L'avocat pénaliste Alex Ursulet a été placé sous le statut de témoin assisté dans une affaire de viol et harcèlement ce mercredi. Une plainte avait été déposée par une de ses anciennes stagiaires, alors élève à l'école des avocats de Bordeaux.
Alex Ursulet, visé par une plainte pour viol et harcèlement a été placé sous le statut de témoin assisté, un statut intermédiaire entre le simple témoin et le mis en examen, ce mercredi 24 juin. Aucune mesure de sûreté n'a été prise à son encontre.
L'avocat pénaliste s'était retrouvé en garde-à-vue mardi 23 juin dans le cadre d'une enquête pour viol et harcèlement, après la plainte d'une avocate, anciennement stagiaire à ses côtés. Une confrontation a eu lieu.
Plainte pour viol
L'affaire avait été révélée par Médiapart . La victime, alors élève à l'école des avocats Aliénor à Bordeaux décrivait des faits s'étant déroulés au cours un stage d'une durée initiale de six mois, effectué au cabinet d'Alex Ursulet, début 2018.
Selon Médiapart, qui a eu accès la plainte rédigée par Me Thibault Laforcade, quelques semaines après son arrivée, la jeune femme aurait alors subi lors d'un déjeuner des remarques déplacées, des questions sur sa vie sexuelle, et le même jour, un viol au sein même du cabinet parisien. Dès le lendemain, l'avocate mettait un terme à son stage.
Des faits réfutés par Me Ursulet, lui-même défendu dans ce dossier par les avocats Frédérique Pons, Christian Charrière-Bournazel, Jean-Yves Le Borgne, Nathalie Carrère, Marie Burguburu, François Gibault et Catherine Paley-Vincent.
Selon ce dernier, le fameux déjeuner avait donné lieu à une discussion sur le départ de l'avocate, et les accusations de la plaignante ne serviraient qu'à masquer les véritables raisons de ce départ anticipé.
Radié du barreau de Paris
Pour autant, un signalement auprès du Conseil de discipline de l'ordre des avocats a donné lieu à une enquête de sept mois. En janvier 2020, Alex Ursulet apprenait sa radiation du barreau de Paris, la sanction disciplinaire la plus grave, décision dont il a fait appel. Il a lui-même porté plainte pour diffamation et dénonciation calomnieuse.
L'avocat, ancien conseiller régional RPR de la Martinique, fut pendant quelques années associé de Jacques Vergès. Alex Ursulet a notamment défendu le tueur en série "de l'est parisien" Guy Georges, et c'est celui qui lui a soutiré ses aveux lors de son procès en 2001.
"Beaucoup de courage"
L'ex-élève, désormais avocate certifiée, a fait preuve de "beaucoup de courage", estime Anne Cadiot-Feidt, ex-bâtonnière du barreau de Bordeaux et présidente du Conseil d'administration de l'école Aliénor. "Je pense qu'elle le fait pour elle, mais aussi pour tous ceux ou celles qui pourraient se retrouver dans sa situation."
"On oublie qu'on a tous été ce jeune homme ou cette jeune femme. Quel que soit notre milieu professionnel, on pouvait avoir beaucoup de respect, même de l'admiration envers des professionnels qui nous forment", se souvient l'avocate
Il faut passer outre le sentiment de honte, de culpabilité qu'on peut ressentir en tant que victime, mais aussi vaincre la peur d'être considéré comme un dénonciateur dans le milieu voire d'être blacklisté… C'est très difficile.
Libérer la parole
Depuis 2017, l'école des avocats de Bordeaux a mis en place des procédures spécifiques afin d'encourager les élèves-avocats victimes de faits de harcèlement ou de violences auprès des instances de l'établissement.
Anne Cadiot-Feidt reconnaît que le dépôt de plainte a suscité un certain émoi dans le milieu des avocats, et s'en félicite : "C'est le plafond de verre qui a sauté. Il y a eu la vague #MeToo également, les langues se sont déliées. "
Tant mieux si c'est sorti chez les avocats. La société a beaucoup évolué mais pourtant je suis certaine que le tabou persiste encore dans beaucoup d'autres milieux professionnels. Si cette affaire peut servir d'exemple aux autres, c'est une très bonne chose.