Prendre soin de soi pour être capable d’aider les autres, ce pourrait être le mantra des stagiaires accueillis par le Pôle Culture Santé de Nouvelle-Aquitaine au Moutier-d’Ahun en Creuse, à la Métive.
Ce projet expérimental baptisé "Take care" ou "prendre soin de ceux qui prennent soin des autres", en français, a été conçu pour accompagner les personnels soignants et ceux que l’on appelle aujourd’hui pudiquement les aidants.
11 200 aidants familiaux et professionnels en Limousin
Les chiffres disent à quel point le sujet concerne énormément de Français. Selon une étude publiée en 2023, 9,3 millions d'hommes et de femmes déclarent apporter une aide régulière à un proche en situation de handicap ou de perte d’autonomie. 9% de la population française dit apporter une aide à la vie quotidienne à un proche, tandis que 10 % déclarent apporter un soutien moral. Chez les 55-65 ans, c'est même un Français sur quatre qui se déclare aidant. Et dans 56 % des cas, les aidants sont des femmes. Une réalité loin d’épargner l’ex-région Limousin.
En Corrèze, on estime que 6,6 % de la population reçoit une aide d’une personne de son entourage. En Haute-Vienne, la proportion grimpe à 9,2 %, et enfin, c'est en Creuse que la part des personnes aidées par un proche est la plus importante. Elle est de 10,3 %. Cela représente, selon l’étude, 11 200 personnes.
S’épuiser sans parfois s’en rendre compte
Au chevet des malades, d’un proche hospitalisé à domicile, d’un parent ou d’un patient en fin de vie, les aidants sont présents au quotidien, jusqu’à s’épuiser, sans parfois s’en rendre compte. Des situations qui peuvent conduire jusqu’au burn-out. Afin de prévenir ses risques, ou tenter de limiter les souffrances physiques et psychiques de ceux qui s’occupent des autres, le Pôle Culture Santé de Nouvelle Aquitaine propose un stage de six jours à la Métive en Creuse. Le temps de souffler, mais surtout d’apprendre à écouter ses émotions. Pas si simple en réalité. Les stagiaires sont donc accompagnés pour y parvenir.
"On est plutôt dans le 'observer". Observer comment ça se passe pour moi et avoir cette capacité aussi dans des moments plus inconfortables d’avoir des outils d’observation pour dire : qu’est-ce qui se passe là ? Comment je suis ? Est-ce que mon cœur bat super fort ? Ça veut dire que je suis dans tel état nerveux, de pouvoir alors juste observer, c’est déjà un énorme travail ", explique Katia Petrowick, éducatrice somatique.
Apprendre à évacuer ses émotions
Des exercices de relaxation donnent la possibilité aux participants, dont beaucoup issus du milieu médical, de trouver des clés, pour mieux appréhender les difficultés qu’elles rencontrent au quotidien.
" En tant que soignants, on prend soin des autres, mais souvent, on s’oublie. Donc en fait, on prend le problème des autres, et ça s’enchaîne avec nos problèmes personnels. Des fois ce n’est pas mal d’apprendre à évacuer. J’ai fait déjà deux jours (de stage NDLR) et j’ai commencé à pouvoir évacuer certaines émotions".
Ce type de stage encore trop rare est amené à se développer. Selon l’Institut de veille sanitaire, 34 % des salariés en France ont déjà été en situation de souffrance psychologique au travail. De plus, on sait que la question des aidants prend de l’ampleur avec le vieillissement de la population.
Et le gouvernement tente de répondre aux besoins des aidants. Un certain nombre de structures et de dispositifs sont déjà en place, mais comme ce n’est pas suffisant, des mesures ont été annoncées par le gouvernement à l’automne dernier.
Création annoncée de 6 000 places de répit
On connaît le poids moral et matériel de ce rôle, alors comment aider les aidants ? Comme la création de 6000 places de répit supplémentaires d'ici à 2027 pour les personnes handicapées ou en perte d’autonomie qui pourraient permettre aux aidants de souffler le temps d’une journée, d’un week-end ou d’une semaine.
Une charte d’engagement a aussi été signée par de grandes entreprises françaises (Axa, Hermès, Accor, JC Decaux, Bouygues) pour mieux accompagner leurs salariés aidants. Et enfin, l’exécutif veut également donner naissance à un service public départemental d’autonomie, sorte de guichet unique pour faciliter les démarches des aidants.