Une galerie de portrait insolite. Pendant deux ans, modestement, Yann a "tiré le portrait" de ses contemporains, ses voisins, des habitués du quartier. Aujourd'hui, il présente une surprenante expo, miroir d'un quotidien à travers un regard sensible
Voir par l'œil de celui qu'on croise, mais qu'on regarde peu, celui de l'inconnu que l'on connaît. C'est un des objectifs insolites atteint par cette exposition photo organisée à Coulounieix-Chamiers, près de Périgueux. Yann, Yannick Jeanga de son vrai nom, est un photographe aussi peu conventionnel que les modèles qu'il a photographiés.
50 ans de présence
Cet habitant du quartier serait plutôt un marginal, hors de la société, qui avoue volontiers préférer vivre dehors, mais qui ne squatte pas les cages d'escalier pour ne pas déranger le voisinage. Il est dehors, Yann, mais toujours dans sa ville-banlieue, Coulounieix-Chamiers dont il sillonne les trottoirs depuis plus de 50 ans. Et depuis plus de 50 ans, il croise les locaux avec qui il a forcément, un jour ou l'autre, noué une relation fugace, un regard, un sourire, une parole. "Je connais pratiquement tous les prénoms, je connais tout le monde, ça fait 52 ans que je suis sur Chamiers, et tout le monde me connaît".
Saisir l'âme du quartier
Cet "invisible qui voit" a été repéré par le Voltigeur, un journal dédié aux communes de Coulounieix-Chamieux et Périgueux, réalisé principalement par les artistes de la résidence Vagabondage 932. Lorsqu'ils ont débarqué là en 2016, avec l'ambition de faire pénétrer l'art dans cette agglomération péri-urbaine, Yann s'est tout de suite intéressé aux initiatives et aux ateliers. Intérêt réciproque, puisque Yann est devenu peu de temps après un personnage mis en BD par la compagnie Ouïe-Dire pour le journal de quartier local Le Voltigeur.
Des velléités sur la photographie
"On a senti qu'il avait une velléité sur la photographie et donc Kamel lui a proposé de lui confier un appareil photographique numérique pro et il lui a proposé de donner des rendez-vous tous les mois, tous les trimestres pour voir un peu ce qu'il fabriquait avec cet appareil", explique Marc Pichelin de la Compagnie Ouïe-Dire.
Un jour, il est tombé sur les premiers portraits de ses potes devant la porte du Spar et Yann avait l'impression qu'il avait touché quelque chose.
Marc PichelinCompagnie Ouïe-Dire.
Une porte fraîchement repeinte d'un rouge flamboyant. Un fond idéal pour photographier ces visages tirés de l'anonymat, le temps d'un déclic.
Saisir l'âme du quartier
"C'est un peu l'image d'un quartier, d'une ville, des visages qu'on croise et dont on ne se rend pas compte qu'on se connaît tous. On s'est tous un petit peu retrouvé", confie Raphaëlle, une habitante. Ce que Yann avait touché, c'était tout simplement l'âme du quartier, celle de ses habitants.
"Je n'allais pas me lancer sur un truc à photographier les monuments, je suis resté sur le projet qu'eux, ils avaient.", explique Yann. Peu à peu, le photographe improvisé va figer en image le regard de ses amis, et des anonymes familiers qu'il croisait au quotidien, devant la supérette locale, rendez-vous incontournable du voisinage.
Témoin privilégié du quotidien
Deux ans de travail photographique et plusieurs semaines de préparation ont abouti à une exposition d'instantanés surprenants, l'image si familière de parfaits inconnus, de vagues relations, saisie avec une exactitude crue. "Il n'est pas artiste en tant qu'artiste professionnel comme les gens qu'on invite ici, mais il est en relation avec des gens. La relation qu'il a, lui, nous les artistes qu'on invite ne peuvent pas l'avoir", résume Marc Pichelin.