Lors d’une conférence de presse à Paris les associations d’ex-mineurs Réunionnais transplantés en métropole ont dénoncé l’inaction du gouvernement à leur encontre.
Ils veulent aussi que leur cas serve d’exemple.
Un sentiment d’oubli et d’enlisement. C’est ce que ressentent depuis quelques mois les ex-enfants Réunionnais enlevés à leurs parents pour être envoyés en Métropole sans billet de retour entre 1963 et 1982, essentiellement dans des foyers ou des familles de la Creuse.
Ce matin 14 novembre 2019 à Paris ils ont souhaité relancer leur combat devant la presse : un combat moins judiciaire et plus politique qui pourrait servir d’exemple aux autres enfants qui ont subi des traumatismes similaires aux leurs, ailleurs en France ou dans le monde.
Pour cela ils demandent au Gouvernement de prendre enfin en compte leurs revendications dont certaines étaient déjà mentionnées dans le rapport d’experts indépendants qui avait rendu ses conclusions il y a un an et demi.
Pas de nouvelles du Gouvernement depuis un an et demi
Un an et depuis plus rien ou presque. La lettre d’Emmanuel Macron qui reconnaissait la « faute » de l’´Etat français et enjoignait l’administration à aider les ex-mineurs Réunionnais dans leurs démarches de recherche et de résilience n’a été suivie d’aucun effet concret.
Aujourd’hui les enfants transplantés devenus adultes demandent que l’Etat leur facilite la tâche et leur apporte un soutien concret.
Leur nouvelle avocate, Me Elisabeth Rabesandratana, souhaite qu’un « centre de ressources » soit créé autour de l’histoire des « Réunionnais de la Creuse ».
Un centre de ressources créé autour de l'histoire des Réunionnais transplantés
L’organisme pourrait servir de lieu pour centraliser toutes les demandes des ex-enfants Réunionnais en quête d’aide juridique, administrative ou psychologique.
Il pourrait aussi servir de base pour étudier et élaborer une nouvelle doctrine dans le traitement social et juridique des questions liées à l’enfance, tant au niveau national qu’international.
Car d’autres pays comme l’Angleterre, les États-Unis, la Belgique ou la Suisse ont eu à gérer des expériences similaires.
La plupart ont fait des excuses aux ex-enfants victimes. En Suisse, un fonds fédéral de 300 millions d’€ a été débloqué pour indemniser des milliers d’enfants enlevés à leurs parents dans des familles pauvres.
300 millions d'euros pour indemniser les enfants de familles pauvres enlevés à leurs parents en Suisse
Pour Me Rabesandratana les histoires individuelles des deux-mille Réunionnais arrachés à leur île est "une Histoire universelle" et doivent aujourd’hui servir d’exemple pour que de tels drames ne se renouvèlent pas, que de nouveaux enfants ne souffrent pas pour les mêmes raisons.
Même analyse pour Marion Feldman, professeure de psycho-pathologie à l’Université de Paris Nanterre et spécialiste des traumatismes infantiles.
Après avoir beaucoup travaillé sur les enfants victimes de la Shoah, Marion Feldman estime que les violences subies par les enfants Réunionnais sont à l’origine de multiples troubles qui les ont empêchés de construire sereinement une personnalité d’adulte.
Selon elle, ces troubles persistent et se reproduisent à chacune des étapes importantes de leur vie.
Plus grave encore : ces traumatismes se transmettent maintenant à leurs proches et à leurs propres enfants, tel un poison qui franchit insidieusement les générations.
Des traumatismes graves dans l'enfance et des symptômes qui persistent à l'âge adulte
Et quand ils parviennent à revenir sur leur île natale pour tenter de retrouver leur famille perdue, les retrouvailles sont toujours difficiles, un nouveau choc psychologique, tant pour eux que pour la famille restée à la Réunion.
Des dizaines d'années après les faits, l'accompagnement psychologique des victimes de l'exil forcé est donc une priorité.
A l'issue de leur conférence de presse, les associations de "Réunionnais de la Creuse" ont appris qu'ils seraient reçus au ministère des Outre-Mers le 26 novembre prochain.
Le reportage sur la conférence de presse :
L'interview intégrale de la Professeure Marion Feldman :