Ordinateurs à 70 euros, ateliers de formation... comment Emmaüs connect combat la précarité numérique

De nombreux Français ne savent pas se servir d'un ordinateur, d'autres n'en possèdent tout simplement pas. Pour lutter contre cet isolement social et économique, l'association Emmaüs connect leur vend des ordinateurs à de prix très bas ou leur propose des formations gratuites.

Julia est une habituée. Elle vient régulièrement pour acheter des téléphones ou des crédits 4G. "Ça nous aide beaucoup Emmaüs Connect", remarque-t-elle. Mère de quatre enfants, elle souhaite aujourd'hui se doter d'un ordinateur. "Je vais discuter avec elle de ce qu'elle va vouloir en faire. Il faut savoir si c'est pour les études, le travail ou juste les démarches administratives. Et je peux lui proposer plusieurs gammes d'ordinateur", explique Laétitia Szczepanski qui travaille chez Emmaüs Connect dans le cadre d'un service civique. Cet ordinateur est destiné au fils de Julia âgé de 13 ans. "Je vais lui proposer un ordinateur à 70 euros. Cela sera largement suffisant".

Cinq fois moins cher que dans un magasin

Julia et son mari vivent avec un budget de 2 700 euros par mois. Une fois le loyer et les diverses factures payés, il leur reste en général 700 euros pour vivre et élever leurs quatre enfants. "Un ordinateur à 70 euros, c'est cinq fois moins cher que dans un magasin", constate Julia. "Pour les grandes familles comme nous, cela nous aide à économiser et avoir accès à d'autres choses, comme des vêtements pour les enfants". 

Situé auparavant dans le quartier des Aubiers à Bordeaux, Emmaüs Connect a récemment déménagé près de la gare, Cours de la Marne, pour gagner en espace et se développer.

 Comme Julia, ils sont plus d'un millier à bénéficier de ses services. Si leurs profils sont multiples, plus de la moitié des bénéficiaires ont entre 18 ans et 45 ans. Ils ont en commun de vivre avec des ressources financières limitées. 

Garantir un matériel qui dure dans le temps

Si Emmaüs Connect parvient à proposer de tels tarifs, c'est grâce aux dons matériels et financiers des partenaires, privés et publics. Les téléphones et ordinateurs passent tous par un atelier de reconditionnement, géré par des bénévoles.
Pascal Ratineau est l'un d'entre eux. Il fait visiter les lieux. "Aujourd'hui, vous avez de la chance, c'est rangé", sourit-il. "Là, on a reçu un gros volume d'ordinateurs, de la part d'un prestataire. On les a rangés par catégorie". Les ordinateurs sont tous ouverts, afin de vérifier qu'ils fonctionnent correctement et qu'aucune réparation n'est nécessaire. "C'est du matériel qui a en général quatre ou cinq ans, donc qui peut être facilement reconditionné. On a même eu récemment des machines qui n'avaient même pas deux ans. C'est du matériel qui va durer dans le temps, car c’est en général du matériel professionnel". 

Nicolas Fleury, son collègue installé juste à côté, s'occupe des mises à jour devant être réalisées sur les ordinateurs avant de les mettre à la vente. Un travail qui peut s'avérer long. "Je ne travaille plus, du temps, j'en ai, donc je le mets à disposition". Eric a aussi choisi de se lancer chez Emmaüs Connect pour contrer "un gâchis". "Il y a quelque chose qui est choquant à l'heure actuelle. C'est l'immense quantité de matériel que les gens pensent inutilisable alors qu'ils peuvent avoir une deuxième vie", déplore-t-il.

Des formations pour tous les niveaux

"Est-ce que tout le monde suit là ?", s'inquiète un animateur de la formation pour débutants à laquelle Danielle Assis de Sousa s'est inscrite chez Emmaüs Connect.  La Brésilienne a 45 ans. Ses revenus se limitent à ce qu'elle réussit à obtenir de ses réalisations en macramé. Au maximum 750 euros par mois. Elle vit depuis six ans en France et n'est toujours pas régularisée. "Il y a deux façons pour faire la demande de carte de séjour", explique-t-elle. "Soit vous vivez depuis plus de dix ans en France (...). Soit il faut faire la démarche en tant qu'autoentrepreneur et faire la preuve qu'on a de quoi vivre et subvenir à ses besoins. Donc, je dois faire un business plan pour être autoentrepreneur. Et il faut donc que je sache me servir d'un ordinateur", résume la quadragénaire.

L'atelier dure trois semaines. Il permet de se familiariser avec l'outil et de savoir réaliser les opérations de base avec un ordinateur. Ce jour-là, aux côtés de Danielle, six bénéficiaires s'attellent à acquérir les fondements de l'informatique. Accès aux navigateurs de recherche, création de dossiers, réaliser des téléchargements, autant de manipulations inédites pour les élèves.

"Ils expliquent bien", assure dit Djamila Khitour, 60 ans, à la recherche d'un emploi. Elle peine encore à utiliser le "clic droit" mais ressent des progrès. "Ça nous aide dans notre vie pour ranger les dossiers EDF, par exemple ou pour Pôle Emploi (...). 

Si on ne sait pas se servir d'un ordinateur, on est des illettrés. 

Djamila Khitour

En recherche d'emploi


Djamila Khitour a décidé de se lancer "pour être autonome". Pour l'instant, elle fait appel à son fils ou au Centre communal d'action sociale  pour ses démarches et se sent 'prisonnière". Une fois formée, elle achètera un ordinateur à prix cassé, chez Emmaüs Connect.

"Un peu de liberté" 

Juste à côté, Sidibe et Mohammed, eux aussi, font leurs premiers pas. Âgés de 16 ans, ils sont arrivés respectivement du Mali et de la Guinée Conakry il y a quelques mois. Tous deux ne s'étaient jamais servis d'un ordinateur. Cette formation est une première marche dans leur processus d'insertion en France, d'autant que leur objectif est de se scolariser rapidement. "On a commencé par découvrir la souris d'abord, et petit à petit, j'ai commencé à utiliser le clavier et à écrire", raconte Mohammed. "On a appris beaucoup de choses ici (...). Ça va me servir pour beaucoup de choses".

 "Là, c'est un cours pour débutants, mais après, je pourrai approfondir", prédit Danielle, qui a déjà acheté son ordinateur auprès de l'association.  Ces cours lui apportent "un peu de liberté". "C'est comme avoir des ailes", sourit-elle. "Sinon, c'est comme si on était attaché, un peu coincé, un peu oublié de la planète".

L'Espace Solidarité d'Emmaüs Connect est le seul de ce type en Nouvelle-Aquitaine. Mais il existe 25 points relais un peu partout dans la région. Ils proposent de multiples services : solutions de connexion solidaire, ateliers numériques, et permanences d'accompagnement, distribution de matériel informatique à tarif solidaire. 

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