Claude Tostain est un homme inquiet. A 60 ans ce Deux-Sévrien attend depuis de longs mois une place en maison de retraite spécialisée. Comme lui, de nombreuses personnes handicapées vieillissantes s'inquiètent pour leur avenir, faute de places dans des structures adaptées à leurs besoins.
Le vieillissement est souvent une source d'angoisse supplémentaire pour les handicapés. A Melle, Claude Tostain travaille depuis 15 ans dans un Esat (établissement et service d'aide par le travail), où il fait du conditionnement. Cet ancien ouvrier agricole atteint d'une déficience intellectuelle bénéficie d'une place dans un foyer d'hébergement géré par la même association, l'Adapei 79.Aujourd'hui Claude ne réalise qu'un mi-temps car il a "trop mal au dos" pour soulever des cartons. Il aimerait bien cesser de travailler "dès maintenant" et aller rejoindre d'anciens collègues à la maison de retraite. Trois autres résidents vieillissants, sur un total de 51, sont dans le même cas du fait du manque de places en maison de retraite, selon la directrice du foyer. En raison de leur fatigue, leurs activités professionnelles ont été allégées.
L'Unapei, fédération de plus de 500 associations représentant les personnes handicapées mentales et leurs familles, réclame depuis des années une réponse des pouvoirs publics face à une situation qui ne fait selon elle qu'empirer. La fédération a recensé dans son réseau "35.000 personnes de plus de 45 ans sans solution adaptée". Il y a celles qui restent en Esat, celles qui retournent chez leurs parents eux-mêmes âgés, ou dont la responsabilité incombe à leurs frères et soeurs. Il y a encore celles qui, à 60 ans, n'ont plus suffisamment d'accompagnement pour vivre à domicile et se retrouvent en Ehpad (établissements pour personnes âgées dépendantes), où la cohabitation avec des octogénaires ou des nonagénaires, souvent atteints d'Alzheimer, peut être difficile.
Ruptures de parcours
Grâce aux progrès de la médecine et des moyens d'accompagnement spécialisé, l'espérance de vie des handicapés a augmenté. Une personne trisomique par exemple peut aujourd'hui dépasser les 60 ans, alors qu'elle ne pouvait espérer vivre plus de 30 ans dans les années 70. "Les personnes handicapées et leurs familles vivent avec beaucoup d'anxiété le vieillissement", souligne Patrick Gohet, adjoint au Défenseur des droits. Cet ancien directeur général de l'Unapei se souvient du nombre de parents qui lui disaient : "on préférerait que notre enfant quitte ce monde avant nous pour être sûrs qu'après notre décès, il n'y aura pas de problème".S'il n'a pas été anticipé, le vieillissement peut conduire à des ruptures dans le parcours de vie, et des réorientations brutales. Il existe sur le terrain "toute une panoplie de réponses", observe Patrick Gohet, relevant que "le plus grand nombre veut vieillir à domicile" et doit donc bénéficier d'un accompagnement adapté. "L'une des solutions d'avenir", estime-t-il, ce sont les "structures accueillant à la fois les personnes handicapées vieillissantes, et leurs parents âgés", comme il en existe par exemple en Vendée et dans le Nord.