"Je suis libre et ça n'a pas de prix !" Roxana quitte l'hôtellerie à Saint-Tropez pour l'élevage de chèvres en Creuse

Les reconversions sont fréquemment le fait de femmes entre 30 et 40 ans. Elles nécessitent une bonne dose de courage pour se lancer et affronter tous les aspects d'un changement de vie radical, Roxana, originaire de Roumanie, en est le bon exemple. Elle a quitté un métier dans l'hôtellerie pour se lancer dans l'élevage de chèvres et brebis en Creuse.

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Elle a 24 ans, jeune étudiante en langue française, Roxana Cioclu arrive à Paris en provenance de Roumanie. Son premier projet, c'est de poursuivre un cursus littéraire. Pour financer ses études, elle commence à travailler dans l'hôtellerie. À Paris d'abord, puis les contrats s'enchaînent. Les saisons la conduisent sur la côte d'Azur dans un hôtel de Saint-Tropez. 

Un petit pécule s'accumule et bientôt l'orée de la trentaine, Roxana cherche un endroit où poser ses valises. Recherche qui va la conduire en Limousin près d'Eymoutiers. 

"Je cherchais quelque chose à louer pour poser mes affaires et faire une pause entre deux saisons. J'ai vu que l'immobilier n'était vraiment pas cher dans la région et que ça me reviendrait moins cher que de louer en ville".

Roxana se plait bien et sympathise avec un curé membre de l'association Terre de liens. C'est lui qui l’initie à l'élevage. "J'adore les animaux et cette rencontre a suscité un déclic". 

Une première petite étincelle s'est allumée dans son esprit. L'idée d'en faire son métier, elle la doit à la Covid. Mars 2020, avec le premier confinement, toute l'industrie hôtelière est mise à l'arrêt. Il faut faire autre chose.

"Je commençais à en avoir assez. C'était trop de contraintes de travailler en horaires décalés à 21h, à minuit, à 6h. C'était beaucoup de fatigue".

Reconversion radicale

Roxana se replie donc dans sa maison en Limousin et, via Pôle emploi, trouve une formation au CFA de Saint-Yrieix-la-Perche. C'est décidé, elle va se lancer dans l'élevage de chèvres mohair.

Là-bas, son projet étonne. René Faucher, le directeur, le cite d'ailleurs assez spontanément en exemple. "C'est typiquement l'installation agricole originale. Quand on vous la présente, vous vous dites que ça ne va jamais marcher, mais en fait si".

Un étonnement partagé par sa famille. "Mes parents ont été choqués. Il ne faut pas remonter très loin dans ma famille pour trouver des agriculteurs. La génération de mes grands-parents travaillait la terre. Et en Roumanie, c'était très difficile. Mes parents avaient ça en tête. Mais depuis ils me soutiennent, surtout quand ils ont vu qu'il y avait beaucoup d'aides de la PAC. Près de 80 % de l'installation est financée pour le type de petite structure que j'ai lancée"

Au CFA, les journées sont bien occupées. "Je me suis adaptée très vite à cette nouvelle vie. C'est une seconde nature chez moi. J'ai quitté mon pays, j'ai beaucoup voyagé. J'ai des prédispositions".

Roxana complète sa formation par des stages, notamment à Tulle chez un éleveur de chèvres mohair. Aucun problème pour s'implanter dans ce milieu qui peut être très masculin. "En formation et en stage, nous étions 50/50 entre femmes et hommes. L'élevage de chèvres mohair attire beaucoup de femmes et de couples". 

En juillet 2021, elle a son diplôme en poche. Elle trouve ensuite des terres à exploiter à Saint-Fiel tout près de Guéret. 27 hectares à acheter, 12 sont loués. Le dossier est déposé à la SAFER en septembre et l'acquisition validée en décembre sans créer de remous dans le voisinage.

"J'ai été très bien accueillie. Tout s'est bien passé avec la DDT et la chambre d'agriculture. Les autres éleveurs de chèvres mohair ailleurs en France m'avaient pourtant mise en garde. Ce type de projet est souvent considéré comme un peu perché. Mais là, au contraire, on m'a prise au sérieux. On m'a expliqué que beaucoup de petits élevages voyaient le jour en Creuse, les institutions sont habituées". 

Des terres, ok, mais restaient ensuite le troupeau. "J'ai acheté 12 chèvres par ci par là. Mais l'essentiel de mon troupeau, j'ai fini par le trouver dans les Alpes. C'était très difficile, car c'est un élevage très confidentiel". 

Recréer des racines

Pour le moment, les conditions de vie sont spartiates. Roxana vit seule dans une caravane près de ses bêtes. Elle doit faire face aux premières galères d'une jeune installée. "Je découvre les caractéristiques du terrain. Jusqu'à présent, il n'y avait pas de chèvres. Certaines ont attrapé des parasites. J'ai perdu deux bêtes. C'est une source d'angoisse, car au début, on se demande ce qui ne va pas. Des analyses doivent révéler quels sont les parasites pour que je puisse ensuite traiter le troupeau. Je suis quand même contente parce que j'ai eu quatre bébés cet hiver et tout s'est bien passé". 

Comment se sociabiliser dans ce département qu'elle ne connaissait pas ? Via la curiosité des voisins et les services échangés. "Les voisins ont été très surpris de me voir arriver là avec mes chèvres. Nous avons sympathisé. Ils m'aident pour les foins". 

Roxana est actuellement en pleine période de tonte. La deuxième depuis son installation. La laine récupérée est envoyée à Castres à la coopérative avec laquelle travaillent tous les éleveurs en France. Après six mois de transformation, nettoyage, cardage, filage, teinture… elle va lui revenir. Elle pourra alors vendre ses produits dans sa boutique en vente directe qui va bientôt sortir de terre. Elle vient également d'obtenir un permis de construire pour une maisonnette et une stabulation. 

Avec un peu de recul, Roxana est ravie de son changement de vie. 

"À 36 ans, Je suis libre, j'ai plus de flexibilité dans ma vie et ça n'a pas de prix !"

 

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