Jean-Yves Labat de Rossi raconte, dans un livre son incroyable histoire : comment il est parti pour l'Ouganda, afin de rencontrer son sanguinaire chef d'Etat et de l'enregistrer à l'accordéon. "Rock me Amin", est le premier livre de ce musicien désormais installé dans la Creuse.
Jean-Yves Labat de Rossi se qualifie de "gros minou". "J’ai eu plusieurs vies comme un chat", dit-il. Son histoire ressemble effectivement à une fiction. Ce n'est pas pour rien que, de l’une de ses aventures, il a tiré un livre. Son premier, surréaliste, comme le reste de sa vie.
Rock me Amin raconte son départ pour l’Ouganda, dans les années soixante-dix, alors que le célèbre et médiatique dictateur Amin Dada sévit. C’est en Creuse, chez lui, depuis 1996, au prieuré de Saint-Avit-de Tardes, qu’il écrit.
Aller simple pour l’Ouganda
L’histoire commence en mars 1977. Jean-Yves Labat de Rossi, appelé Mister Frog, vit à Woodstock dans l'Etat de New-York. Ce joueur de synthé côtoie les légendes du rock-and-roll. Son producteur n’est autre que celui de Janis Joplin, Bob Dylan, The Band, Utopia… il s’agit d’Albert Grossman. Mais après une dispute, Jean-Yves Labat de Rossi se fait virer. Boycotté par le "spin doctor", sans économie, il doit retrouver un contrat. Il rencontre alors le directeur artistique Peter Horwath, qui a une idée particulièrement originale. Le sanguinaire Amin Dada ou Idi Amin, avait pour habitude de jouer de l’accordéon. Peter Horvath se dit, aussi risqué soit-il, que tenter de l’enregistrer serait une bonne idée.
Tu l’enregistres, tu me le mets sur Little Drummer Boy et là, on le tient notre putain de hit, on fait un tabac, tu tires la queue du Mickey et tu ramasses la mise !
Extrait du livre "Rock me Amin" de Jean-Yves Labat de Rossi
Un pari fou que le musicien accepte, sans idée de ce qu’il va endurer. "J’étais musicien, je ne vois pas en quoi il aurait pu m’en vouloir. Planète Woodstock était assez loin de notre planète et de la planète Amin. Je savais que c’était risqué, mais le jeu en valait la chandelle" raconte Jean-Yves Labat de Rossi, auteur de Rock me Amin.
À la clé : 250 000 dollars. Assez pour le motiver à partir, direction Kampala pour essayer d’approcher le despote. "Je trouve en Ouganda un fan de synthé. Il me propose de me planquer sous une couvrante et de me faire passer, avec la valise, dans le palais d’Amin. Donc, je me suis planqué avec le synthé et j’ai tenté le coup", relate l'écrivain
"J'ai du mal à soutenir son regard"
Une fois dans le palais, après avoir fait la connaissance du bras droit d’Amin Dada, l’inquiétant Bob Astles, ancien soldat britannique surnommé le rat blanc, il rencontre le sanguinaire chef d'Etat. "J’ai du mal à soutenir le regard hostile du maréchal, qui m’atomise du haut de son mètre quatre-vingt-dix-huit", se souvient Jean-Yves Labat de Rossi dans ses écrits.
Bien au-delà de ce que le film de Barbet Schroeder pouvait laisser paraitre, ce colosse dégage dans la réalité, une bestialité impressionnante, la trouille, c’est physique.
Extrait du livre "Rock me Amin" de Jean-Yves Labat de Rossi
Revivre une époque sex, drug and rock and roll
Rock me Amin, c’est d’abord un récit autobiographique. "Rien n’est inventé. En ouvrant les tiroirs mémoires, tout m’est revenu", assure le musicien écrivain.
Les choses agréables me sont revenues et ça coulait de source. Les choses désagréables m’ont valu encore quelques cauchemars.
Jean-Yves Labat de Rossi
Un récit tragicomique, qui se rapproche du polar. Jean-Yves Labat de Rossi ne se considère pas comme un écrivain. Il écrit comme ça lui vient, sans plan, sans chapitre, au présent, avec le parler de l’époque et ses expressions. Une écriture crue, imagée, gourmande, qui groove comme une mélodie. "La seule chose que je tenais à garder, c’est le rythme. On ne peut pas faire de rock and roll sans rythme. On ne peut pas rocker Amin sans rythme non plus."
Mais Rock me Amin, c’est aussi un plongeon dans une époque, sans interdit, celle du jouir sans entrave. Une époque jubilatoire, anticonformiste, révolutionnaire où l’alcool, la drogue, la vitesse, la drague et le sexe sont les maîtres mots. "A 21h ponctuelle, cintrée dans un blazer de flanelle bleu, chemisier blanc, corseté d’une large ceinture en daim, chaussée d’escarpins et minijupée au ras du cul, Bonnie, avec cette assurance propre aux femmes qui ne trichent pas avec leur corps, fait son entrée au Bear restaurant. Tous les regards cortègent cette comète qui les nichonne sur son passage […]." Il a fallu trois ans à ce jeune écrivain de 76 ans pour remonter le fil de ses souvenirs.
Un prochain livre
En Ouganda, Mister Frog finira dans un lieu où l’on ne revient normalement pas : la prison de Nakasero. Mais, ses aventures ne s’arrêtent pas aux geôles ougandaises. Entre 1993 et 1994, sa vie le conduit aussi sous les bombes pendant le siège de la ville de Sarajevo. Encore une aventure dont il envisage de faire un prochain livre.