La petite fille de 6 ans vit depuis juillet dernier en Egypte avec sa mère malgré une interdiction de sortie du territoire. Le père se bat pour que les autorités égyptiennes appliquent le mandat d’arrêt émis à l’encontre de son ex-épouse.
Il a placé sous l’oreiller de Shaya un bracelet fait avec des bonbons, " pour qu’elle le trouve en rentrant ".
Saminou Nioka compte les jours. En l’occurrence, 158 sans voir sa fille. Plus de cinq mois passés à se battre pour que la justice soit appliquée.
Il s'est bien rendu en septembre dernier en Egypte pour tenter de ramener sa fille, en vain. Aujourd’hui, le ministère des affaires étrangères lui assure que le dossier est pris au sérieux. Pour autant, le Bordelais a passé Noël sans sa fille. La situation semble au point mort.
Interdiction de sortie du territoire depuis 2017
Le 17 juillet dernier, le père dit avoir déposé sa fille " pour que sa mère puisse exercer son droit de visite et d’hébergement pour deux semaines ".
" Elles devaient passer deux semaines de vacances ensemble ", explique-t-il calmement. " Le 31 juillet, je me suis rendu au "point rencontre" pour récupérer ma fille. A mon arrivée, les agents vont m’informer. Sa mère a appelé une vingtaine de minutes avant pour dire qu’elle ne ramènera pas Shaya et qu’elle avait pris la décision de partir avec elle. Elle estime qu'en faisant ça, elle répare une injustice ».
Cette injustice, c’est celle d’avoir perdu la garde de sa fille.
Car depuis 2017, c’est en effet Saminou Nioka qui en a la garde exclusive. " Non seulement il n’y avait pas d’autorisation parentale (…), mais judiciairement, elle avait une interdiction de sortie du territoire depuis 2017 et qui n’a jamais été remise en cause ", explique Me Caroline Bris. " Il y a eu cinq décisions du juge des affaires familiales. A chaque fois, elle a demandé la levée de cette interdiction de sortie du territoire et les juges ont toujours confirmé avec beaucoup de motivation (…) le maintien de cette décision ".
Un juge d’instruction a émis un mandat d’arrêt à l’encontre de la mère de Shaya. " Normalement, maintenant, c’est aux autorités égyptiennes d’exécuter ce mandat d’arrêt ", explique l’avocate. " Le délais d’application raisonnable est largement dépassé puisque cela fait plus de 5 mois ".
Après, l’Egypte est un pays connu pour être un pays qui n’exécute pas facilement ce genre de demande .
Maître Caroline Bris - avocate de Saminou Nioka -France3 Aquitaine
Convention de La Haye non ratifiée par l’Egypte
L’Egypte ne fait pas partie des 98 pays ayant ratifié la convention de La Haye concernant les enlèvements internationaux d’enfants (voir la carte ci-dessous).
« C’est donc notre problème principal ", concède l’avocate de Saminou Nioka.
Cette convention " a pour objectif clairement défini de promouvoir des relations de coopération judiciaire entre les Etats contractants pour faciliter la reconnaissance et l'exécution des décisions étrangères en matière de garde et de droit de visite ", explique le ministère de la justice.
Mais un point pourrait jouer en faveur de Saminou Nioka. La mère de Shaya n’est pas de nationalité Egyptienne mais Française.
" Cela arrive très souvent dans les enlèvements internationaux parentaux que le parent qui enlève parte dans son pays d’origine ", rappelle l’avocate. " Dans ces cas-là, effectivement, il y a une protection du national par son pays donc du parent qui vient de ce pays. Donc cela s’explique. Mais là, on n’a effectivement pas d’explication et pour deux raisons : cette enfant est française sans double nationalité, les deux parents sont Français sans double nationalité, et Madame travaille dans une institution qui est subventionnée par la France. Donc, on ne comprend pas cette non-exécution du mandat d’arrêt ".
Selon Saminou Nioka, la mère de Shaya serait enseignante dans un lycée de la mission laïque française au Caire (*).
Un déplacement vain en Egypte
Saminou Nioka a pourtant eu un espoir. " Autour du 14 septembre, j’ai reçu un mail du consul de France au Caire, me disant que les autorités égyptiennes s’apprêtaient à exécuter le mandat d’arrêt ", raconte-t-il. " Donc pour éviter que ma fille ne soit confiée aux services sociaux égyptiens, il fallait que je vienne en Egypte pour pouvoir la récupérer. Ce que j’ai fait immédiatement ". Il arrivera dès le 16 septembre sur place.
« Pendant trois semaines, il ne se passe rien. Je vois trois fois le consul, et je finis par prendre la décision de rentrer voyant que rien ne se fait".
Saminou NiokaFrance 3 Aquitaine
Une décision difficile à prendre , "sachant que je suis à une vingtaine de minutes du domicile où se trouve ma fille mais que le consulat me déconseille fortement de m’y rendre, pareil pour son école".
" Parce qu’on me dit qu’à tout moment une intervention est à venir et que le fait de m’y rendre pourrait compromettre cette intervention ».
Il est donc reparti sans avoir vu sa fille mais depuis ils se parlent au téléphone régulièrement.
Médiatiser pour avancer
Saminou Nioka n’est jamais parvenu à entrer en contact direct avec les autorités égyptiennes. Il a écrit à plusieurs reprises à différents ministères français mais aurait eu " peu de réponses ". " Début novembre, le cabinet présidentiel m’a répondu qu’il demandait au ministère des affaires étrangères un examen attentif de ma situation. C’était le 3 novembre", précise la père de Shaya. "Suite à cela, je n’ai rien eu. Pas de retour du ministère des affaires étrangères".
C’est comme cela que j’en suis venu mi-décembre à sortir mon histoire dans la presse pour enfin avoir des réponses.
Le père de ShayaFrance 3 Aquitaine
"Et force est de constater que cela a rétabli une certaine forme de communication avec les ministères", conclut Saminou Nioka. "Quatre jours après la diffusion des articles le ministères des affaires étrangères m’a contacté ».
Pour autant sa situation n’a pas évolué.
Son avocate dit avoir épuisé toutes les procédures judiciaires possibles. " S’il n’y a pas d’appui diplomatique ", dit-elle, " Je pense qu’il sera très difficile d’avoir un retour de Shaya rapidement. Je le dis très sincèrement. Sans intervention du ministère des affaires étrangères de manière très ferme le respect des décisions judiciaires mais aussi civiles et familiales françaises sera très difficile ".
En attendant, Saminou Nioka a rendez-vous avec une énième échéance juridique. La mère de Shaya n’aurait jamais payé la pension alimentaire qu’elle doit à son ex-époux. Cela lui avait valu une condamnation à quatre mois de prison dont deux mois de prison ferme. Elle a fait appel. Le 11 janvier prochain aura donc lieu l’audience devant la Cour d’appel de Bordeaux.
(*) La Mission laïque française assure de son côté qu'elle n'emploie pas la mère de Shaya. "En effet, la section de la MISR Language School-Mlf au Caire est une entité publique égyptienne qui entretient des liens de partenariat pédagogiques avec la Mission laïque française", a-t-elle tenu a préciser dans un droit de réponse.