Alors que la progression du nombre de cas positifs ralentit à l’échelle nationale, l’augmentation est toujours très forte en Nouvelle-Aquitaine. Les hospitalisations sont également en hausse, particulièrement en Gironde.
Une bonne nouvelle a été annoncée ce matin sur France Inter par Arnaud Fontanet, épidémiologiste à l'Institut Pasteur et membre du Conseil scientifique : "Le scénario du pire s'éloigne, la décrue a commencé (…) On a le sentiment que le pic est en train de passer devant nos yeux".
Pas de ralentissement en Nouvelle-Aquitaine
Mais pour l’heure, si ce constat est confirmé par exemple en Ile-de-France, la Nouvelle-Aquitaine ne semble pas encore suivre la tendance. Dans son dernier bulletin épidémiologique, l’antenne néo-aquitaine de Santé Publique France décrit une situation encore préoccupante. Il y aurait eu près de 150 000 nouveaux cas de Covid la semaine dernière...
Laurent Filleul, épidémiologiste à Santé Publique France, détaille : "Dans tous les départements, la courbe est verticale. Le dernier taux d'incidence régional est de 2 367 nouveaux cas pour 100 000 habitants, et le taux de positivité 22,3 %." Il note tout de même un début de bonne nouvelle : "Ce qui nous rassure, c‘est que ça semble diminuer chez les 65 et plus. C'est la classe d’âge ou la couverture vaccinale est la plus élevée."
A Bordeaux, le professeur Denis Malvy, infectiologue et membre du conseil scientifique, confirme cette situation qui ne le surprend pas : "Il y a un gradient nord-sud qui est défavorable au sud, et particulièrement au sud-ouest. La vague Omicron nous a atteints avec une semaine et demie de retard par rapport au nord du pays."
Les hospitalisations en hausse
Du côté des hospitalisations, une augmentation nette est toujours en cours : 1421 personnes sont actuellement hospitalisées pour Covid dans la région. Avec 432 hospitalisations, c’est en Gironde que la situation semble la plus difficile. Le CHU de Bordeaux à lui seul compte aujourd’hui dans ses lits 131 patients atteints de Covid. Seule la courbe des personnes hospitalisées en soins critiques a amorcé une baisse.
Cet indicateur est très suivi. Selon Laurent Filleul, "les hospitalisations, c’est vraiment ce qu’on regarde avec attention. Le taux d’incidence donne une idée sur la circulation du virus, mais les hospitalisations vont mieux traduire l'impact sanitaire."
Denis Malvy analyse la situation au CHU de Bordeaux : "Les personnes hospitalisées sont essentiellement touchées par le variant Delta. En réanimation, elles sont non vaccinées ou immunodéprimées. La vague Delta reste sur un plateau haut qui est stable, et on aimerait qu’il diminue. La vague Omicron est sur un profil défavorable, avec une circulation immense dans la population."
La troisième dose s'accélère
Pour éviter les formes graves, les autorités continuent de mettre l’accent sur la vaccination, mais il reste du travail. La couverture vaccinale pour la primo-vaccination complète est de 90,8 % chez les personnes de 12 ans et plus, mais Santé Publique France constate : "Depuis plusieurs semaines, le nombre de personnes initiant ou complétant leur primo-vaccination évolue très peu".
Concernant la dose de rappel, qui booste la protection face au virus, le chiffre est plus faible : la couverture vaccinale ne s’élève qu’à 59,1 % chez les plus de 18 ans. Santé Publique France note un ralentissement de la campagne vaccinale durant les vacances scolaires, mais le nombre hebdomadaire de doses de rappel injectées repart à la hausse depuis la rentrée. Laurent Filleul note un frein : "On a beaucoup de personnes qui sont soit cas contact, soit positives, et elles ne peuvent pas se faire vacciner."
Aucune certitude pour la suite
Ces derniers jours, plusieurs observateurs évoquaient une évolution vers une situation "endémique", avec une maladie infectieuse persistante mais moins grave, à l’image de la grippe saisonnière.
Pour Arnaud Fontanet, il faut en effet s'attendre à avoir un virus "qui s'installe et qui circule" avec "des épidémies de Covid très régulières pendant les phases hivernales lors des années qui viennent". Il souligne l’importance de l’immunité : "Au fur et à mesure qu'on rajoute des couches d'immunité, on se protège de mieux en mieux contre les formes graves". Selon lui, "c'est ce qui fera qu'on aura, à terme, un virus qui donnera des rhumes et des angines sans provoquer de formes graves".
Une analyse relativisée par deux spécialistes hauts-viennois. Le médecin infectiologue de la polyclinique de Limoges Eric Denes explique : "C’est ce que tout le monde espère. De nombreux coronavirus ont d’abord provoqué des épidémies graves, et ça s’est terminé en épidémies hivernales." Mais pour lui, les futurs variants peuvent encore réserver des surprises : "Les variants, ce sont des mutations aléatoires. Elles sont soit délétères pour le virus, qui va mourir, soit favorables pour lui, et ça lui apporte un avantage. La contagiosité, c’est un avantage. Il se peut qu’un nouveau variant apparaisse plus contagieux et plus méchant."
Une réserve partagée par l’épidémiologiste de l’université de Limoges Pierre-Marie Preux : "Omicron n’est pas un dérivé du variant Delta. Il est possible qu’un nouveau variant émerge, issu de Delta, pour lequel l’immunité qui se construit actuellement, issue d’Omicron, sera peu efficace." Arnaud Fontanet reste lui aussi prudent. Toujours sur France Inter, il appelle, pour chaque nouveau variant qui apparaîtra, à "réunir très rapidement toutes les informations dont on a besoin sur sa transmissibilité et sa sévérité", pour "mettre les barbelés si on voit qu'il est sévère".
Denis Malvy conclut avec une pointe d'optimisme : "Il faut s’attendre à des soubresauts. J’espère que les nouveaux variants seront moins sévères que les précédents. Ce n’est pas béat de le penser."