Un ressortissant turc d'origine arménienne est, depuis 25 ans, contraint de rester en Creuse. Son dossier administratif et juridique est tellement complexe que la députée Catherine Couturier vient d'écrire à la préfète pour tenter de trouver une solution.
Plus de 9000 jours de privation de liberté imposés par l'administration française. Après des condamnations pour lesquelles il a déjà payé sa dette en prison, Garbis Dilge, 67 ans, turc d'origine arménienne, est interdit de territoire français.
Mais, protégé par son statut de réfugié politique, il ne peut être expulsé vers son pays d'origine. Il vit donc assigné à résidence en Creuse depuis vingt-cinq ans.
Une situation kafkaïenne
Enfermé dans un rayon de 35 kilomètres autour de la ville d'Auzances, il lutte depuis des années pour faire réviser son statut. “J’écris partout, du plus petit service de l'État jusqu'au premier ministre, et tout le monde s'en fout", témoigne Garbis Dilge.
Entre lecture, télévision et sortie au café du coin, ses journées se ressemblent depuis vingt-cinq ans.
Pour se rendre à l’hôpital, ou dans certains commerces à Guéret, Garbis Dilge doit demander une autorisation à la préfecture pour sortir du périmètre qui lui est assigné.
Une sensation d’enfermement insoutenable pour le retraité. "Je suis ici plus qu'en prison. Au mitard de Fresnes, j'étais mieux qu'ici", affirme-t-il.
"Une double peine éternelle" dénoncée par la députée LFI de la Creuse
Une situation incompréhensible pour Catherine Couturier, députée LFI de la Creuse, qui en appelle à la compréhension de la préfecture. "À 67 ans, avec son état de santé qui se dégrade, Monsieur Garbis Dilge a le droit de voir sa situation administrative clarifiée. En tant que députée de la Creuse, j’ai pleinement confiance dans les services de l’État et en Madame la préfète, pour régulariser la situation et simplifier la vie de Monsieur Dilge", indique la députée dans son courrier adressé à la préfète de la Creuse Anne Frackowiak-Jacobs, ce 8 avril. Elle précise, dans ce courrier, que l'homme a été condamné pour "des faits de petit banditisme et de trafic de stupéfiants."
Je remettais ce jour un courrier demandant à Mme la Préfète de la Creuse @Prefet23 d'intervenir afinn d'améliorer la situation administrative ubuesque dans laquelle ce Monsieur est enfermé depuis plusieurs années@montagne_creuse @FBCreuse @F3Limousin @lemondefr @rpg965fm pic.twitter.com/gZsp12Xxkf
— Catherine COUTURIER Députée (@CouturierCathy) April 8, 2024
De son côté, la préfecture de la Creuse ne peut révoquer l'interdiction de territoire, mais peut statuer sur l'assignation à résidence et ses contraintes. "Nous sommes en lien avec l'intéressé puisqu'il nous saisit directement, mais c'est la préfecture de l'Eure qui a émis la décision d'éloignement à l'origine. Donc, nous sommes en lien avec cette préfecture pour instruire ce qu'il demande", précise le directeur de cabinet de la préfète de la Creuse, Benoit Bayard.
Son dossier pris en charge par un cabinet d'avocat
Le cabinet Bourdon & Associés a accepté de défendre gratuitement le dossier de Garbis Dilge, afin d'obtenir la révision de ce statut. “Moi, clairement, je pense que la situation pourrait évoluer parce que les faits sont très anciens. Il ne présente absolument pas une menace pour l'ordre public, en plus il est relativement âgé”, explique Vincent Brengarth, avocat au sein du cabinet Bourdon & Associés.
En cas d’échec auprès de la justice française, Garbis Dilge et ses avocats n'excluent pas de recourir à la Cour européenne des droits de l’homme.