À Bordeaux, l'équipe de Pierre Hurmic veut revoir les projets des quartiers de Bastide-Niel et Brazza

Lors de son élection à la mairie de Bordeaux, l'écologiste Pierre Hurmic a hérité de projets urbains déjà engagés. Des quartiers entiers en voie de construction. Il va pourtant amender les projets de Bastide-Niel et de Brazza. Les explications de son adjoint Bernard-Louis Blanc. 

Ce  lundi 28 septembre, l'agence d'architecture MoonSafari aurait du ouvrir à la presse le chantier de l'Annexe. Un bâtiment de huit étages avec un parking aérien, un local d'activité et 24 logements, présenté comme la "vitrine du futur quartier Bastide-Niel" imaginé par le néerlandais Winy Maas de l'agence MVRDV.

La visite a été reportée en raison de la Covid mais le chantier avance à grands pas.
D'ici 2018, cette zone d’aménagement concerté logera 10 000 habitants. 3400 logements y seront construits mais aussi des commerces, des équipements publics dont deux groupes scolaires et un gymnase. Un quartier sorti de terre sur une friche ferroviaire et militaire de 35 hectares située rive droite. 

L'architecte Winy Maas a voulu conserver les empreintes des voies ferrées et des anciens bâtiments, préserver la mémoire du lieu. Ces traces du passé ont été le point de départ pour découper 140 îlots très différents et livrer  « une copie améliorée de l’ancien, plus écologique et plus intime ».
 
Dans cet éco-quartier, les rues larges encouragent le transport doux (40% piétons, 20% vélos selon le projet ) et favorise les rencontres. Un soin particulier est apporté à la végétation avec 23 parcs, une piscine végétale, un jardin tropical. Des commerces sont à moins de 5 minutes à pied. L'énergie thermique et électrique est renouvelable, les déchets recyclés, l'eau de pluie récupérée et des panneaux photovoltaïques installés.
Bref, un projet qui se veut très écologique et pourtant, Bernard-Louis Blanc, nouvel élu de l'équipe Hurmic ne le trouve pas à son goût : trop minéral, trop bétonné. "Même les voies pour les cyclistes et les piétons sont imperméabilisées, ce n’est pas possible" s'offusque le nouvel adjoint en charge de l'urbanisme résilient. "Il faut que tous les espaces publics soient végétalisés, il faut tripler, quadrupler la végétation" poursuit-il. 

L'architecte a voulu découper les volumes des bâtiments pour faire pénétrer la lumière dans les logements et les rues. Une "approche intelligente" mais les courbes des façades et des toit complexifient leur construction et augmentent les coûts. De plus, elles ne garantissent que deux heures d'ensoleillement par jour, ce qui est insuffisant pour Bernard-Louis Blanc. 
 

La nouvelle équipe municipale a déjà contacté l'architecte pour lui demander d'amender son projet, d'assagir ses façades, d'accélérer la sortie des logements sociaux, de fractionner ses îlots. "Certains sont énormes, de véritables mastodontes pas du tout dans les formes bâties de Bordeaux et de ses échoppes" analyse l'adjoint en charge de l'urbanisme résilient. Lui souhaiterait une plus grande diversité dans les matériaux utilisés, du bois, de la brique de l'argile de Biganos, ressource locale. 
Dans ce territoire qui a été "une partie majeure du lit de la Garonne", la municipalité voudrait également une trame bleue, un canal avec des fontaines pour rafraîchir l'air.

Contacté la semaine dernière, Winy Maas aurait déjà livré de nouvelles propositions.  "Les 2/3 des îlots sont encore négociables" évalue Bernard-Louis Blanc, confiant :  "Avec un architecte de talent, on peut renverser les choses".

Voyez ce reportage tourné par Hélène Chauwin et Sylvie-Tusq-Mounet le 3 mai 2016 ►
 


Le cas Brazza

Un autre projet financé par la ville et la métropole doit concourir à la mutation de la rive droite lancée en 1997 par la communauté urbaine de Bordeaux : celui de Brazza :  53 hectares dans le prolongement du quartier Bastide-Niel et du parc des Angéliques, au pied du Pont Chaban Delmas. 

Là encore, l'architecture contemporaine mêle espaces publics, logements, artisanat et commerces.
L'architecte urbaniste Youssef Tohmé voulait "le plus de relations possibles entre les habitants, la Garonne et une nappe végétale profonde" :

C’est une ligne de front de Garonne où l’espace entre les bâtiments est aussi important que les bâtiments. Ce n’est pas un espace fermé. On a des allées qui font 40 mètres de large qui sont des lanières de peupleraies où le paysage rentre à l’intérieur des îlots.


Une coulée verte dans le sillon ferroviaire de la Brazzaligne, imaginée comme un pendant des quais de la rive gauche. Des immeubles collectifs sur pilotis qui surplombent les espaces verts, des échoppes individuelle du 21e siècle. Bernard-Louis Blanc le reconnaît, ce projet leur va bien : 

Dans cet habitat avec des arbres tout autour, des espace dégagés, on sent une ambiance de qualité d’une ville que le Bordelais va retrouver.

Un projet "très paysager" que l'adjoint à l'urbanisme résilient juge "chargé de bonnes intentions conciliant habitat collectif et individuel" et proposant 35% de logements sociaux. 
Mais Bernard-Louis Blanc regrette "la frénésie" avec laquelle le projet a été lancé "par l’équipe précédente" sans "une maîtrise foncière totale". 
Certains bâtiments appartiennent encore à des propriétaires qui spéculent sur la hausse du prix du foncier. Et les négociations vont retarder la réalisation des espaces verts que la municipalité aurait voulu donner à voir rapidement aux Bordelais. 

Voyez ce reportage tourné par Karim Jbali et Dominique Mazères le 10 janvier 2017► 
 
Sur les Quais de Brazza où le quartier du même nom sortira bientôt de terre. Les permis de construire sont déjà signés. Karim Jbali Dominique Mazères

Droit d'inventaire sur les projets urbains

Ancien directeur d'offices HLM et d'Aquitanis à Bordeaux, Bernard-Louis Blanc rejette l'actuel urbanisme de marché où les promoteurs ont quartier libre. 
L'habitant citoyen sera consulté à l’échelle d’un îlot ou d’un quartier, éduqué, grâce à cette participation, au changement climatique et aux ressources non renouvelables. Il pourra "être actif de son habité" promet Bernard Louis-Blanc. 
Il veut rompre avec ces quartiers sur plan, figés quinze ans avant leur réalisation, sans aucune modification possible. "Qui peut prédire ce que sera la façon de commercer, d'habiter dans quinze ans ?" s'interroge-t-il dénigrant des quartiers sans identité, sans âme. 
"Quand vous vous baladez dans le quartier Bordeaux-Euratlantique, vous pourriez être à Toronto ou Monréal, au Japon ou aux États-Unis". Et de poursuivre sa charge : "A Ginko, dans des produits défiscalisés, les gens restent un an en moyenne. Il ne peut pas y avoir de vie de quartier quand vous n’êtes que de passage"

L'équipe de Pierre Hurmic ne veut pas de "ville excluante".
"C'est quoi ce projet de Bordeaux-Euratlantique qui vise des cadres parisiens ? Il faut avoir une visée très claire de qui habite la ville. Les revenus moyens sur la métropole sont très peu élevés. Tous les revenus modestes sont partis à la périphérie. On aimerait bien qu’ils reviennent dans la ville. Ce n'est pas pour rien que Bordeaux a connu parmi les manifestations les plus violentes des Gilets jaunes" rappelle Bernard-Louis Blanc. 
Le 10 septembre dernier Pierre Hurmic se donnait  un " droit d'inventaire sur les grands projets urbains ". Avec pour priorités l'arrêt de l'artificialisation des sols, la végétation partout où c'est possible et l'agriculture urbaine, son adjoint à l'urbanisme résilient veut se concentrer non pas sur  "les pleins à venir mais les vides à conserver. Ils constituent "l'espace public qui doit être le plus vert possible". Et c'est un vaste chantier des six ans de la mandature. 
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