Les orages de grêle du 4 et 5 juin 2022 ont braqué les projecteurs sur les pertes des agriculteurs creusois. Au-delà de cet événement ponctuel, la situation est structurellement de plus en plus dramatique. Sécheresse, canicules et augmentation des prix des matières premières menacent la pérennité du modèle agricole.
Florian Battu élève 130 mères vaches sur 200 hectares à Saint-Médard-la-Rochette en Creuse. Nous le surprenons en plein fanage, c'est-à-dire qu'il passe une machine pour faire sécher le foin qu'il vient de couper. Le verdict est sans appel : le rendement est très mauvais en cette année 2022.
"C'est la moitié par rapport à l'année dernière, du fait du manque d'eau surtout. Il n'y aura pas assez de fourrage cette année pour nourrir les bêtes cet hiver. Il faudra sûrement acheter du fourrage".
Il n'a pas assez plu en Creuse cet hiver. Le mois de mai a été catastrophique. Pas de pluie et fortes chaleurs précoces. Les cultures s'en ressentent donc durement.
"La sécheresse a aussi été conjuguée avec un froid qu'on n'avait jamais connu en avril. Les plantes ne se sont pas développées, elles ont eu soif. On est en train de faire des rendements catastrophiques en herbe. Globalement, on est à un tiers de rendement par rapport à une année classique avec des agriculteurs qui commencent à donner du foin à leur vache dehors parce qu'elles n'ont plus rien à manger", explique Christian Arvis, président de la FDSEA.
La goutte d'eau qui fait déborder le vase, car à cette situation locale vient s'ajouter à un contexte national et international très tendu. Le coût des matières premières a explosé. Et il y a des manques criants. Plus de paille, plus de céréales, plus de maïs, plus de foin. Le grain vaut 400 euros tonnes au lieu de 200 avant la guerre en Ukraine. Une rareté du produit cette année qui va rendre la situation encore plus compliquée.
Les céréales, quand les agriculteurs arrivent à en trouver, sont de mauvaise qualité. Les graines semées ne germent pas toutes. Les rangs sont anormalement clairsemés.
Un cercle vicieux menace. Les éleveurs qui ne pourront plus nourrir leurs bêtes vont les vendre, causant un effondrement du marché alors qu'il avait repris quelques couleurs ces derniers mois.
"On sait qu'il faudrait produire plus, car avec la guerre, on risque une pénurie alimentaire. Il faut que l'Etat mette des moyens dans l'agriculture, ça doit être une priorité. Il ne faudrait pas qu'on se réveille dans quelques années et que ça fasse comme pour les masques, le jour où on en a besoin, on se rend compte que tout est produit en Chine", plaide Pascal Lerousseau, président de la Chambre d’agriculture.
Il va falloir trouver des cultures plus printanières et plus précoces pour ramasser beaucoup de stock de fourrage au début du printemps. Une mue que certains agriculteurs sont déjà en train de mettre en œuvre.