Un nouveau plan d'action nationale vient palier le manque de psychologues à des tarifs minorés ou gratuits à Bordeaux. Avec des délais d'attente de plus de 5 mois pour une prise en charge en CMP (Centre médico psychologiques), le dispositif Monpsy est bien accueilli.
Si vous contactez le Centre médico psychologique du quartier de la gare à Bordeaux pour une prise en charge, il vous sera répondu que le 1er rendez-vous avec une infirmière peut être pris assez vite, comprenez 3 à 4 semaines. Pour ce qui est d'un premier rendez-vous avec un psy, il vous faudra patienter en moyenne 5 à 6 mois. Avec 2 seules journées de rendez-vous avec des psychologues, le CMP ne peut accepter plus de patients. Il en est de même dans les autres CMP de Bordeaux. Si vous souhaitez consulter gratuitement un psy à Bordeaux, c'est le parcours du combattant.
Dorénavant, avec ce nouveau dispositif MonPsy de consultations gratuites, des places pourraient se libérer, encore faut il pouvoir les trouver.
« Ce serait bien que je vois un spécialiste »
Madeleine a 20 ans, elle est étudiante à Bordeaux II, et sait qu’elle est sujette à des crises d’anxiété, aggravées par les mesures sanitaires, qu’elle pourrait soigner. Elle le dit sans détours, « Ça fait quelques temps que je sais que ce serait bien que je vois un spécialiste". Elle a déjà essayé de se faire aider par ses amis mais sait bien qu’il faut arrêter de tourner autour du pot «Je parle à mes proches de mon anxiété, mais je sais qu’il y a un travail de fond à faire. J’ai déjà tout raconté et ça ne part pas pour autant. »
Mais si elle a retardé une prise en charge c’est que le vrai problème de Madeleine, c’est la précarité inhérente à son statut d’étudiante. « C’est compliqué pour moi de payer des séance à 60 euros par semaine, c‘est mon budget nourriture ».
« Le soin est un droit »
Cécile Navarro est psychologue clinicienne. Depuis 20 ans elle exerce en cabinet libéral au Bouscat et depuis tout ce temps elle est animée par la volonté de proposer ses services à tous.
« J’estime que le soin est un droit et j’ai toujours indiqué à mes patients que si ils ne pouvaient plus payer leurs séances on pouvait s’arranger. » Une philosophie qui l’a poussée à pratiquer deux tarifs, un tarif plein classique de 60 euros la séance et un demi tarif pour les personnes « en difficulté financière », « les mères isolées, les étudiants et les chômeurs ne payent que 30 euros, ça me semble normal » insiste-t-elle.
Une aide gouvernementale
Depuis le 5 avril cette thérapeute et cette patiente peuvent se rencontrer via la plateforme « Monpsy » mise en place par le gouvernement. Ce nouveau dispositif permet à des personnes en attente de soin pour des raisons pécuniaires de se voir rembourser (60% sécurité sociale, 40% mutuelle) 8 séances auprès d’un psy.
Les conditions sont assez simples: avoir été adressé à un spécialiste par un médecin pour anxiété ou dépression légère et trouver un rendez-vous auprès des psy partenaires de l’opération.
Un dispositif qu’accueille Madeleine avec beaucoup de soulagement, car ses phases d’anxiété et de fatigue intense, qu’elle assimile à de la fatigue mentale, mettent à mal son quotidien et ses études. « Démocratiser le soin mental c’est une vraie très bonne chose » trouve-t-elle, cependant elle émet quelques réserves « Le projet est génial mais je pense que c’est compliqué de tomber sur LE bon psy, et je trouve que qui est compliqué c’est que le prix rentre en compte dans le choix de son psy ». Du coup elle se demande si il est possible de changer de thérapeute en cas de mésentente.
Pour Cécile Navarro, inscrite au dispositif, la journée d’hier a été dense. « J’ai reçu énormément coup de fil, une vingtaine et une dizaine de mails ». Elle est la première de la liste d’une vingtaine de thérapeutes autour de Bordeaux, et s’attend à être très sollicitée.
« Il est évident que je vais devoir limiter à 50% ma patientèle bénéficiant de tarif spécifiques ». Dit-elle, précisant qu’elle a déjà fort heureusement l’habitude d’avoir « un agenda ouvert », dans lequel il n’y a pas de privilège pour les anciens patients, et qui lui permet d’en accueillir de nouveaux. La plupart des contacts qu’elle a pu avoir hier concerne un public de jeunes « J’ai pas mal de demande pour des adolescents en décrochage scolaire ou en phobie scolaire avec des parents qui n’auraient pas pu assurer une psychothérapie. »
Encore trop peu de psychologues volontaires
19 psychologues pour toute l’agglomération bordelaise et 50 en nouvelle Aquitaine. Le nombre de psychologues adhérents au dispositif est encore faible.
Nathalie Stammler, psychologue clinicienne à Bordeaux depuis 30 ans le déplore, tandis qu’elle estime que «c’est une avancée considérable vers une reconnaissance de la profession et la prise en charge de la santé mentale ». « Le gouvernement fait un pas vers nous et je trouve ça dommage de pas adhérer et y a pas grand engagement puisque c’est à nous de fixer le pourcentage dans la patientèle pour ce dispositif. »
« On a reçu déjà des mails pour nous informer que nous n’étions que 1300 volontaires en France pour 18000 psychologues. »
Nathalie Stammler, Psychologue
Elle qui a toujours observé un manque de considération de sa profession, à travers notamment le fait que les consultations ne soient pas prises en charge par la sécu, insiste sur l’idée que ce premier pas devrait permettre de faire évoluer la profession et garantir un accès aux soins à un plus grand nombre « Ça fait longtemps que le projet existait et je trouve dommage qu’il n’y ait pas eu d’accord et que beaucoup boycotte, Parce que normalement la séance est à 60 euros, et qu’ils ont l’impression de se brader. »
Très investie depuis la crise du COVID, elle participe déjà à la précédente opération qui ne touchait que les étudiants Santé psy étudiant (valable jusqu’à fin août). Avec une rémunération également de 30 euros pour les thérapeutes au lieu des habituels 50-60 euros, cette opération a déjà été prolongée plusieurs fois. Victime de son succès, la thérapeute spécialiste de l’enfant et de l’adolescent est contactée quotidiennement par des étudiants en demande et s’en réjouit « Ça me permet de toucher une autre population que les ados poussés par les parents et qui n’ont pas envie de participer aux séances. »
Mais au delà du suivi des étudiants, elle se rend bien compte que la précarité et les difficulté financières s'invitent souvent au milieu d'une thérapie. "Ces problèmes pécuniers, c’est un problème récurrent, c’est vraiment un frein pour énormément de famille. On voit bien celles qui arrêtent les séances."
Avec ce dispositif elle se réjouit "8 séances c’est déjà l’occasion d’un beau travail". Mais modère assez vite son enthousiasme "Je vais devoir sélectionner en fonction des urgences et puis je vais prendre par ordre d’appel, j’ai déjà constitué une liste d’attente." Elle aussi a été contactée près d'une trentaine de fois en une seule journée.