Dans les Deux-Sèvres, Pierre Claude est un aviateur amateur âgé de 83 ans. Il doit faire face à la pression des promoteurs d'éoliennes, car sa piste d'atterrissage privée empêche toutes nouvelles constructions d'aérogénérateurs.
Pierre Claude est un pilote deux-sévrien pas comme les autres. À 83 ans, il fait plus de 70 sorties dans le ciel chaque année avec son Jodel D119. Installé dans la commune de Celles-sur-Belle, il possède son propre aérodrome en face de chez lui : un hangar pour son avion, ainsi qu'une piste de 538 mètres.
Un aérodrome convoité
Depuis plusieurs années, son terrain est très convoité par des promoteurs éoliens. "Récemment, les représentants de Volkswind (exploitant de parcs éoliens, ndlr), sont venus de manière courtoise en me disant : "à 83 ans, vous n'allez pas voler longtemps encore, vous allez vous arrêter, parce que sinon, nous après, on peut acheter votre piste". Mais, il n’est pas question qu’ils puissent acheter la piste, je ne veux pas la vendre", rétorque Pierre Claude.
Hors de question donc pour le retraité de céder aux pressions, tout en sachant qu'il y en a déjà 14 autour de chez lui. Alors pour résister, il s’appuie sur les nouvelles règles de l’aviation civile. "La réglementation demande que les éoliennes soient à plus de 5 km des pistes d’aérodrome", explique le pilote. "Leur projet est d’implanter des éoliennes tout près et presque dans l’axe de la piste. La véritable solution pour eux, c’est d’enlever le terrain d’aviation".
Des conditions climatiques très favorables à l'implantation d'éoliennes
Face au refus catégorique de Claude Pierre, le promoteur éolien à souhaiter échanger avec son fils, qui habite Bordeaux, en espérant obtenir son accord. En vain. "Ils sont partis voir mon fils. Ils souhaitaient même acheter la propriété tout entière, quel qu'en soit le prix", raconte Claude Pierre, ancien commandant de pompiers. "Je ne suis pas d’accord, on n’est pas à vendre, ce n’est pas possible. D’après mon fils, ils étaient prêts à acheter quatre à cinq fois la valeur de la propriété. C’est de la folie".
Leur projet, c’est de construire des éoliennes pas loin de là où j’habite. C’est là où il y a le plus de vents, c'est génial pour eux.
Claude PierrePilote âgé de 83 ans
Il faut dire que les conditions climatiques sont très favorables en Poitou-Charentes pour utiliser le vent comme source d’énergie. La force du vent et sa régularité font de la région un point stratégique majeur à l'implantation d'éoliennes. 85 % des 702 mats dans la région Nouvelle-Aquitaine se trouvent dans les Deux-Sèvres, la Vienne, la Charente et la Charente-Maritime. Selon les chiffres de la DREAL (Direction régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement) et le gestionnaire de réseaux d’électricité en Nouvelle-Aquitaine, 196 éoliennes sont implantées dans les Deux-Sèvres.
Désormais, la seule solution qui se présente aujourd’hui pour les investisseurs est de faire disparaître la piste. "Leur projet, c’est de construire des éoliennes pas loin de là où j’habite. C’est là où il y a le plus de vents, c'est génial pour eux. Je n’ai rien contre les éoliennes, mais on ne prend pas la propriété de quelqu’un pour s’installer comme cela. Aujourd’hui, je n’aspire qu’à une seule chose avec mon épouse, c’est que l’on nous fiche la paix !", s'exclame Pierre Claude.
La commune, le voisinage et sa famille le soutiennent
La piste de 538 mètres devant sa maison, c’est pour atterrir et décoller à sa guise. Et le retraité peut compter sur le soutien de la maire du village. "On a déjà une saturation au niveau du paysage avec tous les mats qu’il y a autour de nous. Une production au plus près des besoins serait plus intelligente, au lieu de faire de la production intense, ici, alors que l’on n'a pas forcément de gros besoins", estime Sylvie Brunet, maire de Celle-sur-Belle.
Un avis partagé par l'un de ses voisins, Alexis Lorioux. Arrivé avec sa famille en 2019, il "préfère garder la piste de monsieur Pierre. Quand on est arrivé et que l’on a fait construire, on se posait quelques questions, notamment au niveau des nuisances. En fin de compte, c’est plus un charme qu’une contrainte. Quand on voit bien le nombre d’éoliennes qu’il y a autour, je pense que l’on est assez fourni dans le secteur".
Claude Pierre est loin d'avoir fait son dernier tour de piste et cas où, son fils se dit prêt à assurer la relève, même s’il ne sait pas piloter. Contacté, le promoteur éolien Volkswind n'a pas donné suite à nos sollicitations.