"Emmerder les non-vaccinés" : les propos d'Emmanuel Macron ne passent pas pour beaucoup d'élus d'Aquitaine

Dans le débat sur la transformation du pass sanitaire en pass vaccinale, le Président jette un pavé dans la mare en s’attaquant verbalement aux non vaccinés, qu’il a « très envie d’emmerder ». Comment ont réagi les élus en Aquitaine ?

Le propos a souvent choqué. C’est une première interview du Président donnée au Parisien, en cette année 2022 dont beaucoup ne retiennent que 5 mots « J’ai très envie de les emmerder ». Emmanuel Macron répond sans détours au message à transmettre aux 5 millions d’anti-vaccins, qu’il qualifie "d’irresponsables" et qui ne sont plus selon lui des "citoyens ".
Le ton est grave et le verbe haut. Et dans la sphère politique, les réactions multiples aujourd’hui dans notre région.

"Abasourdi", Alain David député PS de Gironde 

Le député socialiste de Gironde semble encore choqué « On a été abasourdi et scandalisé par la violence des propos qui s’adressent à des Français, car c’est le président de tous les Français. C’est bien la première fois que ça arrive que des Français soient marginalisés, insultés."

Très vite, il insiste sur l’idée de ne pas créer de fractures et de dissensions entre les Français et parle au nom des non vaccinés qui ont certainement leurs raisons.

" Pour des raisons diverses ils ne seraient pas vaccinés, et il les met au ban c’est inadmissible. Ces gens de 80, 90 ans qui veulent pas se faire vacciner, vous voulez les emmerder? C’est très maladroit de sa part, il excite encore plus les anti-vax et il ne fait qu’envenimer le problème. Plutôt que d’être le Président de tous les Français il met les mains dans le cambouis et va à la bagarre. Il va s’en prendre à qui la prochaine fois ? ".

Puis il revient sur l’ambiance électrique cette nuit à l’assemblée: "On est resté voter jusqu’à 2H30 du matin, on a demandé que le premier ministre vienne nous expliquer. Est-ce une loi pour protéger les français ou simplement faite pour emmerder ceux qui ne s’étaient pas vacciné? Mais il n’est pas venu, bien sûr, affronter la représentation nationale".

Et il parle déjà d’une fracture inéluctable entre les représentants élus tout comme au sein de la population, en évoquant l’idée d’un passage de la loi au moyen de l’article 49.3.

" Ils ont simplement accepté un amendement socialiste: que les gamins soient vaccinés à partir de 16 ans et non 12. C’est dû à une bisbille entre le Modem et en Marche: Le Modem avait accepté notre amendement et je pense qu’il a dû céder à sa majorité. On présente des projets de loi, on met en place un semblant de discussion, et on fait voter avec une majorité écrasante. Dans l’ambiance actuelle, ils sont seuls contre tous."

Même si c’est voté c’est un échec, quelque part c’est une loi votée au forceps

Alain David, député PS

« C’est vraiment une déception » conclut-il, «  Les Français méritent mieux. En mettant en place une politique de contrainte de cette nature, c’est inconcevable au pays des Lumières. Le monde nous regarde là. »

En colère, Loïc Prud’homme Député LFI

Le député de la France Insoumise nous répond « Après une nuit pour digérer ces propos qui sont d’une violence extrême ». Mais déjà il en tire certaines conclusions: « Ça valide un peu ce qu’on subodorait sur ce pass vaccinal. Il n’y a pas d’objectif politique de protéger mais une volonté d’emmerder une partie des français. En fait Macron rejette une partie de ses propres turpitudes sur une partie des français. C’est une façon de renverser la question. Si il y a des chômeurs, c’est la faute des chômeurs et des malades c’est la faute des malades. »

Les suspensions de séance se succèdent en attendant la venue de Jean Castex, emmerdeur adjoint du Méprisant de la République. Qu'il explique que ce sont les non-vaccinés ou LFI qui ont fermé des lits, laissé des soignants sans matériel ni repos, fermé nos usines de masques, etc...

Loïc Prud'homme - Député LFI de Gironde

France 3 Aquitaine

Il reprend le récit de cette nuit tempétueuse à l’Assemblée Nationale. « A minuit, à la reprise, on a tout de suite demandé une clarification. Les propos sonnaient comme un aveu. Un aveu que son pass n’a pas d’efficacité ni d’objectif sanitaire. Nous, on le disait depuis le début, il crée de faux sentiments de protection. On peut être avec un pass, attraper le covid et néanmoins aller au restaurant, alors que si vous êtes pas vaccinés et faites un test PCR vous ne pouvez pas y aller, ça n’a pas de cohérence. Et sans cohérence, ça ne fonctionne pas. Ça n’a pas permis d’aller chercher les plus fragiles. »

Et il se désespère d’être entendu pour ses idées: « Autant on vit depuis 4 ans une surreprésentation de la Macronie avec beaucoup d’arrogance, autant le Président dit que les non vaccinés, il les emmerde, autant nous à l’opposition on a l’impression qu’on ne peut plus rien penser. On ne peut plus avoir de pensée critique sans être taxés d’irresponsables. On a fait un vrai travail de réflexion et d’analyse depuis 2 ans. Mais quand on voit qu’il y a eu sept demandes de la CNIL au gouvernement sur l’efficacité du plan sanitaire et aucune réponse. On veut pouvoir avoir des éléments factuels pour savoir si ça a été efficace et on en a pas."

Il (Emmanuel Macron) est en train de créer une une grande défiance vis à vis des autorités sanitaires qui ne pourra pas s’arranger. C’est délétère à long terme 

Loic Prud'homme, député LFI

« Là, on est vraiment dans un climat de violence qui s'est cristallisé hier soir avec une majorité qui ne veut rien entendre. Il y avait un vrai niveau de tension assez incroyable.» finit-il, assez abattu et semble-t-il sonné. 

"Une faute politique" pour Edwige Diaz, représentante du RN

Dans le concert des réactions politiques, la voix du RN rejoint celle des oppositions au parti présidentiel.

Pour la deuxième force politique de la région recensée lors du dernier scrutin en date, celui des Régionales, « Emmanuel Macron a commis une faute politique mais aussi morale.» C’est ce qu’appuie Edwige Diaz, la patronne du Rassemblement Nationale au sein de l’hémicycle de la Nouvelle-Aquitaine.

Le parti de Marine Le Pen, opposant de premier plan au Président de la République dans la course à l’Elysée, se distingue de la majorité depuis des mois sur le sujet de la vaccination.

Au lieu de combattre l’épidémie, Macron fait le choix de mener la guerre aux non-vaccinés, qu’il transforme en citoyens de seconde zone.

Edwige Diaz, RN

Sous-citoyens ou citoyens de seconde zone, le RN reprend la balle au bond. "En humiliant des millions de Français et en les traitant comme des sous-citoyens, il démontre, une fois de plus, qu’il est le Président de la division et qu'il gouverne contre les Français."

Pour Edwige Diaz, proche de Marine Le Pen et associée de près à sa campagne, c’est un trait caractéristique du président qui ressurgit et qui ne manquera pas de ressortir d’ici le scrutin en avril. . " Alors qu’il prétendait, il y a encore quelques jours, regretter les insultes qu’il a proférées contre les Français tout au long du mandat, le naturel revient vite au galop ! La Macronie ajoute du mépris et de la haine aux mesures absurdes."

Stigmatisation et mépris pour Yannick Jadot, candidat EELV à la Présidentielle

Après les propos du Président, le Candidat écologiste à l'Elysée Yannick Jadot a fustigé Emmanuel Macron lors de son déplacement à Bordeaux ce mercredi 5 janvier.

 "Je ne sais pas si c’est une faute politique, si c’est une faute morale. Ce sont des propos que ne devrait pas tenir le Président de la République qui reste le Président de tous les Français qui doit éviter absolument d’hystériser le débat, éviter de faire de la vaccination un référendum pour ou contre lui. Le président de la République qui exclut de la citoyenneté des Françaises et des Français, là, encore une fois, on est dans la poursuite d’un discours régulièrement tenu par le président de la République qui consiste à stigmatiser les chômeurs, à mépriser les jeunes."

Au fond, le président de la République continue à choisir son adversaire pour cette élection présidentielle, Eric Zemmour. Il veut aller sur le même terrain qu’Eric Zemmour et ça je pense que c’est extrêmement dangereux pour notre pays.

Yannick Jadot - Candidat EELV à l'élection présidentielle

France 3 Aquitaine

" Une grossièreté " pour Max Brisson, Sénateur Les Républicains  

Le sénateur LR les Pyrénées-Atlantiques Max Brisson a vivement réagi sur le réseau Twitter ce mercredi matin, pointant les intentions politiques du Président toujours pas déclaré candidat à sa succession. Il retient de la « grossièreté » dans le choix des mots.

«D’abord sur la forme, il abaisse la fonction, surtout quand il le fait dans une interview à un journal. Cette grossièreté, elle est méditée, elle a une volonté politique. Le chef de l’Etat n’a pas à utiliser des gros mots dans une expression publique officielle, c’est une question de dignité.»

Le sénateur soutient la vaccination, pour autant le but recherché par le président, d’après lui, n’est pas clairement affiché dans les propos. «Le chef de l’Etat n’est pas là pour mettre de l'huile sur le feu, pour diviser, pour cliver et montrer du doigt.»

«Il le fait là aussi à des fins politiques. Finalement, le chef de l'Etat voudrait que la majorité vaccinale devienne une majorité macroniste. Il fait la campagne électorale.»

 

Il aimerait imposer le débat sur la Covid en lieu et place de tous les autres débats. On n’est pas obligé de rentrer dans le panneau. Il instrumentalise la crise de la Covid. Il sort de son rôle de Président.

Max Brisson, Sénateur LR 

Sur les débats parlementaires en cours, plus que houleux, l’élu entend faire entendre une autre musique au Sénat. Il s’étonne de l’urgence au 15 janvier pour faire appliquer le pass vaccinal, urgence affichée par le gouvernement.

«Jusqu'où peut-on aller dans la remise en cause des libertés publiques ? Ceux qui s’offusquent des débats actuels à l’Assemblé Nationale sont ceux qui aimeraient que l’Assemblée se mette au garde à vous pour prendre le texte tel qu'il est. Tel qu'il est, il n'est pas satisfaisant.»

Le sénateur, lui-même vacciné, votera le texte sur le principe mais avec la prise en compte des amendements débattus par les représentants du peuple.

"Ce que pensent beaucoup de Français" pour Catherine Fabre, Députée LREM 

Jointe par téléphone peu après la reprise des débats, la députée bordelaise, élue en 2017 pour son premier mandat, nous apprend la première suspension de séance et la venue de Jean Castex annoncée dans l’après midi. Décrivant cet événement comme "une main tendue" et "un signe plutôt encourageant dans la mesure où il y a une proposition faite pour que les travaux puissent recommencer. "

Sur la potentielle utilisation du 49.3, pour faire passer le texte malgré les réticences, elle répond tout de go « Je peux l’imaginer. Ça fait partie des outils dont le gouvernement dispose pour gouverner. Ça fait deux jours que toutes les justifications sont mises en avant pour ne pas débattre, alors que chaque minute compte et qu’il y a 180 morts chaque jours ».

On pourrait imaginer qu’il lui soit plus difficile d’assumer les mots du Président et sa réponse se fait en deux temps. « Ces mots-là ils représentent les sentiments de beaucoup de Français, dont les soignants qui ont de plus en plus de mal avec des arguments intenables. Des personnes qui après se retrouvent en réanimation et qui regrettent de ne pas s’être fait vaccinés. Ça suffit de mettre en avant des arguments infondés alors qu’on est face à une pandémie meurtrière. Pour faire face à tous ces arguments fallacieux il faut avoir une parole forte, c’est ce qu’a fait notre Président en voulant être provocateur. » et dans un deuxième temps, elle prend un peu plus de distance avec ces mots,

Sur le fond du message, je l’assume à 100%, sur la forme je pense que c’est un choix de communication qui a pour but de taper fort et d’être clair. C’est un choix de communication d’être cash pour que ce message soit repris et vous voyez bien que ça marche puisqu’on en parle

Catherine Fabre, Députée LREM

Elle conclue sur les derniers chiffres promus par le gouvernement. « Depuis qu’on a annoncé le pass vaccinal, il y a tous les jours deux fois plus de personnes vaccinées qu’avant l’annonce. Les gens ce qu’ils veulent, c’est de l’efficacité et se sentir protégés ".

Des propos et un débat qui laisseront des traces lors des prochaines campagnes. Après le scrutin présidentiel se tiennent les élections législatives en juin. 

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