Le caricaturiste Thibaut Soulcié va vivre la Coupe du monde enfermé chez lui, dans son petit atelier bordelais, à dessiner quotidiennement pour le journal L'Equipe.
"Bien sûr que je suis excité! J'espère que je ne vais pas me trouer, comme disent les footeux", lance Thibaut Soulcié.Comme Paul Pogba ou Antoine Griezmann, le caricaturiste s'apprête à "disputer" son deuxième Mondial. "La différence, c'est qu'ils feront au mieux sept matches, s'ils la gagnent. Moi, quoi qu'il arrive, il faut que je fasse trente dessins. J'espère être bon. C'est une course de fond. C'est contre moi-même que je me bats !", s'amuse le trentenaire.
Thibaut Soulcié a déjà quelques jolis faits d'armes sur les Bleus. On lui doit notamment une série sur la chance de Didier Deschamps, "la bonne grosse chachatte (chance en argot) à son Didier", où il dessine littéralement un chat à côté du sélectionneur, souvent verni dans les grandes compétitions.
Après la défaite en finale de l'Euro-2016, Soulcié dessine le fameux chat... écrasé par le bus de l'équipe du Portugal: "M(i)aou, plotch".
Ou ce dessin paru après que Adrien Rabiot a refusé d'être réserviste en Equipe de France.
Les #RS #Deschamps et #Rabiot c'est dans @lequipe par @tsoulcie Bon dimanche pic.twitter.com/h4OrUCx3NF
— Brisse Jeff (@JFB140) 27 mai 2018
Deschamps, je l'ai fait en chevaucheur de chat, mais aussi en Passe-Partout (le personnage de Fort Boyard) ou en moniteur de colo de vacances. Ce qui est rigolo, c'est de changer le réglage.
"Après, Twitter est un concurrent redoutable, avec les vannes, les montages", poursuit-il, en pleine réflexion sur les jeux de mots autour de Pogba: "Pog-non, peut-être ?".
Il a aussi singé une conférence de presse insipide du capitaine français Hugo Lloris, avant le quart de finale de l'Euro contre l'Islande, face à un auditoire de vikings transformés en glaçons: "Les Islandais sont chauds bouillants. Lloris refroidirait un volcan".
Six propositions pour un dessin
Pour un dessin publié dans L'Equipe et rémunéré environ 190 euros, Soulcié envoie au moins six propositions. Ce sont ses esquisses qui lui prennent le plus de temps. Une fois le choix de sa rédaction en chef arrêté, il lui faut une quarantaine de minutes pour terminer la caricature.
Un proche de Deschamps nous a appelés pour dire calmos
Eloigné du monde du foot, il assure ne jamais avoir eu de problème avec ses dessins et bénéficier d'une carte blanche de la part du journal. "A l'Euro, il y a juste une fois où mes rédac' chefs m'ont dit: 'un proche de Deschamps nous a appelés pour dire calmos'. Je crois que c'était avant les demi-finales, à des moments où ils sont stressés".
Auparavant, le caricaturiste se souvient d'avoir dû refaire un dessin visuellement un peu dur pour Franck Ribéry. "Ils m'ont dit, 'on ne voudrait pas le fâcher, donc refais le dessin un peu moins saignant'. J'ai changé le visage". Mais pas la blague, des cours de grammaire et d'orthographe donnés à l'ancien ailier des Bleus.
Peu de dessinateurs s'intéressent au foot
Boucle d'oreille et look plutôt branché, Soulcié, qui vient aussi de publier un album (Le monde est Foot, éditions du Chêne), reconnaît que le monde du dessin n'est pas toujours réceptif à l'univers du foot : "Ce sont des gens un peu intellectuels et cultivés, le premier réflexe c'est de dire, 'ah non, le foot c'est pour les beaufs'".Le dessin de presse, c'est presque un art perdu, un truc du XIXe siècle...
Valeur montante de L'Equipe et collaborateur de Télérama et Marianne, Soulcié gagne est rémunéré entre 3.000 et 4.000 euros par mois, mais il s'interroge: "Le dessin de presse, c'est presque un art perdu, un truc du XIXe siècle... Et le dessin de presse sportive, c'est vraiment la micro-niche".