Robert Badinter : "La conception de la prison doit être, bien-sûr, la sanction, mais aussi l’amendement et la réinsertion"

Construit et aménagé à l’initiative de Robert Badinter, le centre de détention de Mauzac accueille des auteurs d’infractions à caractère sexuel. Le centre est orienté vers le développement d’une vie sociale à l’intérieur et d'une ouverture sur l’environnement extérieur. Le documentaire "Nos voisins les détenus" propose une immersion dans cette prison atypique.

Avec une architecture délibérément conçue comme un petit village avec ses pavillons, sa place centrale et divers équipements socioculturels, le centre de détention de Mauzac est atypique. Le site est entouré de grillages, autorisant la vue sur les prairies et la route avoisinantes pour les détenus aussi, sur la vie du lieu pour les villageois. Le centre est composé de vingt et un pavillons de douze cellules chacun où les "habitants" exécutent leur peine.

Un schéma d'univers carcéral presque unique en France puisque seuls deux établissements de ce type existent : celui-ci en Dordogne et un autre à Casabianda en Corse.

"Il ne faut jamais perdre de vue que ces hommes sortiront"

Créé initialement en 1939, le centre de détention de Mauzac en Dordogne s’est agrandi en 1986 avec un espace de détention supplémentaire, dénommé nouveau centre, initialement prévu pour de courtes peines, construit et aménagé à l’initiative de Robert Badinter, alors Garde des Sceaux et qui était venu sur place à l'occasion de son inauguration.

La prison sert à quoi, si ça sert à faire souffrir

Robert Badinter

Documentaire "Nos voisins les detenus"

La volonté du ministre de la Justice était alors de favoriser la réinsertion. L'intérêt majeur du centre de Mauzac est d’offrir à la fois un environnement carcéral plus ouvert, une prise en charge médicale et psychologique, mais également pénitentiaire la plus adaptée et individualisée possible pour une meilleure "réintégration" dans le monde des hommes libres, et éviter ainsi la récidive : 

"Que ceux qui vivent la réalité de Mauzac, soient témoins et satisfaits de la façon dont les choses se sont passées, et l’évolution très satisfaisante de Mauzac, ça n’est pas pour moi surprenant, ça prouve simplement que ces évidences traduites dans ce projet, sont des dominantes de la réalité carcérale de demain. Aujourd’hui, c’est la constante obsession, il ne faut jamais perdre de vue que ces hommes sortiront. Si vous n’avez pas l’œil fixé sur cette issue, inévitable, à plus ou moins long terme, la prison sert à quoi, si ça sert à faire souffrir".

Des détenus particuliers

Depuis 2009, le centre de Mauzac n'est pas réservé à l'accueil de n'importe quels prisonniers, mais principalement à une classification particulière puisque 80% des détenus sont des auteurs d’infractions à caractère sexuel. Ils ont été choisis pour leur aptitude à se réinsérer. PDG, chirurgiens, enseignants, éducateurs sportifs, ouvriers, paysans... toutes les couches sociales de la société sont représentées. Sur ce site, ils ont quelques années pour préparer leur libération.

Cette situation de semi-ouverture se traduit par des cellules non fermées dans la journée, permettant aux détenus de choisir des activités, de se rendre à des rendez-vous médicaux, quand ils ne sont pas occupés au nettoyage des lieux ou dans des ateliers pour travailler, l'une des pistes pour un premier pas vers leur future réinsertion dans la société. 

Ils ont également la possibilité d’œuvrer dans la ferme école voisine, dépendant également du centre de détention, pour produire des légumes qui sont ensuite à la vente. Une formule choisie par un grand nombre ayant la volonté de se sentir utiles, un peu plus immergés dans "la vraie vie" du travail et de la sociabilisation.

"On oublie que la prison est une période transitoire de leur vie. Il y a toujours le cri « ah il faut augmenter les peines, durcir la répression », oui, mais il demeure que, sauf à tourner le dos à l’idéal républicain, la conception de la prison doit être, bien-sûr, la sanction, mais aussi, l’amendement et la réinsertion. On ne peut pas dissocier les termes de l’équation, c’est impossible, ou alors ce sont des prisons dépotoirs, dans lesquelles on jette des gens" - Robert Badinter

"Nos voisins les détenus", un documentaire pour ouvrir la réflexion

Pour mieux comprendre cet environnement méconnu du grand public, les réalisateurs ont fait le choix de donner la parole à quelques détenus, aux profils différents, qui reviennent sur leur parcours de réinsertion à Mauzac et se livrent librement sur leurs conditions de détention, mais aussi, pour certains, sur ce qui les a amenés là.

Qu’ont à nous dire ces détenus ?  Quel sens donnent-ils au mot réinsertion ? Comment appréhendent-ils l’avenir et la relation aux autres ?

Leurs paroles apportent des éléments de réponse pour que chacun puisse se faire une opinion sur l’efficience de cet accompagnement pas comme les autres.  Au cours de leur témoignage, ils décrivent aussi ce qui les change en arrivant à Mauzac : le silence, le chant des oiseaux, le contact direct avec la nature... Autant d'éléments du quotidien qui s'opposent à ce qu'ils avaient connu auparavant, dans d'autres établissements pénitentiaires.

Aux interventions des détenus s’ajoutent celles des professionnels et notamment, celles et ceux en charge du suivi socio-médico-professionnel. Un élément essentiel du film pour comprendre la nature de cette prise en charge pluridisciplinaire qui tient compte de l'ensemble des problématiques auxquelles sont confrontés les détenus.

Il ne faut jamais perdre de vue que ces hommes sortiront.

Robert Badinter

Documentaire "Nos voisins les détenus"

Réalisé à partir de scènes en immersion et de témoignages, ce film montre une réalité de cet établissement, les enjeux et les étapes d’un parcours de réinsertion pour préparer la sortie de prison de ces détenus dans les meilleures conditions.

Ce film cherche à montrer qu’un autre chemin est possible pour prévenir la récidive et, plus particulièrement, celle des délits sexuels. Peut-être une façon de faire évoluer les pratiques, les mentalités et le regard du citoyen sur la prison.

"Nos voisins les détenus"
Durée : 52 min
Diffusion : Jeudi 15 février 2024 à 22.55 sur France 3 Nouvelle-Aquitaine
À voir ou revoir en replay sur france.tv à partir du vendredi 16 février et pendant 30 jours.

Documentaire écrit et réalisé par Djamel Zaoui et Miguel Sanchez-Martin
Coproduction : Amo Films /  France 3 Nouvelle-Aquitaine 
Avec la participation de Public Sénat.
Avec le soutien du Département de la Dordogne et la Communauté de Communes des Bastides Dordogne - Périgord