Le dessinateur Michel Janvier, installé en Creuse, officiait comme lettreur sur un certain nombre d’album de l’irréductible Gaulois. Il nous raconte sa relation avec Albert Uderzo disparu le 24 mars 2020 à l'âge de 92 ans.
Leur rencontre se fait en Creuse en 1988, et c’est la passion des voitures qui va les rapprocher tout d’abord.
Michel Janvier exposait ses portraits de pilotes de course au domaine du Mas du Clos (fermé aujourd’hui). Pierre Petit, qui y donnait des cours de pilotage à Albert Uderzo, passionné de Ferrari et fidèle du circuit de course automobile creusois, propose alors de le présenter à Michel.
Même si je commençais à avoir un peu de notoriété à l’époque puisque je travaillais sur Rantanplan pour Morris, j’étais très impressionné. On a bien discuté. Mais c’est l’année d’après, en 1989, qu’il me demandera de travailler avec lui, d’être encreur pour une partie de son album, « La Rose et le Glaive », qui sortira 2 ans plus tard
Michel repasse donc à l’encre sur les traits crayonnés du Maître. Ce qui lui vaut un de ses plus grands souvenirs : "Le truc le plus impressionnant, à la page 6 de La Rose et le glaive … quand Uderzo me dit « C’est bien vous pouvez gommer » … j’ai gommé son travail et il ne restait plus que le mien. C’était sur la planche originale, on ne scannait pas encore les crayonnés !"
Il disait que les lettres devaient danser, en rapport avec le dessin
Cette première collaboration est fructueuse. Elle se poursuivra pendant seize ans. Le creusois deviendra lettreur, à la plume ou au pinceau, pour les nouveautés, les traductions ou encore le relookage d’anciens albums. C’est lui qui écrira les dialogues dans les bulles, il y mettra sa patte, et fera même évoluer légèrement les caractères. Bref, il y a un peu de Michel Janvier dans les Asterix d’Uderzo. "Uderzo considérait vraiment le travail du lettreur comme partie intégrante de la signature de la bande dessinée. Il disait que les lettres devaient danser, en rapport avec le dessin
Les deux dessinateurs ont entretenu une relation régulière, tant professionnelle qu’amicale. Entre Paris et la Creuse.
"Je faisais les allers-retours de chez moi à Paris. Tout était ultra secret, on sortait les crayonnés du coffre-fort, on échangeait avec Uderzo, je repartais avec les planches dans le train et avec un contrat plein de closes pour garder un silence absolu avec interdiction de faire venir quelqu’un dans mon atelier. Il fallait garder le projet secret jusqu’à la dernière seconde".
Ils continuent à se voir aussi lors de rassemblements automobiles, "il venait très souvent en Creuse, notamment avec le Club Ferrari auquel il adhérait. Il aimait beaucoup la région".
Physiquement, il avait les yeux d’Obelix … des petits yeux un peu en retrait, légèrement fermés, qui filtraient toujours tout
Et quand on demande à Michel Janvier à quoi ressemblait Uderzo, c’est avec de l’émotion dans la voix qu’il le décrit :
"Il était réservé, mais une fois qu’il vous avait accordé sa confiance, c’était pour la vie. Il était très fidèle. Et humble. Il n’a jamais oublié d’où il venait, lui qui était issu d’un milieu modeste. Et il était très respectueux de ses collaborateurs et confrères, il avait un grand sens de la défense des auteurs".
Physiquement, il avait les yeux d’Obelix … des petits yeux un peu en retrait, légèrement fermés, qui filtraient toujours tout
Michel Janvier travaille actuellement sur des portraits de pilotes, et des biographies de pilotes en BD. Son prochain titre sera consacré à François Cevert.