Dépakine : le laboratoire Sanofi jugé responsable, une victoire symbolique pour une maman creusoise

Ce mercredi 5 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Paris a jugé le laboratoire Sanofi responsable d'un manque de vigilance et d'information sur les risques de la Dépakine. Une première judiciaire reçue comme une victoire par Angèle Podetti, maman de Faustine, une adolescente handicapée.

C'est à l'âge de 14 ans qu'Angèle Podetti a débuté son traitement à la Dépakine. Elle souffrait alors d'épilepsie juvénile. Elle a pris le médicament pendant près de 20 ans.

Lorsque Faustine, sa première fille, est née, il y a 18 ans, Angèle était encore sous Dépakine. Elle a pris le médicament tout au long de sa grossesse, aucune réserve n'était faite à ce sujet par le laboratoire qui la produit : Sanofi.

"Très vite nous nous sommes rendu compte que Faustine était différente, elle a parlé tard, marché tard, a très vite présenté des troubles du comportement, mais nous n'avions pas de raison de faire le lien avec le médicament."

La rencontre avec l'APESAC

Et c'est seulement en 2011, alors que Faustine a déjà 8 ans, que la maman creusoise fait le lien. Elle entend pour la première fois parler de l'APESAC, l'Association des Parents d'Enfants Souffrant du Syndrôme de l'Anti-Convulsif. L'association venait juste d'être créée.

"En regardant le Magazine de la Santé, j'ai vu une interview de la présidente de l'APESAC, elle parlait de son fils, handicapé, et j'ai reconnu en lui Faustine dans tout ce qu'elle décrivait."

Lorsque l'on est seuls on ne sait pas mettre de mots sur ce qui nous arrive. Trouver l'APESAC a été un soulagement. Soudain on se rend compte qu'on est pas seuls.

Angèle Podetti, victime de la Dépakine

"Jusqu'à ce moment-là, je m'étais toujours dis que je n'aurai plus d'enfant. Quand j'ai compris que le handicap de ma fille était dû à la Dépakine et pas à moi, je suis passée du statut de maman d'une enfant handicapée à maman tout court. J'ai eu deux autres filles qui vont très bien."

La force de l'APESAC

La force de l'APESAC, c'est son collectif uni. L'association regroupe plusieurs centaines d'adhérents et défend les droits de 7647 victimes, il y en a 85 en Limousin. Elle dénonce également sur son site 179 décès d'enfants victimes.

L'APESAC met en avant des chiffres qui font froid  dans le dos "40 à 46 % des enfants nés sous dépakine ont de troubles neuro-comportementaux, 11% ont des malformations physiques."

Le valproate de sodium, (la molécule de la Dépakine),commercialisé par différents laboratoires sous différents noms, serait responsable de malformations chez 2 150 à 4 100 enfants et de troubles neuro-développementaux chez 16 600 à 30 400 enfants, selon des estimations de l'Assurance maladie et de l'Agence du médicament. 

Et ce collectif bouscule l'ordre établi : 

  • En 2014 : L'agence européenne du médicament (EMA), entend les alertes lancées par l'APESAC, et émet une recommandation contre la prescription de valproate de sodium  pendant la grossesse.
  • En 2015 : Sous la pression de l'APESAC, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament demande aux praticiens de ne plus prescrire de valproate de sodium "aux femmes en âge de procréer et aux femmes enceintes", pour cause de "risque élevé de troubles graves du développement"
  • En 2017 : un nouvel étiquetage est mis en place sur les boites de Dépakine : DEPAKINE + GROSSESSE = DANGER
  • En 2017 : l'APESAC lance une procédure contre Sanofi, arguant que le laboratoire  a trop tardé à informer les patientes des risques de malformations ou de retards de développement chez les enfants, en cas de prise de Dépakine pendant la grossesse.

La justice donne raison à l'APESAC

C'est justement dans cette procédure lancée en 2017 que le tribunal judiciaire de Paris a rendu ses conclusions ce mercredi 5 janvier 2022.

Sanofi a été jugé responsable d'un manque de vigilance et d'information concernant les risques de la Dépakine. Le tribunal a estimé qu'il s'agit d'une faute de la part du laboratoire. Et c'est une première judiciaire. 

Compte tenu des informations scientifiques disponibles à l'époque, le tribunal estime que Sanofi "a produit et commercialisé un produit défectueux entre le 22 mai 1998 et janvier 2006 pour les malformations congénitales et entre 2001 et janvier 2006 pour les troubles neuro-développementaux". Il ordonne aussi "qu'une large publicité soit faite à la possibilité ouverte aux patientes et à leurs enfants de participer à cette action de groupe."

Les femmes concernées et leurs enfants nés entre 1984 et janvier 2006 pour les malformations congénitales et entre 2001 et janvier 2006 pour les troubles développementaux et cognitifs disposent de cinq ans pour le faire.

Nous avons lancé ce combat pour que cela n'arrive plus jamais

Angèle Podetti, victime de la Dépakine

La vie d'Angèle

Aujourd'hui Angèle Podetti, s'inquiète pour l'avenir de Faustine. "Elle ne sera jamais autonome. Faustine est actuellement dans un IME en journée, mais elle devra le quitter à ses 21 ans. Nous lui cherchons un foyer de vie où elle pourra être interne. Nous, familles d'enfants handicapés nous sommes toujours préoccupés par leur futur, nous ne serons pas toujours là pour eux. Ce procès peut, peut-être, nous rassurer pour leur avenir."

Depuis 18 ans la vie d'Angèle tourne autour de Faustine, elle a quitté son travail dès la découverte du handicap de la petite fille "J'aimerais à nouveau travailler, mais pour l'instant c'est impossible". Elle court de rendez-vous médicaux en rendez-vous médicaux  Elle s'inquiète, sans cesse, pour sa fille.

Pendant ce temps, le laboratoire Sanofi a fait appel de la décision rendue aujourd'hui par le tribunal judiciaire de Paris.

Dans la partie pénale de ce même dossier de la Dépakine,  le laboratoire Sanofi a parallèlement été mis en examen, en 2020, pour "homicides involontaires". Une affaire médico-judiciaire qui est donc loin d'être bouclée.

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