Facteur et médecin ? On n'en est pas là, mais l'hôpital de Périgueux lance un partenariat avec La Poste pour effectuer une campagne de prévention et de repérage auprès des personnes âgées.
Qui mieux que le facteur pour être en contact avec la population ? Après Toulouse il y a quelques années, le centre hospitalier de Périgueux a lancé depuis septembre une campagne de prévention santé auprès du public seniors en faisant appel au personnel de La Poste. Une expérimentation encore unique en Nouvelle-Aquitaine. Au plus près du terrain, les facteurs sont ceux qui peuvent le mieux toucher directement des personnes souvent isolées et difficilement atteignables.
L'ADN de La Poste, c'est la proximité, c'est être proche de nos concitoyens. En ce sens le facteur a toute sa légitimité pour faire cette opération, en sachant qu'il n'est pas un médecin ou un infirmier, bien sûr.
François Sicari,Directeur opérationnel La Poste
La Poste s'intéresse aux seniors
La Poste, qui a toujours moins de lettres à acheminer, se diversifie tous azimuts : banque, assurance, cartons de déménagement, boutique en ligne, coffre-fort numérique, livraison de médicaments ou de repas. Dans ces missions bien éloignées des fonctions originelles du facteur, La Poste s'intéresse beaucoup aux services aux personnes âgées. Un marché d'avenir dans un pays vieillissant. Sa gamme "services senior" va de la téléassistance aux assurances en passant par les solutions obsèques, les séjours vacances et les services à domicile.
Contrôle technique à domicile
Ce partenariat avec le centre hospitalier de Périgueux lui offre une nouvelle mission sur ce créneau : dépister, informer et alerter les seniors sur leur santé et les points sur lesquels ils doivent être vigilants. "Quand on avance en âge, on s'occupe mieux de sa voiture que de soi-même avec l'avancée en âge !", explique le Dr Frédéric Woné, médecin référent de l'hôpital pour cette opération.
Nous sommes tous de futures voitures de collection, donc si on ne fait pas un contrôle technique régulier, ça va mal se passer, on aura des accidents !
Dr Frédéric WonéMédecin référent de l'opération
" L'objectif de ce dispositif, c'est vraiment ça, c'est faire de la prévention, faire du contrôle technique, et même avant le contrôle technique, un petit questionnaire simple, avec deux ou trois questions... "ah oui, tiens, c'est vrai, mes freins ne fonctionnent pas, il faut que j'aille voir l'infirmière pour une évaluation plus complète", illustre le médecin.
Détecter les facteurs... de risque
Sur le terrain, les facteurs messagers de l'hôpital de Périgueux, sollicitent actuellement un public de 300 seniors. Ils leur proposent de participer, à une date convenue avec un de leur collègue, à un questionnaire de santé. Une heure et demie pour faire le tour d'éventuels problèmes d'audition, de mémoire, de vision, de mobilité ou de psychologie qu'ils peuvent rencontrer. Les questions restent simples, on parle du poids, de l'activité quotidienne, d'éventuelles douleurs, etc.
Cette démarche, les personnes âgées ne l'entament pas elles-mêmes "parce que jusque-là, ça va" explique le docteur Woné. "On n'a pas envie d'entendre qu'on a des éléments de nutrition qui ne sont pas bons, que la tension n'est pas bonne, on n'a pas envie d'aller chez le dentiste pour un bilan régulier, ni d'aller voir l'ophtalmo qui vous dit, tiens, peut-être que vous allez être opéré de la cataracte. On n'a pas envie de tout ça, on veut que tout continue comme avant, c'est le problème de l'humain."
Formation spécialisée
Pour aborder ce questionnaire soigneusement élaboré par des gérontologues, douze postiers ont été spécialement formés par les infirmiers spécialisés dans la prévention et l'accompagnement à domicile des personnes âgées.
Un élément d'alerte permet de proposer une évaluation plus complète par l'infirmier. Selon les résultats, l'hôpital peut ensuite organiser une prise en charge personnalisée. Quant à la confidentialité des informations recueillies par les facteurs, "en tant que postiers, nous sommes tous assermentés. Nous avons prêté serment pour ne pas divulguer les informations dont nous avons connaissance" rassure François Sicari, directeur opérationnel à La Poste. En précisant aussi que les informations ne sont pas conservées par les postiers et que ce sont bien les infirmières qui traitent les dossiers.
Programme mondial
Cette opération fait partie du programme international ICOPE (Integrated Care for Older People) de l'OMS qui vise à réduire la dépendance de 15 millions de personnes de plus de 65 ans, dont 150 000 Français, d'ici à 2025. Le programme a été adapté en France par le Gérontopôle de Toulouse.
Reste une question qui gêne aux entournures : détecter les problèmes, d'accord, mais comment fait-on après, avec le manque de médecins ? "C'est un dispositif infirmier", rappelle le médecin référent de l'hôpital. "Ce sont les infirmiers, infirmières référents sur le terrain qui font les évaluations. Beaucoup de personnes nous disent, on ne veut pas déranger le médecin, on n'ira le voir que quand on sera malades". Encore faut-il savoir qu'on est malade. Prévenir plutôt que guérir, c'est aussi l'objectif de cette campagne, et c'est en train de devenir aussi simple qu'une lettre à la poste.