La question se pose tant pour les restaurateurs que pour les producteurs ou les revendeurs. La grippe aviaire continue de faire chuter la production de foie gras de manière significative, et le repeuplement pourrait être compliqué.
Selon l'interprofession de la filière foie gras, le "raz-de-marée" de la grippe aviaire H5N1 va occasionner une baisse significative de l'offre de foie gras en 2022. Et ce, alors que les chiffres sont déjà en baisse depuis 2015. L'an dernier, la France a produit 11.674 tonnes de foie gras, contre 16.764 tonnes l'année précédente. En 2014, la production française atteignait 26.600 tonnes.
Le tsunami aviaire
Lors d'une conférence de presse à Paris le 16 mars dernier, Éric Dumas, président du Comité Interprofessionnel des Palmipèdes à Foie Gras (CIFOG) n'a pas caché sa crainte face au déferlement du virus dans les élevages : «-C’est un tsunami, un raz-de-marée. Nous traversons l'une des plus graves crises de notre histoire ».
La maladie a touché les deux principaux bassins de production français de foie gras, faisant craindre d'importantes répercussions sur le marché. Déjà 10 millions de canards et autres volailles ont été abattus pour tenter d'endiguer le virus.
Les Pays de la Loire touchés pour la première fois
L'épidémie a pris une ampleur particulière cette année, débordant du Sud-Ouest vers l'ouest des Pays de la Loire, la deuxième région française productrice de volailles (derrière la Bretagne) qui avait été jusque-là épargnée.
Or si le Sud-Ouest produit 40% du Foie Gras français, le bassin des Pays de la Loire vient immédiatement après avec 20 %. Cette région abrite surtout 72 % de la production de canetons à foie gras et de nombreux élevages de reproducteurs indispensables à la reprise de la production après les abattages.
L'emblématique canard du Périgord
En Périgord, le foie gras en plus d'une question économique est aussi une question d'image. Emblématiques, les volailles grasses, l'oie et le canard IGP du Périgord, représentent tout de même plus de 10% de la production agricole de Dordogne. Une filière qui s'est développée depuis la reconnaissance de l'Indication Géographique Protégée du Canard à Foie Gras du Périgord en 2000.
700 des 6 000 agriculteurs de Dordogne en vivent, et aux 2/3 ils pratiquent la vente directe. On produit ici 3 Millions de canards gras et 60 000 oies chaque année, pour un chiffre d'affaire de 60 Millions d'€uros.
De sinistre mémoire
La crise d'aujourd'hui ravive les mauvais souvenirs de 2016, lorsque le département avait été le premier touché en France. En 6 ans, les producteurs locaux ont revu les modèles de production pour lutter contre la maladie et constatent que, sans y avoir échappé, leur département a mieux résisté dans les premiers temps à la nouvelle vague. Un lien sans doute aussi avec un élevage plus traditionnel et clairsemé, des élevages de taille raisonnable, et un paysage aux reliefs plus accentués qu'ailleurs qui font "barrière" à la propagation du virus.
Crise à répétition
Cette crise surtout est surtout usante par ses répétitions. Il s'agit de la quatrième épidémie dans le Sud-Ouest depuis 2015. Alors même que l'épizootie est encore en cours et qu'il est impossible de quantifier son impact, la filière prévoit déjà une réduction significative des volumes de foie gras. La pénurie est d'autant plus envisageable que l'an dernier l'épidémie avait déjà forcé à puiser dans les stocks de conserves.
Au-delà du risque de manque pour le consommateur, c'est aussi l'emploi qui bat de l'aile. Les usines calibrées pour traiter 40 M de canards gras chaque année n'en ont reçu qu'un peu plus de la moitié l'an dernier. Et les chiffres ne devraient pas être meilleurs pour 2022. Le tout dans un contexte où les coûts de production continuent d'augmenter, une hausse que ne répercute pas la grande distribution.
Alléger le modèle industriel
Tirant peu à peu les leçons du passé, la filière a déjà décidé l'an dernier de "confiner" plus sévèrement les volailles et de limiter les concentrations d'élevage. Cette année elle pourrait décider de vider certains bâtiments en cas d'alerte, dans ces communes où l'élevage est concentré. Des mesures qui ressemblent à ce que pratique déjà le Périgord, pour évoluer vers un modèle d'élevage moins industriel et concentré, une mesure de bon sens, semble-t-il.