La présidente du conseil départemental de la Creuse a envoyé un courrier à l’ARS pour dénoncer des "défaillances de gestion" dans l’établissement. En réaction, le directeur a annoncé son départ, provoquant un élan de soutien rarement observé dans un hôpital.
"Touche pas à mon directeur, touche pas à mon hôpital" : une banderole affichée sur l’entrée de l’hôpital d’Aubusson donne le ton. À l’intérieur, beaucoup portent un brassard noir, confirmant un soutien rarement observé dans un établissement de santé.
"Défaillance de gestion" ?
À l’origine de cette crise, il y a un courrier de la présidente du département Valérie Simonet adressé au directeur général de l’Agence Régionale de Santé de Nouvelle-Aquitaine. Elle lui fait part de son inquiétude concernant la situation financière des EHPAD qui dépendent de l’hôpital d’Aubusson. Elle dénonce ce qu’elle considère comme une "défaillance de gestion".
Ces mots ont déclenché une vive réaction de la part de Yoann Campocasso, directeur de l’hôpital d’Aubusson : quelques jours plus tard, il décide de quitter son poste, déplorant une "rupture de confiance". Arrivé en 2020, le trentenaire est très apprécié par ses équipes. Il vient surtout de faire aboutir un projet au long cours : un nouveau bâtiment de 3 750 m² va être construit pour agrandir l'hôpital et rassembler, sur un même site, les résidents des EHPAD de la commune.
Incompréhension
La présidente du département justifie son inquiétude par un audit qui met en lumière un déficit chronique pour l’EHPAD de la Courtine.
Cette situation semble pourtant bien connue : depuis sa création, il y a dix ans, l’établissement de seulement quarante lits est trop petit pour atteindre l’équilibre. Selon le maire d’Aubusson, Stéphane Ducourtioux, son déficit est structurel : "Les collectivités qui ont voulu cet EHPAD doivent prendre leurs responsabilités et en assumer le déficit (...). Il n’y a pas de problème de gestion, c’est un faux sujet." Le maire d’Aubusson se dit aujourd’hui "sidéré" : "C’est l’incompréhension totale, pourquoi maintenant alors que le projet architectural a démarré, si ce n’est se payer la tête du directeur de l’hôpital ?"
Les syndicats derrière le directeur
Un autre soutien est plus rare : celui des syndicats. La représentante de la CGT Isabelle Moreau défend son directeur : "Nous avons quelquefois des divergences d’opinions au niveau représentation du personnel, ce qui est logique, mais il porte un projet architectural qu’on attend depuis vingt ans, il a tout fait pour le porter à bout de bras, il l’a défendu, et le fait de son départ risque de le retarder."
Même réaction pour Mathieu Charvillat, délégué CFDT : "Il a impulsé une dynamique plus qu’intéressante, au bénéfice de l’établissement, de la population, des usagers, du territoire et du personnel (…). Personne ne le lâchera."
Le personnel attend maintenant une prise de position de l’ARS pour soutenir le directeur et éviter son départ. La directrice de l'Agence régionale de santé de Creuse a déjà annoncé ce soutien à notre équipe de reportage et devrait bientôt le confirmer officiellement.