Tapaj, ou Travail Alternatif Payé à la Journée, en bref une alternative à la manche. Un concept né au Canada mais qui a fait des émules en France et en premier à Bordeaux. Grace à ce dispositif, des jeunes sans domicile fixe réussissent à s'en sortir. Témoignages.
Ce jour-là, nous avons rendez-vous à 9 h 30 non loin de la gare Saint-Jean, aux abords de la voie ferrée près des bâtiments administratifs de la SNC. Trois jeunes sont arrivés à l'heure. Tous les autres étaient en avance. Un signe.
►Ecoutez Alice, jeune "tapajeuse" (1/1)
►Ecoutez Alice, jeune "tapajeuse (2/2)
Ils sont six et ont choisi de participer à Tapaj. Rien ne leur est imposé, ils sont volontaires. Aujourd'hui, leur mission, nettoyer les abords du site : taille des arbustes, ramassage des feuilles mortes, jardinage. Leur travail sera rémunéré 10 euros de l'heure. Ils percevront leur salaire le jour-même, c'est un principe.
Dans le groupe, une majorité de jeunes filles, quatre au total. Elles ont souvent en commun de s'être retrouvées à la rue après avoir suivi un garçon dont elles étaient tombées amoureuses. En commun aussi, le passage par des foyers, l'Aide Sociale à l'Enfance, un parcours de vie difficile, chaotique depuis leur plus tendre enfance.
►Ecoutez le témoignage de Nacre, jeune "tapajeuse"
Ce jour-là Cassie et Nacre ont dormi dans un squat. Sophie a passé la nuit dans un parking. Alice arrive d'un foyer où elle a récemment élu résidence avec son compagnon. La rue ? Encore une réalité pour certaines. Une menace de retour en arrière pour une autre. Leur volonté à toutes est donc de trouver "un vrai logement", un appartement à elles dont elles payeraient le loyer. Pour cela, il leur faut de l'argent, et c'est là que Tapaj intervient.
Ce dispositif existe depuis 2012 à Bordeaux. Il est piloté par le CEID (Comité d'Étude et d'Information sur la Drogue et les Addictions). Aujourd'hui, de nombreuses entreprises sont partenaires de Tapaj : la SNCF donc, Vinci, les Girondins de Bordeaux, Auchan, différentes communes de la Métropole, etc. À chaque entreprise son "stage" de réinsertion.
►Ecoutez le témoignage d'Agnès, éducatrice de rue
Ce matin, deux éducatrices accompagnent les jeunes "tapajeurs", dont Agnès Creyemey. Il y a des règles à respecter, mais pas question de les observer ou de les "fliquer". Les deux femmes travaillent aux côtés des stagiaires et participent aux mêmes travaux, sécateur en main. Le meilleur moyen de mettre tout le monde sur un pied d'égalité et d'inviter les jeunes en difficulté à parler. Ils sont malheureusement habitués aux services sociaux et savent comment esquiver les questions auxquelles ils ne veulent pas répondre. Ici, on est loin des bureaux de "l'administration". Le climat est plus propice à l'échange, sincère si possible.