Isolement en Ehpad : de précieuses rencontres entre bénévoles et résidents à Bordeaux

Alors que la France entière est soumise à un troisième confinement, les conditions de sorties des résidents en Ehpad ont été assouplies grâce à la vaccination contre la Covid-19. Pour les pensionnaires les plus isolés, ce sont les visiteurs bénévoles qui permettent ce lien avec le monde extérieur.

« Bonjour Josette, comment ça va aujourd’hui ? Je t’ai apporté des cannelés et des lapins de Pâques ! » s’enthousiasme Adeline en arrivant dans la chambre de la résidente de l’Ehpad Terre-Nègre, rue Ernest Renan à Bordeaux. Une chambre de 20 m2 aux murs bleus ciel, avec un balcon. « Je vais dehors arroser tes plantes Josette », propose Adeline.

Josette, 82 ans, est pensionnaire de l’Etablissement Terre-Nègre depuis juin 2016 et reçoit depuis lors la visite d’Adeline, 75 ans, bénévole de l’association des Petits Frères des Pauvres. Des visites hebdomadaires interrompues pendant presque deux mois lors du premier confinement. « Ça m’a traumatisé » confie Josette, « je m’en remets à peine ». Comme le reste du pays, l’établissement s’est retrouvé sous cloche pendant cinquante-six jours. Les résidents ne pouvaient plus recevoir de visites, ni sortir de leur chambre dans laquelle les repas étaient servis. Les animations et activités collectives ont été suspendues. Un rapport de l'association révèle les impacts de la crise sanitaire sur les personnes âgées isolées.

Entrées et sorties de l’établissement des résidents autorisées

Les visites ont pu reprendre à la sortie du premier confinement sur rendez-vous et dans des grandes salles communes. Retour des visites en chambre début juin, puis à nouveau en espaces communs à partir du deuxième confinement en octobre. Un casse-tête organisationnel qui a démotivé, même inquiété nombreux bénévoles qui ont préféré reporter leurs visites. La peur d’être contaminé, ou de contaminer.

Puis, est arrivé le vaccin, en force. Depuis le 13 mars, alors qu’Emmanuel Macron préparait la France à un troisième confinement pour une large partie du pays, le ministère de la Solidarité et de la santé annonçait un retour progressif à la vie sociale dans les Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) et ULSD (unités de soin de longue durée). « Nous souhaitons construire le chemin des retrouvailles […] Il faut que les résidents puissent revoir leurs proches à l’extérieur. Ils ont été trop longtemps coupés de leur famille », communiquait Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des Solidarités et de la santé, chargée de l’Autonomie.

Pour ceux qui n’ont pas ou plus de famille, les bénévoles

La famille de Josette, c’est Adeline, bénévole de l’association des Petits frères des pauvres. Josette n’a pas de proche à rencontrer. « Si je ne vous avais pas, je ne sais pas ce que je deviendrais » lâche la pensionnaire à sa compagne. L’ancienne secrétaire de la fac des Sciences de Bordeaux sort peu de sa chambre. Deux fois par jour, pour faire le tour du parc arboré de deux hectares de la résidence, avec sa canne. Elle lit avec plaisir les romans et récits autobiographiques prêtés par Adeline. « La prochaine fois je vous en apporte un sur Sœur Emmanuelle, vous verrez, c’était une marrante ! » s’enthousiasme-t-elle.

Ce dont j’ai besoin, c’est du dialogue.

Josette, résidente de l’Ehpad Terre-Nègre

Une montre, des vêtements, de la crème pour les mains… Josette a besoin d’Adeline pour effectuer certains achats. Elle est son lien, ses jambes, ses yeux, sur le monde extérieur, qu’elle craint trop aujourd’hui pour s’y aventurer « mais ça n’a rien à voir avec le Covid. Je n’ai plus envie de sortir c’est tout, sauf en voiture », affirme Josette avant d’ajouter : « ce dont j’ai besoin c’est du dialogue ».

En aucun cas on ne se substitue aux professionnels de santé, on travaille avec eux, main dans la main.

Lise Najab, chargée de communication des Petits frères des pauvres

Le bénévolat encadré par des associations

Mère de trois enfants et grand-mère de quatre petits-enfants, Adeline trouve toujours le temps pour cette rencontre hebdomadaire. La graine du bénévolat a été plantée dès l’enfance, à l’école : « Les sœurs organisaient des visites dans les bidonvilles. Ça m’a plu. Le fait de faire plaisir, de faire du bien ». En devenant membre de l’association des Petits frères des pauvres, Adeline a bénéficié de formations et participé à des réunions sur l’écoute, les troubles cognitifs ou encore les difficultés que peuvent rencontrer les bénévoles lors de leurs visites. « Mais en aucun cas on ne se substitue aux professionnels de santé, on travaille avec eux, dans la main », précise Lise Najab, chargée de communication pour l’association.

En 2020, l’association comptait 644 bénévoles en Nouvelle-Aquitaine dont 485 femmes et 159 hommes, avec pour mission première l’accompagnement de personnes âgées isolées. Ils forment des binômes pour se relayer et toujours suivre le même résident afin de créer un réel lien d’amitié. « J’ai accompagné beaucoup de personnes jusqu’à leur mort. Ils peuvent compter sur moi », révèle Adeline.

La crise sanitaire a permis d’améliorer la prise en charge des plus isolés.

Florence Coulamy, directrice adjointe de l’Ehpad Terre-Nègre

Collaboration entre associations et Ehpad

La rencontre entre Josette et Adeline a été organisée par l’Ehpad, qui travaille étroitement avec l’association pour leur présenter des résidents qui n’ont pas ou plus de famille. Quinze bénévoles de différentes associations interviennent régulièrement à Terre-Nègre. Selon Florence Coulamy, directrice adjointe de l’Ehpad Terre Nègre, « la crise sanitaire a permis d’améliorer la prise en charge des plus isolés ». Depuis que les visites ont repris après le premier confinement, elles sont enregistrées pour le traçage d’une éventuelle contamination par le virus de la Covid-19. « On peut évaluer qui reçoit des visites et combien. Certains ont des familles mais ne reçoivent pas de visite du tout. On peut plus facilement savoir qui est dans l’isolement » observe la directrice adjointe.

Peu à peu, et grâce à un taux de vaccination élevé, un peu plus de 90% à Terre-Nègre, les Ehpad se réveillent du cauchemar de l’isolement. Les activités physiques ont repris en petits groupes. « Une fois par semaine je fais des exercices d’adresse avec des balles et des cercles » raconte Josette. En attendant le retour des bals, des lotos, et surtout de la chorale qu’elle affectionne particulièrement, Josette s’accroche aux visites régulières d’Adeline. Un besoin qui n’est pas à sens unique. « J’aime le contact humain, j’aime qu’on ait besoin de moi » confie la bénévole, « c’est le cas » sourit Josette.

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