C’est la question à laquelle ce procès aux assises de la Dordogne devra répondre. Charles Djob Ngoss est accusé d'avoir tenté d’assassiner un couple à son domicile en 2017 dans le Sarladais. Dans ce procès, certains points rappellent l'affaire Romain Dupuy qui avait eu lieu à Pau.
L’accusé avait rapidement reconnu les faits, sans pour autant expliquer son geste. Ce matin, il en a assumé la responsabilité, n’évoquant aucun remord. Diagnostiqué schizophrène six ans avant le drame, Charles Dlob Ngoss était-il responsable de ses actes ? Présentait-il une abolition du discernement ? Ou une altération de celui-ci ? Le cas Charles Djob Ngoss pourrait diviser les experts psychiatres. Les assises de la Dordogne ont trois jours pour trancher.
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— France Bleu Périgord (@Bleu_Perigord) September 16, 2020
Rappel des faits
Les victimes s’en sont miraculeusement sorties. Le 17 octobre, le couple aurait été menacé de mort par son voisin et aurait alors appelé la mère de celui-ci ainsi que la gendarmerie pour les prévenir. Dans la nuit du 17 au 18 octobre 2017, Charles Djob Ngoss s’introduit chez les deux trentenaires et leur deux enfants. C’est alors qu’il poignarde le couple. Il les laisse pour morts sur le sol de la salle de bain devant leurs deux enfants. L’homme, touché à la carotide, est très grièvement blessé. Son épouse souffre d’une hémorragie interne. Les forces de l’ordre arriveront rapidement sur les lieux avant d’arrêter le suspect, déjà connu des services de gendarmerie.La mère de l'accusé avait appelé le jour même du drame pour demander son hospitalisation d’office
C’est un élément du dossier qui rappelle une autre affaire, celle concernant Romain Dupuis. Celui-ci a été jugé pour le double meurtre d’une infirmière et d’une aide-soignante du centre hospitalier psychiatrique de Pau en décembre 2004. « J'avais supplié les médecins d'interner Romain », avait affirmé Marie-Claire Dupuy. Celui-ci souffrait en effet de schizophrénie. Deux ans après les faits, l’affaire se solde par un non-lieu, les juges ayant déclaré le jeune homme pénalement irresponsable. A l’époque, les experts psychiatres étaient quasiment unanimes sur la question. Aujourd’hui, Romain Dupuy est toujours interné à l’Unité pour Malades Difficiles de Cadillac.La mère de Charles Djob Ngoss, elle aussi aurait donné l’alerte dès 2012. Et le jour du drame, pressentant que quelque chose allait se passer, elle aurait appelé pour faire hospitalier d’office son fils. Aujourd’hui elle l’affirme, « la maladie joue, la maladie empêche le discernement ». Elle décrit un fils qui se sentait menacé de mort du fait d’hallucinations liées à sa maladie.
« Je pense que les psychiatres n’ont pas fait preuve de psychologie »
►La mère de Charles Djob Ngoss, qui préfère garder l’anonymat, a accepté de répondre aux questions de notre équipe lors de ce procès. Ecoutez son interview en intégralité :
"C'est un scandale"
L'association l'UNAFAM (Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques) était présente au procès. "Je tiens à dénoncer un scandale", lance Jacqueline Chatelain représentante de l'UNAFAM. "A l’heure actuelle les policiers, les psychiatres, ne se déplacent pas dans bien des cas, c’est la famille qui doit, quand elle le peut, amener le malade â l’hopital mais c’est très difficile. Quand un malade souffre, a un probleme cardiaque ou un AVC, il n’y a pas de problème, le samu vient tout de suite".
Les urgences psychiatriques, on l’a vu dans cette audience, sont une urgence réelle et nécessaire pour éviter des problèmes pour la vitime mais aussi pour d’autres.
La mère de l'accusé souhaite que son fils soit interné en UMD, « pour le bien de la société de façon à ce qu’il ne reproduise pas ce qu’il a déjà fait, voire pire ». En prison, personne ne peut obliger un détenu à prendre ses médicaments. "Quand la personne est en déni de sa maladie, malheureusement les soins sans consentement restent une nécessité", explique Jacqueline Chatelain. "Les malades psychiques sont stigmatisés, et dans bien des cas ça les empêche de se soigner correctement et de prendre leurs médicaments correctement".
►Ecoutez l'intégralité de l'interview de Jacqueline Chatelain :
Ce matin, « l’accusé a revendiqué sa pleine conscience »
« Bizarrement, ce matin devant les jurés, l’accusé a revendiqué sa pleine conscience au moment des faits, il ne se reconnaît pas comme étant malade », relate Bertrand Lasseguette journaliste de la rédaction de France 3 Périgords présent au procès. Selon lui, l’accusé n’aurait exprimé aucun remord. Une ligne de défense qui pourrait peser lourdement sur les débats. Aujourd’hui âgé de 32 ans, Charles Djob Ngoss avait été diagnostiqué schizophrène six ans avant les faits. Pathologie qui l’avait amené à être hospitalisé à plusieurs reprises.
« Pour lui, il était sain d’esprit et avait tout son discernement au moment des faits », explique Claire Delaire, avocate de la défense.
"Aujourd’hui, mon client est sous tutelle ce qui prouve bien qu’il n’est pas en capacité de choisir ce qui est bon pour lui, donc moi je plaiderai ce que j’estime être bon pour lui », annonce l'avocate. La journée de demain sera, à ses yeux, décisive avec les témoignages des experts psychiatres qui ont entendu Charles Djob Ngoss.« Maintenant comme l’a dit sa mère, le propre des schizophrènes c’est de ne pas reconnaître sa maladie"
L’accusé avait déjà été condamné
Au moment des faits, Charles Djob Ngoss était en sursis. Il avait été incarcéré pour agression avec arme en 2015. Lors de sa détention, il avait dû être interné en psychiatrie pour son comportement jugé agressif. Il était sorti de prison en mars 2017, c’est-à-dire quelques mois avant le drame.
L’accusé retournera-t-il en hôpital psychatrique ou en prison ? C’est tout l’objet de ces trois jours d’audience. Le verdict sera rendu le 21 septembre prochain.