Leur lettre ouverte adressée aujourd'hui au Ministre de l'Éducation Nationale exprime tout haut le désarroi que beaucoup d'enseignants éprouvent silencieusement. Au cœur de la tourmente, ils se sentent "lâchés" par leur ministère, auquel ils reprochent une gestion de crise calamiteuse

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Nous sommes abandonnés face à l’obscurantisme et au terrorisme, et méprisés à travers la "gestion" de la pandémie.  

Collectif des enseignants de Laure Gatet

Le ton de la lettre ouverte adressée aujourd'hui au Ministre de l'Éducation Nationale par le collectif des 117 enseignants du Lycée Laure Gatet de Périgueux reflète exactement le malaise qui envahit une grande partie du corps enseignant. À Périgueux, ils ont rédigé cette lettre en commun, indépendamment des syndicats, signe que le ressenti touche chacun, hors des clivages habituels.

Un hommage à Samuel Paty "expédié, tronqué et vidé de son sens"

Les enseignants ont été atteints de plein fouet par le meurtre de leur collègue. Ils avaient besoin d'un signe fort du gouvernement pour se sentir soutenus dans leur combat pour l'enseignement laïque. Selon eux, le manque de cohérence et de fermeté dans le discours du gouvernement "pour éviter de faire de vagues" et l'hommage "à minima" rendu à Samuel Paty sous couvert de pandémie les décrédibilise complètement.
 

On ne nous a même pas demandé de mettre les drapeaux en berne lors des cérémonies ! On a du prendre l'initiative de nous-même.

Un enseignant de Laure Gatet

Un système de prévention et de signalement inopérant ?

Pire, les enseignants se sentent désormais démunis et en danger face aux élèves les plus réticents à la laïcité. Illustration : certains élèves ont perturbé la minute de silence observée en hommage à Samuel Paty, ce qui leur a valu une exclusion immédiate de l'établissement pendant trois jours. En théorie, une cellule académique Valeurs de la République présente dans chaque rectorat doit recenser ce type d'atteintes au principe de laïcité et proposer une réponse adéquate. Sauf que cette cellule n'était tout simplement pas joignable ce jour-là.


Une gestion de l'épidémie "comptable" qui met les élèves en danger

Cantines surchargées, classes non dédoublées, exigences sanitaires et distanciation impossibles : en faisant cours les enseignants ont la sensation de se mettre, et de mettre leurs élèves en danger. À Laure Gatet, sur les 22 agents d'entretien habituels, il n'en reste que 7. Les autres sont en arrêt, certains ont peut-être le Covid. Impossible dans ces conditions de désinfecter les salles comme il serait nécessaire.
L'établissement compte 1350 élèves. Selon un professeur, une cinquantaine de parents auraient déjà fait établir des cerficats médicaux de complaisance pour éviter que leur enfant ne fréquente l'établissement pendant cette période.

 
L'intégralité de la lettre transmise au ministère par voie hiérarchique
LETTRE OUVERTE A MONSIEUR LE MINISTRE DE L’EDUCATION NATIONALE

Périgueux, le 3 novembre 2020                                

Nous, enseignants de la cité scolaire Laure Gatet à Périgueux, exprimons notre colère, notre incompréhension et notre exaspération à l'égard de la gestion des différentes crises qui affectent l’école : nous sommes abandonnés face à l’obscurantisme et au terrorisme, et méprisés au travers de la "gestion" de la pandémie.  

Vous avez ordonné un hommage a minima en catimini à notre collègue Samuel Paty.
Nous vous accusons d'avoir, sous couvert d'une situation sanitaire dont le «nouveau» protocole impose de ne pas se regrouper et de maintenir une distance « métrée », permis de n'organiser qu'un hommage expédié, tronqué et vidé de son sens.

Nous vous accusons de contribuer à nous décrédibiliser en laissant chacun.e traiter à sa façon la liberté d'expression, la laïcité, Charlie Hebdo, la satire, le fait religieux, la xénophobie ou bien encore le complotisme, alors qu'une concertation pour une parole commune et harmonieuse aurait été indispensable, particulièrement vis-à-vis des élèves les plus réticent.e.s à ces questions sensibles.

Nous vous accusons de renoncer, Monsieur le Ministre de l’Education Nationale, à la protection des professeurs qui sont  le premier rempart contre l'obscurantisme. Comment encore croire à la "reconnaissance de la nation" ?
 
Vos mesures concernant la gestion de l'épidémie ne sont dictées que par des impératifs comptables.
 Nous vous accusons de ne pas respecter votre parole et de contribuer à rendre inopérant le confinement actuel en n'appliquant pas le dédoublement des classes dans le secondaire, dédoublement pourtant prévu en cas de circulation active du virus par votre propre protocole  sanitaire publié en septembre. La distanciation sociale « dans la mesure du possible » n’est pas possible dans la plupart des lieux de l’établissement : salles de classe, couloirs, réfectoire, file d’attente de la cantine scolaire.
 
Vous parlez d'école de la confiance alors que sur le terrain, vous mettez en œuvre l'école de la défiance.
Nous vous accusons, M. le Ministre de l’Education Nationale, de mépris, d’hypocrisie et d’atteintes au statut des enseignants et aux conditions de travail, en nous considérant comme des pions qui doivent se plier aux ordres et contre-ordres communiqués, non par la voie hiérarchique, mais au dernier moment par les médias.
 
·        Non ! L’hommage rendu à Samuel Paty dans de telles conditions n'est pas digne.
·        Non ! Les protocoles sanitaires ne sont pas appliqués.
·        Non ! Cela ne nous donne pas le sentiment que la "nation nous soit reconnaissante".
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre dévouement au service public d’éducation.
 
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