Baisse du chômage et postes non pourvus : vers un quasi plein emploi en Creuse ?

7975 demandeurs d'emploi en décembre 2021 en Creuse. Un niveau qui n'avait jamais été aussi bas depuis septembre 2012. La préfecture de la Creuse parle de quasi "plein emploi"... mais dans les faits est ce que la tendance se confirme réellement ?

Le téléphone n’arrête pas de sonner ce jour-là, dans une agence d’intérim de la Creuse. « Je leur propose votre CV et puis je reviens vers vous pour vous dire si c'est bon pour lundi d'accord ? » déclare Elisa Chabreyron à un candidat au bout du fil.

Des candidats à la recherche d'un emploi. Elisa en compte encore des centaines. Si au premier abord, le marché du travail semble avoir le vent en poupe en Creuse… la tendance est loin de se confirmer dans tous les secteurs.« Je dirais que les recherches sont différentes à la fois de la part des candidats, que de la part des entreprises, explique Elisa Chabreyron, Conseillère chez Manpower à Guéret. Cela dit, je n’ai pas constaté qu’il y avait moins de candidats qui venaient se présenter à nous. Au contraire, on est peut-être même sur des candidats qui ont parfois des  situations un peu plus précaires qu'avant ».

Ce n'est d’ailleurs pas le cas de l'industrie qui surfe elle sur une dynamique post-covid, en témoigne cette entreprise de matériaux de constructions installée à Genouillac, visité ce jour-là. Sur l'année 2021, elle a recruté 30 nouveaux collaborateurs. 10 recrutements sont en cours pour ce début d'année 2022,  mais dans ce secteur en revanche les candidats se font rares.

« Ce n'est pas forcément un manque de qualifications, c’est vraiment un manque de nombre de candidature, rectifie Iris Gobier, responsable des ressources humaines à Eurocoustic, puisqu’effectivement, parfois, on a des postes qui sont ouverts depuis plusieurs mois, avec aucun candidat. Donc ce sont des problématiques que l’on rencontre et de plus en plus sur tous types de catégories. Ce n’est pas uniquement les postes de cadres. Ni d’agent de maîtrise, maintenant on est aussi confronté sur des postes d’ouvriers, d’employés ».

Selon la préfecture, le département de la Creuse aurait atteint un quasi plein-emploi fin décembre 2021. Un chiffre à relativiser pour le directeur général de la Chambre de commerce et d'industrie.  « On est en sortie de crise avec un effet d’aubaine, soutenue par l’État sur les cinq ans à venir. On n’a pas l’assurance qu’il y ait un maintien de cette dynamique-là », tempère Philippe Daly, directeur général de Chambre de Commerce et d’Industrie de Creuse. « On voit qu’il y a une dynamique de l’emploi qui est à l’œuvre en Creuse. Elle est la traduction d’un rebond, d’une relance économique, portée par les actions de l’État, mais également par une consommation et un redémarrage post-covid qui est très fort. Et donc il y a nécessité de recruter des compétences, des candidats. Et là, on arrive à un moment de relance, où les candidats sont moins nombreux, donc on peut parler de plein emploi, avec une baisse record du chômage. Un plein emploi donc, puisqu’on est en dessous de 8% de chômeurs en Creuse, et donc là on arrive à des approches un peu plus ciselées pour aller trouver les candidats, les compétences qui peuvent manquer à certaines entreprises pour être compétitives », complète le directeur de la Chambre de commerce de Creuse.

Plein emploi, oui, taux de chômage très bas, mais par contre, il y a de façon résiduelle des gens qui sont toujours en demande, mais pour lesquels le profil ne correspond pas aux attentes de certains chefs d’entreprises.

Le quasi plein emploi s’explique par la reprise de l’activité, « soutenue par le fond de solidarité, le PGE, tous les dispositifs portés par les services de l’État qui ont permis de soutenir cette relance et de permettre aux entreprises de pouvoir poursuivre leur activité économique » détaille le directeur de la chambre de commerce. « Pour illustrer ce que je dis-là, aujourd’hui il n’y a quasiment pas de défaillance d’entreprises aujourd’hui en Creuse. On a une stabilité des entités économiques, un maintien de l’emploi dans ces structures, et pour celles qui ont bien redémarré un besoin de développer la capacité de production, et donc d’avoir la main-d’œuvre disponible pour cela ».

Quand on lui demande s’il y a des secteurs qui sont en réelle pénurie de main-d’œuvre : « Nous avons des secteurs industriels, comme l’hôtellerie restauration et certaines fonctions tertiaires, qui manquent sur tout le territoire. On manque de techniciens de maintenance, de cuisiniers dans l’hôtellerie, on manque de commis, d’employés de service. Et dans le secteur du bâtiment, on manque de couvreurs, de maçons notamment. Les activités qui ont bien redémarré, comme l’industrie, comme le bâtiment, ou comme l’hôtellerie qui prépare la saison, ces secteurs-là sont en quête de candidats et font face à une pénurie de candidature, et se doivent de regorger d’astuces pour pouvoir trouver, séduire des candidats nouveaux. Donc il y a tout un tas de travail qui est opéré par la chambre de commerce mais également par le service public de l’emploi pour pouvoir coller aux réalités de ces entreprises. »

Et cette tendance en Creuse pourrait également pâtir de la hausse des prix du carburant… Département où la mobilité est un enjeu majeur.

« Il faut que l’on reste prudent sur la relance, tempère Philippe Daly. C’est la question du plein emploi. Je nuancerais mes propos lorsque j’observe la hausse de l’énergie, le coût de la matière première, la problématique par exemple de livraison de logistique. Tout cela est de nature à impacter la consommation. Donc s’il y a un impact sur la consommation, il y a forcément un impact sur la production manufacturière, sur les activités de commerce, et de service. On le voit bien, l’État essaye de minimiser ces hausses, avec des dispositifs pour accompagner une forme d’inflation, donc on doit rester prudent ».