La nouvelle exposition du CAPC de Bordeaux est une rétrospective de 50 ans de travail de Beatriz Gonzalez. C'est la 1e fois qu'autant d'oeuvres, de cette artiste colombienne majeure, sont exposés en Europe. Ses peintures, puissantes et émouvantes, témoignent de l'histoire de son pays.
Beatriz Gonzales a toujours peint. Depuis très jeune. Ses premières oeuvres, au mileu du 20e siècle étaient déjà saluées par la critique. On trouvait l'artiste intelligente produisant une peinture raffinée.Oui mais non. Pas question pour elle d'être cataloguée ainsi. Première rupture dans son travail. Nous ne verrons pas ses premières oeuvres. Certains disent qu'elle les aurait détruites ...
La retrospective du CAPC commence en 1965. Beatriz Gonzales a laissé tombé les toiles et choisit toutes sortes d'objets comme supports à sa peinture : tables, coiffeuses, lits, plats, rideaux .... Elle reproduit des oeuvres classiques de grands peintres européens, redessinés à sa façon, minimaliste.
© Telon de la movil y cambiante naturaleza - Beatriz Gonzales
"Il s'agissait de montrer comment les grandes oeuvres de l'art universel arrivent dans les pays en voie de développement comme la Colombie. On les reçoit de façon extrêmement transposée. Ce sont des copies très éloignées des originales que les européens peuvent aller voir dans les musées. Nous, on les reçoit toujours à travers des reproductions" nous explique Beatriz Gonzalez, qui a fait le déplacement jusqu'à Bordeaux à l'occasion de cette rétrospective.
L'artiste s'intéressera ensuite aux photos trouvées dans la presse. La première qui attire son attention est celle d'un couple, un bouquet de fleurs à la main. Le couple, tout juste marié, prend cette photo, l'envoit aux parents de chacun. Puis se suicide.
La reproduction qu'elle en fait met en avant les couleurs et les personnages, mais l'expression est minimale, comme dans toutes ses peintures, pour que n'importe qui puisse s'identifier.
Elle reproduira ainsi de nombreux faits divers, assasssinats, suicides, mais s'intéressera aussi aux photos en lien avec le contexte politique et social de son pays.
Jusqu'à ce jour noir qui a marqué la Colombie, quand l'armée et les narcotrafficants, ensemble, incendient le palais de justice de Bogota.
"On a brûlé la justice à ce moment là. Face à un évènement aussi grave, un symbole fort, je me suis dit qu'on ne pouvait plus rire" nous confie t-elle.
Alors, en effet, elle ne rit plus à travers ses oeuvres. Elle choisit des tons plus sombres. Ses dessins sont plus graves. Il est maintenant question de déplacés, de victimes de guérillas et des cartels ...
© Beatriz Gonzales
"Elle nous parle de la douleur. Celle que l'on ressent quand il y a des conflits de ce type. Et cette douleur là il n'y a pas que les colombiens et les colombiennes qui la ressentent. C'est tous les gens qui sont touchés par une guerre" analyse la directrice du CAPC et commissaire de l'exposition, Maria Ines Rodriguez.
Aujourd'hui, à bientôt 80 ans, Beatriz Gonzales, devenue depuis longtemps l'artiste transgressive qu'elle a toujours voulu être, crée toujours. Elle vient d'exposer son dernier travail sur les éléments (les catastrophes autour de l'eau ou du feu) à Zurich.
Et compte bien continuer "jusqu'au bout".
La retrospective qui lui est consacrée à Bordeaux, la première en Europe, regroupe 130 de ses oeuvres jusqu'au 25 février 2018. Elle est ensuite attendue à Madrid puis à Berlin.
Regardez le reportage de Cendrine Albo-Reichert et Pascal Lecuyer :