblablement liée à son comportement durant l'audience, à son aplomb et surtout à son manque de contrition. 

L'avocat de la défense dispose de 10 jours pour faire appel. 

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