Épuisés, les médecins des urgences de Périgueux ont voulu interpeller l’Agence régionale de santé. Ce mardi 23 octobre, ils se sont mis en arrêt maladie. Cette opération coup de poing inédite dans le département a visiblement payé. Après une matinée d’échanges, ils ont décidé de mettre fin à leur mouvement et estiment avoir obtenu des garanties
Aux grands maux, les grands remèdes. Les médecins des urgences de Périgueux, au bord de la rupture, avaient décidé de jeter l’éponge et de ne pas travailler ce mardi. Se disant à bout de souffle, ils ont déposé des arrêts maladie pour dénoncer une situation qualifiée intenable.
"On a vraiment honte de la façon dont on accueille les patients aux urgences. Quand on passe dans notre couloir, on a des dizaines de personnes âgées qui attendent vingt-quatre, parfois quarante-huit heures une place d’hospitalisation. Ce n’est pas tous les jours facile de les regarder dans les yeux !" explique Benjamin Salez, chef du SAMU à l'hôpital de Périgueux.
Voilà des mois qu’avec ses confrères, il dit alerter l’Agence régionale de santé sur la surcharge de travail dont ils sont victimes et les répercussions sur les patients. Jusque-là sans succès.
Trop de patients et pas assez de personnels
Après Sarlat, la dernière fermeture temporaire du service d’urgence de l’hôpital de Bergerac à cause du manque de médecins, a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Il y a quelques jours, les soignants de Périgueux ont été prévenus qu’ils allaient devoir prendre en charge durant la nuit des patients supplémentaires en provenance du sud du département. Une mission impossible à tenir selon eux. À Périgueux, les effectifs étant déjà jugés plus qu’insuffisants face à l'afflux de malades.
Cela fait deux ans que nous vivons une succession de crises avec des soignants qui quittent l’hôpital, des lits qui sont fermés et qui n’ont pas pu rouvrir par manque de personnels, des patients qui stagnent aux urgences, on n’en peut plus de travailler dans ces conditions
Benjamin SalezChef du SAMU à l'hôpital de Périgueux
L’équation est la même sur tout le territoire et le diagnostic est sans appel. "En Dordogne, le système est en train de s’effondrer, il n’y a plus de médecins généralistes sur le terrain. Les hôpitaux se sont vidés, aussi bien aux urgences que dans les étages. Il n’y a plus de médecins dans les établissements de soins de suite et d’adaptation. Résultat, on ne peut pas sortir les patients de nos hôpitaux vers ces établissements et il n’y a pas de place dans les EHPAD. C’est un système qui s’effondre", analyse le docteur Benjamin Salez.
"Situation de crise aiguë" pour l'ARS
Ces dernières heures, ces arrêts maladies ont contraint l’Agence régionale de santé à déclencher les plans blancs pour les hôpitaux de Périgueux et Bergerac afin de permettre aux autorités de pouvoir réorganiser les services et rappeler des médecins en vacances.
Ce mercredi matin, la direction de l’institution a réuni tous les acteurs concernés autour d’une visioconférence pour tenter de sortir de l’impasse. Elle a reconnu "une situation de crise aiguë" en Dordogne et a proposé un plan d’actions à court, moyen et long terme. Pour son directeur général Benoît Elleboode, il s’agit avant tout d’un problème d’attractivité "qui ne date pas d’hier." Et d’expliquer avoir décidé de supprimer tous les blocages et de mobiliser tous les leviers pour répondre aux souhaits des urgentistes.
"J’ai autorisé sans plafond d’utiliser pour tous les établissements de Dordogne, les modes de rémunération les plus attractifs pour tous les urgentistes qui viendraient prendre un poste et tous les urgentistes qui sont déjà en poste".
Benoît Elleboode s’est également engagé à revoir l’organisation du travail et des services. Pour cela, une équipe territoriale va être créée. Elle doit permettre aux jeunes urgentistes de pratiquer leur métier de manière plus sereine et variée.
"Ils pourront utiliser les hélicoptères, faire de la régulation des vacations dans les services d’urgence à Périgueux où il y a des cas plus lourds, mais aussi réaliser des gardes dans des établissements où l’activité est un peu moins intense pour ne pas être soumis à un rythme de travail trop important".
Les médecins mettent fin au mouvement
Ces mesures ont rassuré les médecins urgentistes. Ils estiment avoir été écoutés. "On a le sentiment que le directeur général de l’ARS a entendu notre souffrance et qu’il a compris l’état d’urgence du département". Les médecins ont décidé de mettre fin à leur mouvement. Tous doivent se revoir en fin de semaine puis tous les deux mois pour constater l’avancée des travaux.