Depuis près d'un an et demi, les demandes d'adoption sont à l'arrêt en Haïti par un arrêté prorogé jusqu'au 30 juin 2021. Ces démarches, quatre familles creusoises les ont pourtant entamées. Laissées sans réponse, elles se joignent aujourd'hui à un collectif national pour trouver des alternatives.
Quatre familles creusoises ont entamé des démarches pour adopter un enfant haïtien depuis des années. Des années d'attentes et d'incertitudes. C'est le cas de Cécile et Dominique.
Dans l'incapacité d'avoir un enfant, ce couple de quadragénaires a fait une demande d'agrément, il y a cinq ans, en vue d'une adoption. Aujourd'hui, ils sont dans l'obligation de renouveler cette demande, car la durée d'un agrément est elle-même de cinq années, "nous revoyons toutes les assistantes sociales, les psychologues, pour renouveler notre aptitude à avoir un enfant." Ce nouvel agrément représente une toute dernière chance pour le couple de devenir parents. Mais la situation, au point mort, bloque aussi leurs perspectives d'avenir, "le fait que tout soit à l'arrêt nous empêche de nous raccrocher à ce petit bonheur, que nous nous disions que c'est notre tour, on nous coupe l'herbe sous le pied", confie Dominique.
Le 24 novembre 2019, un couple de Français venu adopter à Haïti est tué par balle dans la capitale, Port-au-Prince. Depuis plusieurs années, la situation sécuritaire et politique du pays s'est considérablement détériorée. Le gouvernement de Jovenel Moïse, qui n'est plus reconnu comme dirigeant légitime par l'opposition, ne cesse de réprimer les populations.
Ainsi, depuis le 11 mars, un arrêté prolongé en décembre 2020, jusqu'au 30 juin, suspend la procédure d'adoption entre la France et Haïti. Pour Emeline, membre du collectif, les instabilités en Haïti justifient les restrictions interdisant l'entrée sur le territoire haïtien, mais le manque de solutions trouvées pour les personnes dans l'attente d'un enfant est incompréhensible, "nous savons que la situation est catastrophique, quand on nous dit "vous ne pouvez pas mettre un pied en Haïti", c'est quelque chose que nous avons compris tout de suite. Par contre, ces prorogations successives nous ont interpellés. Nous n'avons pas de solutions, seulement des arrêtés."
À la recherche d'alternatives
Habituellement, les familles souhaitant adopter doivent passer par la "socialisation" : une période de deux semaines sur place avec l'enfant avant de pouvoir venir le chercher deux mois plus tard. Alors, les quatre familles concernées voient les récents événements comme une véritable injustice, d'autant qu'Haïti a déjà mis en place des alternatives avec d'autres Etats pour permettre aux parents d'adopter sur son territoire, "l'organe haïtien qui s'occupe des adoptions a mis en place des apparentements en visioconférence, les Etats-Unis, le Canada, la Suisse et la Belgique y ont recourt par exemple. Avec le covid, tout a été bouleversé, mais aujourd'hui, nous avons les moyens techniques pour mettre ça en place."
Ces familles aimeraient que les instances françaises envisagent cette alternative. Alors, pour agir, un collectif national, dont ces parents font partie, s'est formé, "le moral est changeant, en fonction des décrets qui sont pris. Nous ça nous motive, ça nous permet d'échanger, de trouver des pistes, essayer de se redonner de l'espoir."
Sous l'impulsion de ce collectif, une requête sur le fond a été portée au Conseil d'Etat et certains élus commencent à s'emparer de la question.